Beuhnalisation, de Snapchat aux rues de Bruxelles

Emilie, Sary et Nour nous racontent leur enquête qui les a amenées à recueillir des témoignages dans les rues de Saint-Josse et à rencontrer un dealer. Celui-ci promeut sa marchandise sur Snapchat et la revend via "ses petits". La livraison, c'est à pied, par coursier en vélo ou encore en trottinette. Et pour cibler les jeunes, rien de mieux que les cartes de fidélité.

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Photo : Image de jcomp sur Freepik

Emilie, Sary et Nour nous racontent leur enquête qui les a amenées à recueillir des témoignages dans les rues de Saint-Josse et à rencontrer un dealer. Celui-ci promeut sa marchandise sur Snapchat et la revend via « ses petits ». La livraison, c’est à pied, par coursier en vélo ou encore en trottinette. Et pour cibler les jeunes, rien de mieux que les cartes de fidélité.

Photo : Image de jcomp sur Freepik

Nour : On va vous raconter comment je me suis retrouvée là, sur un banc, près de la Gare du nord, à attendre un dealer.

Sary : Tout a commencé lorsqu’on a choisi de faire un podcast sur l’accessibilité et la banalisation du cannabis à Bruxelles. On prend nos micros et on décide de commencer par un micro-trottoir dans les rues de Saint-Josse, où le business se déroule presque sous nos yeux. Que pensent les bruxellois de l’accessibilité du Cannabis ?

Sary : Ça y est, on le tient notre angle. Le cannabis, ça se trouve sur Snapchat.

Nour : Du coup, sur le réseau social, j’ajoute tous les présumés dealers que je trouve : « Beuhbx », « Dealer », « Coffeeshop »… et on attend qu’ils nous ajoutent à leur tour.

Émilia : Au début, on s’est demandées si on devait faire semblant d’acheter et rencontrer les dealers avec un micro caché. Mais on préfère jouer franc jeu. Lors de nos contacts, on a expliqué aux vendeurs qu’on réalisait un podcast, confidentialité garantie… mais ils se méfiaient tous. Certains nous ont bloqué et d’autres ne nous ont plus répondu.

Nour : En vrai, nous recevons surtout des vidéos de cargaisons de cannabis.

Sary : On finit par tomber sur quelqu’un qui accepte de témoigner. On va l’appeler Adrien (nom d’emprunt). Il nous demande « comment être sûr que ce n’est pas un guet-apens » ? On décide de lui répondre par vocaux en se disant que ça le mettra en confiance et on lui envoie une photo de nous trois en régie, en train de travailler sur le projet.

Photo envoyée à Adrien

Nour : On parle avec lui pendant deux jours et il finit par nous donner rendez-vous près du Gare du Nord.

Émilia : J’accompagne Nour, mais on décide qu’elle ira seule parce que c’est elle qui parlait par vocaux avec Adrien. Il sera plus en confiance face à une seule personne.

Nour : De mon côté, j’attends, sur mon banc. Et je me dis que je vais voir débarquer un gars qui ressemble à peu près au dealer type que m’ont dépeint les Bruxellois.

Nour : Mais étonnamment, ce sont deux filles qui se dirigent vers moi. Impossible que ça soit elles. L’une s’approche de moi et me dit : C’est toi Nour ? Dans ma tête, j’me dis « Moi j’suis Nour, mais toi t’es qui ? Adrien ? ».

Sary : En fait Adrien, c’était plutôt Adrianna.

Nour : En tout cas, Adrien s’habille plus chez Zara que chez Nike. Elle présente bien, porte des lunettes et une petite chemise avec un blazer. Elle est venue avec une amie. Je tente de la mettre en confiance en tapant la discussion. Je me présente, je blague sur le fait que je ne m’attendais pas à ce que ce soit une femme et encore moins avec cette apparence. Le feeling passe direct. Je sors le micro et on commence l’interview.

Sary : On découvre tout de suite que ce n’est pas directement elle qui vend. C’est bien elle derrière le compte Snapchat, mais après la commande, elle t’envoie ceux qu’elles appellent « ses petits ».

Nour : Pour elle, l’avantage de travailler avec des mineurs, c’est qu’à 18 ans, leur casier s’efface. Elle estime qu’ils risquent « juste l’IPPJ » !

Emilia : Et c’est un système bien rodé. Si vous croyez qu’ils se déplacent à pied, vous vous trompez…

Sary : Depuis, je regarde les livreurs en vélo d’un autre œil. Mais comme sur Uber ou Deliveroo, il y a une vraie stratégie marketing derrière le business de la beuh. Et une volonté de fidéliser le client.

Emilia : On se souviendra d’Adrien comme d’un sacré personnage. Et elle nous aura même donné notre prochain sujet d’intérêt : la prévention dans les écoles. Et même si l’interview s’est passée dans la bonne humeur, en quittant Nour, elle lui rappelle qu’on ne rigole pas avec son business.

Retrouvez ci-dessous le podcast dans son intégralité.

Le Cannabis est à ce point banalisé et accessible, qu’on en oublie parfois qu’il reste illégal en Belgique. Il y a une tolérance pour la possession d’un plant de cannabis pour sa consommation personnelle. Mais la détention, même de petites quantités de cannabis, reste une infraction qui peut mener la police à dresser un procès verbal ou, plus souvent, un procès-verbal simplifié qui n’entraînera pas la confiscation du produit, ni des poursuites judiciaires. Mais cette législation reste floue et sujette à l’interprétation des policiers. En cas de revente, les sanctions sont beaucoup moins clémentes. Les dealers usent donc de subterfuges toujours plus ingénieux pour ne pas se faire remarquer par la police.

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