Bye Bye Kingdom ?

Quel avenir pour la monarchie belge ?

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CC BY SA Mammouth Média

Quel avenir pour la monarchie belge ?

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Le roi pourrait-il voir son pouvoir augmenter ? S’amoindrir ? Pourrait-il même tomber de son trône au profit d’une république ? Ces trois scénarios, nous les avons explorés au fil de podcasts, dans lesquels nos journalistes, Pauline et Jean, conversent avec les experts Maître Nicolas Henry, spécialiste en droit constitutionnel, et Christian Laporte, journaliste spécialisé dans les affaires royales, et des quidams, rencontrés à Bruxelles.

Podcast 1 – Un Royaume Sans Tête

Est-ce que nous nous dirigeons vers une monarchie fantômatique ?

Podcast 2 – Au Royaume de Bruxelles

Une Belgique Bruxelloise… Rêve, cauchemar, ou future réalité ?

Podcast 3 – Le Roi est mort, Vive la République !

Un.e président.e belge, comment, pour qui, pourquoi ?

Pour ceux qui veulent aller plus loin, n’hésitez plus et continuez la lecture !

La Belgique ? Jamais comme tout le monde !

Aujourd’hui, la Belgique est une monarchie constitutionnelle parlementaire héréditaire, doublée d’un État fédéral. Ça vous semble compliqué ? Ça l’est ! C’est la particularité de notre pays, mais ce qui fait aussi sa complexité. Concrètement, cela signifie que le statut et les pouvoirs attribués au roi sont uniquement permis par la Constitution. Retenez-bien, nous y reviendrons plus tard.

Le totem royal de l’immunité

Connaissez-vous l’expression “The King can do no wrong” ? Eh bien, la Constitution belge en a fait une réalité. Le roi bénéficie d’une immunité : il est jugé irresponsable aux yeux de la loi. Curieux ou cohérent, à vous de juger. C’est dans cette logique du moins que se comprend ce qu’on appelle le contreseing ministériel – expression pompeuse pour désigner le fait qu’un ministre assume la responsabilité des actions du roi devant le Parlement et la population. Cette immunité est finalement à double tranchant : le roi est couvert, mais en laissant ses ministres être les seuls responsables.

Les pouvoirs royaux manquent à l’appel

Historiquement, la Constitution accordait donc au roi trois prérogatives : 

  • former le gouvernement en nommant et révoquant ses ministres ;
  • dissoudre les Chambres – des fois que ses députés l’ennuieraient, sait-on jamais ;
  • commander les forces armées en temps de guerre – après, c’est vrai que en temps de paix, c’est tout de suite moins utile.

Voilà pour le contexte original, mais vous pouvez déjà l’oublier parce que beaucoup a changé depuis. 

Eh oui, finalement, même si le roi peut toujours nommer et révoquer les ministres, ce sont les dirigeants des partis politiques qui forment le Gouvernement – tandis que le roi joue un rôle d’intermédiaire en nommant l’informateur qui gère les négociations.  Et ce n’est pas fini ! Depuis 1993, la prérogative de la dissolution des Chambres revient au Premier ministre – ou au Gouvernement – et non plus au roi.  Comme le dit l’adage, jamais deux sans trois : le roi a aussi perdu, depuis 1949, le contrôle personnel du commandement de l’armée en temps de guerre – est-ce que cela signifie qu’il peut la contrôler en temps de paix ? Peut-être la question la plus brûlante de cet article… Finalement, le rôle du roi est surtout devenu un rôle de représentativité.

Philippe au pays des Belges

Quand on vous dit que le roi a surtout un rôle de représentativité, ce n’est pas au hasard. Constitutionnellement parlant, Philippe n’est pas le roi de Belgique. Il est Roi des Belges. Il représente un peuple plus qu’un pays. Ainsi, son pouvoir est davantage symbolique, auprès des Belges, que politique, auprès de son gouvernement. Au niveau judiciaire, il peut seulement nommer les juges. Au niveau législatif, il doit sanctionner les lois – c’est-à-dire les signer – mais il ne les promulgue pas. Au niveau du pouvoir exécutif, il nomme les ministres qui l’exercent pour lui. Son dernier plein pouvoir, propre et incontestable, reste celui d’abdiquer.

De manière générale – hormis le droit de partir donc –  le roi n’est pas en mesure d’agir sans l’accord de son gouvernement, parce qu’en réalité, les choses sont presque inversées. Le gouvernement peut davantage s’immiscer au coeur des affaires royales que le roi dans les affaires du gouvernement. Ainsi, le roi doit obtenir l’autorisation du gouvernement pour son mariage, et s’il n’est encore qu’héritier au trône à ce moment-là, et qu’à la manière des amants de Vérone, il décidait d’ignorer l’avis du gouvernement, il perdrait son droit à la couronne !

Un « roi sans famille » selon la Constitution

Disons que notre roi a su sagement écouter les conseils de son gouvernement, et a épousé quelqu’un qui lui convenait. Même dans ce cas-ci, sa femme – ou son mari lorsque la Belgique aura une reine – ne possédera constitutionnellement aucun statut propre.  Eh oui, la Reine tout autant que la famille royale, devra se contenter du palais et des dotations, mais pour obtenir un statut juridique, elle devra repasser. Qui dit absence de statut dit absence de devoirs. Mais pour faire bonne figure, les conjoints royaux ainsi que la famille royale doivent néanmoins soutenir des causes philanthropiques – et représenter le pays lors de délégations à l’étranger, cela va sans dire.

Ça commence à vous donner mal à la tête ? C’est normal, à nous aussi. Mais si vous continuez avec nous, vous aurez l’occasion de pouvoir briller dans vos cocktails Teams, en parlant politique et argent, comme dans un épisode de House of Cards.

Money money money

Qui dit pouvoir dit argent. Dans quelle mesure la monarchie coûte-t-elle aux Belges ? Le roi n’a pas de salaire, en revanche, puisqu’il est le seul à être inscrit dans la Constitution, il est le seul à disposer de ce qu’on appelle une « Liste Civile » : en somme, c’est l’ensemble du personnel et du soutien matériel et financier mis à sa disposition. Le montant de la Liste Civile varie chaque année, puisqu’elle est indexée sur le coût de la vie en Belgique, mais la réforme de 2013 fixe son montant de base à 11 554 000 euros.

Concernant la famille du roi, la coutume veut qu’elle touche ce qu’on appelle une dotation, c’est-à-dire une somme, payée par le contribuable, indexée également sur le coût de la vie en Belgique. Mais les vieilles traditions ont la vie dure ! Ainsi, depuis la réforme de 2013, le budget alloué à la famille royale a été revu à la baisse. Ils ne sont désormais plus que six à pouvoir en profiter : la Reine Mathilde, le Roi Albert II et son épouse, la princesse Elisabeth, et à titre transitoire, le Prince Laurent et la Princesse Astrid. À titre d’exemple, en 2021, la dotation du prince Laurent s’élève 327 000€, tandis que la dotation du Roi Albert II est de 980 000€. En 2021, l’institution royale devrait coûter aux Belges presque 37 millions d’euros, soit environ 3 euros par personne.

Maintenant que vous êtes – presque – devenu spécialiste de la monarchie belge, vous voilà prêt à faire le grand saut : imaginer avec nous les futurs possibles de ce royaume !

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