#Salepute : regarder en face le cyberharcèlement

Le documentaire "#Salepute" de Myriam Leroy et Florence Hainaut aborde sans détour la question de la haine et de la misogynie sur Internet. Il entend faire comprendre aux femmes victimes d’insultes qu’elles ne sont pas des cas isolés. Le phénomène du cyberharcèlement est systémique.

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Myriam Leroy et Florence Hainaut, réalisatrices du documentaire "#SalePute". © Tous droits réservés

Le documentaire « #Salepute » de Myriam Leroy et Florence Hainaut aborde sans détour la question de la haine et de la misogynie sur Internet. Il entend faire comprendre aux femmes victimes d’insultes qu’elles ne sont pas des cas isolés. Le phénomène du cyberharcèlement est systémique.

Myriam Leroy et Florence Hainaut, réalisatrices du documentaire « #SalePute ». © Tous droits réservés

« C’était non-stop, un véritable enfer » se souvient Florence Hainaut. Insultes, menaces, harcèlement. Tout au long de leur carrière journalistique, elles ont été visées par les critiques, alors que leurs collègues masculins étaient épargnés. Les deux femmes ont décidé de mettre en lumière ce phénomène.

Informer les femmes

Depuis que leur carrière les a rendues visibles, les critiques et le harcèlement sur Internet ne s’arrêtent plus. Mais Myriam Leroy et Florence Hainaut n’en sont pas les seules victimes. Selon une étude d’Amnesty International, près d’un quart des femmes ont subi ces violences au moins une fois dans leur vie. Il leur a fallu du temps pour comprendre la nature de ces insultes. Celles-ci sont encore considérées comme des faits divers ou des clashs, alors qu’elles ont un caractère sexiste, et que leurs auteurs sont à 99% des hommes.

« On a fait le travail journalistique qu’on aurait aimé voir depuis des années »

Les réalisatrices, qui ont souffert de ces insultes constantes, auraient aimé qu’on leur explique plus tôt la nature systémique de la situation. Le documentaire a donc été créé dans ce but : donner une grille de lecture aux femmes pour leur faire comprendre que ce ne sont pas elles le problème, mais bien le système.

En Belgique, le soutien apporté aux femmes journalistes
peut se révéler bien maigre. «Les cadres, les rédacteurs en chef disent ‘ce n’est pas mon problème’ comme si c’était un problème tombé du ciel alors que c’est un accident du travail», explique Myriam Leroy. Les messages haineux et phallocentriques de quelques énervés ne devraient pas empêcher une chaîne de télévision d’encourager sa journaliste. Pourtant, Myriam Leroy, fatiguée du manque de réaction de ses collègues et de ses supérieurs face à la déferlante de haine qui suit chacune de ses interventions, ne compte pas retourner à la RTBF une fois ses autres projets bouclés. Un média qui choisit de diffuser les dires de ses employés ne cesse pas d’être responsable, une fois l’antenne rendue. Il se doit également d’en assumer les retombées négatives au côté de la journaliste qui incarne seule une opinion collective.

Philomène Raxhon (bloc3)

Un phénomène passé sous silence

Des rapports de l’ONU et Amnesty International sur le sujet ont été publiés il y a quelques années. Mais les femmes, étant 27 fois plus susceptibles d’être harcelées en ligne que les hommes, désertent les réseaux sociaux. Et celles qui contestent se font écraser, que ce soit par les « haters » ou les plateformes qui profitent de cette haine au lieu de la supprimer. Ainsi, sur les réseaux qui se veulent démocratiques, les plus forts gagnent, et le sujet reste dans l’ombre.

En 2020, 540 menaces envers les femmes journalistes ont été dénombrées à travers le monde par la Coalition For Women In Journalism. 540 menaces d’ordre physique : des viols, des meurtres, du harcèlement sexuel et toute une ribambelle d’autres agressions. Un cinquième des femmes journalistes ayant participé à un sondage de l’UNESCO disent avoir été attaquées physiquement à la suite de menaces en ligne. La violence déborde donc bien du cadre des réseaux sociaux. Les messages reçus par les journalistes ne sont pas anodins et mènent, dans le pire des cas, à un passage à l’acte.

Philomène Raxhon (bloc3)

Menaces de viol ou de mort, harcèlement, vulgarités… Dans le documentaire « #Salepute », des femmes de tous les horizons livrent leur témoignage à la caméra. Ces récits intimes mais également politiques se veulent alarmants quant à la misogynie.

« Sale Pute » est un produit 100% belge. A l’exception de deux hommes dont l’artiste Le Motel, le documentaire a été entièrement réalisé par des femmes.

« #Sale Pute » a fait 242 000 spectateurs lors de la diffusion sur La Une ce 12 mai. Le film est disponible sur Auvio et sera diffusé sur Arte en juin.

Lucie Dupont (Bloc3)

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