#Balancetonbar : L'indignation pour moteur

Maïté Meeûs est une jeune femme engagée de 24 ans. Elle a créé la page Instagram « Balance ton bar » en octobre 2021.

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Photo : Juliettte VANDESTRAETE

Maïté Meeûs est une jeune femme engagée de 24 ans. Elle a créé la page Instagram « Balance ton bar » en octobre 2021.

Photo : Juliettte VANDESTRAETE

La page Instagram « Balance ton bar » récolte des témoignages d’agressions sexuelles et de viols avec soumission chimique dans le monde de la nuit bruxellois. Un an après le début de ce mouvement, plus de 60 comptes ont vu le jour dans le monde. Tous avec le même but : libérer la parole.

Quel est l’élément déclencheur qui t’a fait créer ce compte ?

Les premiers témoignages concernant le Cimetière d’Ixelles, qu’on a pu lire sur les réseaux sociaux, ont été un élément déclencheur. Il y a aussi l’indignation que j’ai vécue, et que beaucoup de gens ont vécue, face à ses témoignages. Suite à ça, je me suis dit qu’il fallait que j’agisse. Je n’ai même pas réfléchi plus que ça, c’était très instinctif. Cette indignation et cette colère ont été mon moteur.

Quelles étaient tes attentes en créant ce compte ?

Libérer la parole. C’était super important, car je pense que la première étape, c’est d’enfin être entendue. Je pense qu’on a trop souvent ignoré les victimes de violences sexuelles de façon générale et spécialement les témoignages des victimes qui sont sortis plus tard.

Cela fait un an que le compte Instagram et le mouvement ont été créés, qu’est ce qui a été mis en place depuis ?

Beaucoup de choses ont été mises en place… mais il reste beaucoup à faire. Il y a un budget de 610.000 euros qui a été débloqué. C’est un budget « Balance ton bar ». Il a permis de former le personnel des établissements du monde de la nuit, de lancer un appel à projet destiné au secteur associatif et de produire une grande campagne de sensibilisation qu’on peut voir un peu partout dans Bruxelles : Join the fam. La notion de soumission chimique est également entrée dans le code pénal sexuel. On a aussi vu l’expansion des CPVS (Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles), très importants pour permettre une prise en charge complète et pluridisciplinaire des victimes. Cela leur permet de porter plainte au CPVS et, au même endroit, d’être suivies médicalement et psychologiquement, pour leur éviter de courir partout.

Pour toi, quels sont les points sur lesquels il faudrait encore avancer ?

Il faut absolument que plus de gens soient formés à la question des violences sexistes et sexuelles. Dans les commissariats, notamment, il y a encore beaucoup de travail. Notons aussi qu’il existe des blocages au niveau de la justice. Il y a énormément d’affaires qui finissent par être classées sans suite. En Belgique, on estime qu’un dossier de viol sur 100 aboutit. C’est une statistique qui est vraiment ridicule et qui montre qu’il y a un vrai blocage au niveau de la justice. Il faudrait créer des tribunaux spécialisés dans le traitement des violences sexuelles. Il  y a de plus en plus d’experts qui parlent de ce qu’on pourrait améliorer, mais maintenant, il faut les écouter.

Le videur du El café a été condamné à 50 mois de prison en juin 2022. Est-ce une victoire pour le mouvement ?

C’est le strict minimum. C’est triste qu’on prenne ça comme une victoire, car on se réjouit de miettes. Bien que je sois « heureuse » qu’il y ait enfin eu une condamnation, que fait-on de toutes les personnes qui vivent en toute impunité ? De tous ces agresseurs qui sont là, parmi nous, et qui continuent d’exercer leur métier sans aucun problème avec la justice ?

Plus personnellement, n’est-ce pas trop dur de récolter tous ces témoignages ?

Si, c’est super compliqué. J’aime rappeler que je ne suis pas une professionnelle de la santé mentale. Moi aussi, j’ai mes périodes compliquées où je ne peux pas recevoir ces témoignages, car c’est trop pour moi. Mais il faut continuer.

Comment gères-tu cette page ?

Je suis toute seule. J’ai essayé d’amener le mouvement en France, en Espagne, en Tunisie. Actuellement, il y a plus de 60 comptes « Balance ton bar ». J’ai essayé de trouver des volontaires pour démarrer ces comptes, car je recevais beaucoup de messages d’histoires à Paris ou à Lyon. Je ne pouvais pas mettre ces témoignages sur ma page, car elle était spécifique à la ville de Bruxelles. C’était important que chacun ait une page pour sa ville.

Créer cette page t’a beaucoup médiatisée. Est-ce que tu as vécu du cyber-harcèlement ?

J’ai vécu beaucoup de harcèlement. Beaucoup de personnes ont crié à la diffamation. C’est drôle parce que le taux de fausses allégations pour les viols est de 3 à 4 %. J’ai vécu beaucoup de harcèlement à titre personnel. Je n’y étais pas préparée et j’aurais voulu être mieux armée, car ça m’a mise dans des positions parfois difficiles à vivre.

Tu as reçu combien de témoignages ?

Je ne saurai pas le quantifier, mais j’en ai reçu des centaines et des centaines. Actuellement, j’en reçois beaucoup moins. L’année passée, les gens avaient ce besoin de parler. Tout n’est d’ailleurs pas publié, car beaucoup de personnes veulent juste envoyer leurs témoignages et en parler sans être affiché et être reconnu.

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