Les 27 prennent quelques remarques disciplinaires pour leurs systèmes scolaires. Mais l’Europe peut-elle vraiment améliorer l’éducation des jeunes européen·nes ? Comment cette réalité est-elle perçue dans nos écoles bruxelloises ?
Si on connait bien les programmes Erasmus, permettant aux étudiant·es européen·nes de partir étudier dans tous les coins de l’Europe, on peut s’interroger sur la présence des drapeaux bleus étoilés accrochés à nos écoles. En matière d’enseignement, l’Union européenne n’a que peu, ou pas de compétence, celle-ci étant gardée au niveau national ou régional. À l’occasion de la journée du 20 novembre consacrée internationalement aux droits de l’enfant, les quelques courageux·ses député·es présent·es dans l’hémicycle de Strasbourg souhaitaient toutefois rappeler l’importance d’une meilleure inclusion et d’une réduction des inégalités dans nos systèmes éducatifs.
Car à en croire le dernier rapport PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves), sorti début décembre 2023, les 27 sont loin de montrer l’exemple. Celui-ci révèle en effet « qu’un·e jeune sur quatre âgé·e de 15 ans est peu performant·e en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences, en moyenne dans les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).” Des pays européens traditionnellement performants et réputés pour leur stabilité, comme les Pays-Bas, la Finlande ou l’Islande, ont vu leur score chuter de manière drastique ces dernières années. La Belgique est elle aussi concernée : depuis le rapport 2018, on compte 5% d’élèves considéré·es « faibles » en plus, c’est autant d’élèves considéré·es « fort·es » qui ont diminué dans le même temps.
Ce chiffre est loin de choquer Serge Milinkovitch, directeur de l’École fondamentale de Messidor à Uccle. Car même si l’UE tente de promouvoir ses systèmes éducatifs, son Fond Social (FSE) ne suffit pas à combler les échecs de cette compétence qu’elle ne maîtrise pas. C’est non seulement un manque de moyens financiers dont il est question mais surtout un manque de moyens humains.
Les écoles ne disposent pas des bras nécessaires pour offrir à tous·tes un enseignement de qualité : pénurie des professeur·es, surcharge des classes, infrastructures insuffisantes… Ces lacunes influencent directement la qualité de l’enseignement fourni, et les personnes présentent au premier rang : les élèves.
Celles et ceux-ci peuvent éprouver des difficultés d’apprentissage dans différentes matières et les causes en sont multiples. L’enfant peut présenter un trouble psychologique, comportemental, ou un trouble « Dys », c’est-à-dire un trouble spécifique durable lié à un dysfonctionnement cognitif du cerveau – tels que la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie, le trouble de l’attention…
Le milieu culturel dans lequel l’enfant a évolué et sa situation socio-économique sont également à prendre en compte. Le rapport PISA souligne en effet que “dans les pays de l’OCDE, les élèves issus de milieux défavorisés ont, en moyenne, sept fois plus de chances de ne pas maîtriser les bases des mathématiques que les élèves issus de milieux favorisés”. In fine, les résultats sont moins bons, l’accès aux études supérieures est compliqué, et le futur professionnel, donc économique, est plus limité. À cet avenir tracé par les critères d’un système scolaire valorisant une certaine « intelligence », s’ajoutent des failles matérielles qui ne font qu’augmenter les difficultés chez l’enfant.
Le corps professoral est fatigué et démuni. Les enseignant·es tentent au mieux d’offrir une éducation suffisante et qualitative à leurs élèves, mais cela reste parfois compliqué et décourageant. Pour Manon Leloux, professeure de primaire aux Écoles Libres de Saint-Roch à Bruxelles, et Pauline Mersh, logopède, la réalité et les possibles ne sont pas les mêmes selon la commune et l’école dans lesquelles on exerce.
Certain·es se demandent alors si notre système scolaire n’entretient pas une forme de conformisme et d’élitisme reléguant toujours les mêmes au fond de la classe ? L’enseignement général est promu à la grande défaveur des filières dites « techniques » ou « manuelles », mais pour quels résultats en fin d’année ? Les particularités et l’individualité de chaque élève ne sont que rarement prises en compte, et ce, pas toujours par manque de volonté, mais surtout par manque de moyens de toutes parts.
Quand la cloche sonnera la fin de la leçon, on ne retiendra qu’un pourcentage ou une cote sur 10 sur chaque copie. Mais derrière celle-ci, existe un·e élève qui peut être victime de troubles du langage ou de l’apprentissage. Cet·te enfant peut aussi être la cible du harcèlement et du rejet des autres entraînant un manque de confiance en ses capacités. Tant de facteurs extérieurs qui font varier la côte finale sur les copies.
Les parents ramènent aussi à domicile leur lot de devoirs. La charge que la société impose aux parents quant à la réussite de leurs enfants est une démonstration claire des inégalités socio-économiques. Elisabeth Heniqui est maman d’un enfant de seize ans, et avec son mari il et elle ont tenté rendez-vous après rendez-vous d’aider leur fils dans son parcours scolaire.
« En général, dans les systèmes d’éducation dans lesquels on observe une tendance au renforcement de la participation des parents dans l’apprentissage des élèves entre 2018 et 2022, le niveau en mathématiques s’est davantage stabilisé ou a progressé. »
Rapport PISA 2022
Si leur fils est aujourd’hui déscolarisé, signe d’un refus de considération de la part des institutions éducatives et d’un traumatisme de “l’échec scolaire” pour l’élève, Elisabeth souligne l’inégalité flagrante pour les parents : “Il faut un quart-temps pour s’investir dans la scolarité de son enfant. Pour une femme seule, qui doit travailler, et qui a plusieurs enfants, c’est impossible.”
Les parents ne sont pas professeur·es, les professeur·es ne sont pas parents, les logopèdes ne sont pas psychologues et les psychologues ne sont pas assez nombreux·ses. À qui revient donc le devoir d’assurer l’éducation de nos enfants si elle n’incombe pas à tous·tes ?
· Le service d’action en milieu ouvert (AMO), une aide sociale, juridique et éducative pour tous les jeunes âgé·es de 0 à 22 ans : https://amobxl.be
· L’association d’« Aide à la réussite scolaire », une école des devoirs qui fournit un soutien scolaire et un suivi quotidien des leçons que l’élève doit apprendre.
· L’ASBL “enseignons.be”, une association offrant un appui scolaire toute l’année et des cours en mathématiques, en langues et en cours de sciences : https://soutien-scolaire.enseignons.be/
Toutes ces possibilités peuvent être des moyens d’accompagner au mieux les élèves afin de, peut être, transformer l’éducation de nos états européens en des systèmes performants, inclusifs et encourageants.