Nouvelle co-présidente d’Ecolo, elle a monté les marches du parti comme elle monte sur un terrain de football : avec fairplay, fierté et féminisme.
Photo: Agathe Decleire (CC BY NC ND)
Quand on rencontre Rajae Maouane pour la première fois, plusieurs choses sautent aux yeux. Elle ne s’embarrasse pas de faux-semblants, elle est franche et bien dans ses bottes. Mais mis à part son caractère, on remarque également ses T-shirts. Tous blancs à messages, ils rappellent parfois ses origines, revendiquent des messages féministes ou sont à l’effigie de ses séries préférées. Il faut dire que c’est devenu un jeu pour ceux qui la connaissent. Rajae porte chaque jour un T-shirt différent et s’en sert pour communiquer. « Tu fais passer des messages, mais sans rien dire, explique-t-elle, et j’adore faire ça. Je me rappelle que pour la première réunion d’un de mes premiers stages, j’étais venue avec un T-shirt où il était écrit : ‘Qui vous autorise à me tutoyer ?‘ et ça avait questionné. »
Et pourtant, rares sont ceux qui la vouvoient quand elle va dans les maisons de jeunes de Molenbeek. Là-bas, tout le monde la connait. Active depuis longtemps dans différents milieux associatifs, elle a tissé des liens avec les ados du quartier et a lancé avec eux divers projets pour les aider à se trouver et à s’émanciper.
Inclassable et fière de l’être
S’émanciper et s’affranchir des contraintes sociales a toujours été important pour Rajae. Fière de son inclassabilité, elle enlève toutes les étiquettes qu’on lui met par un « mais pas trop ». Elle est belge avec une culture marocaine affirmée. Elle est une femme qui a toujours été passionnée de foot. Et bien que ça ne devrait pas poser de questions, elle a essuyé des remarques sur ses « vraies » origines quand elle disait qu’elle venait de Belgique et s’est fait traiter de garçon manqué.
Le foot a d’ailleurs été plus qu’un sport pour Rajae, il a été une école. Il lui a appris les valeurs du collectif et du fairplay qui influencent aujourd’hui sa manière de vivre et de travailler. « Quand tu es sur le terrain, peu importent nos différences, on est tous dans la même équipe et on veut gagner. Et je trouve ça vraiment beau. »
Quand le foot devient féministe
Élevée dans une famille qui compte de nombreuses femmes fortes, Rajae n’a jamais compris pourquoi on faisait des remarques aux filles sur la façon dont elles disposaient d’elles-mêmes et de leur corps. Pour elle, c’est simple : ton corps t’appartient et tu es libre d’en faire ce que tu veux .
Mais quand à seize ans, on lui dit qu’elle ne pourra pas jouer au foot dans la maison de quartier de Molenbeek parce qu’elle est la seule fille, elle est non seulement frustrée, mais elle se rend également compte que le sport est émancipateur: « Le foot, et le sport en général, est intrinsèquement lié à l’émancipation et au féminisme. On demande tellement de comptes aux femmes par rapport à leur corps, que faire du sport, faire ce qu’on veut de notre corps, devient un acte d’émancipation par rapport au patriarcat et au paternalisme. »
Aujourd’hui, Rajae Maouane se revendique féministe, mais est plus proche du féminisme intersectionnel qui fait converger la lutte contre le racisme, l’islamophobie, l’homophobie, avec le combat contre le sexisme. Elle se félicite d’ailleurs de l’élargissement du mouvement qui intègre enfin les problématiques de femmes issues de milieux différents: « Aujourd’hui, de plus en plus de femmes même issues de minorités se revendiquent féministes. Je m’en réjouis, car ça inspire des femmes qui n’ont pas le même parcours et ça ouvre les portes de l’émancipation à toutes et tous. »