A Forest, le Centre Abbé Froidure accueille toutes les personnes précaires sans distinction
Photo : Mia Hodžić
Relocalisé depuis juin, sur la grande avenue Van Volxem à Forest, le Centre d’Accueil Social Abbé Froidure accueille les personnes en situation de précarité. Il offre un endroit où se reposer, se réchauffer et accéder à différents services. Il a été pensé pour répondre aux besoins de ses usagers et vise à leur offrir dignité et respect dans un quotidien instable.
Dans la grande salle baignée dans la lumière, les bénéficiaires se réunissent pour partager un moment loin de la rudesse de la rue et du froid hivernal. Une odeur familière de café flotte dans l’air, mêlée aux échos de conversations discrètes. Des affiches annonçant les prochaines activités et un cadre de photos ornent les murs. Parmi les bénéficiaires, Sandra (nom d’emprunt) décrit le centre comme un « refuge ». Elle souligne l’importance de ces services simples mais essentiels : « Rien que pouvoir charger mon téléphone et boire un café, c’est déjà beaucoup pour moi. Être ici me permet de penser à autre chose que mes problèmes. »
Un centre ouvert à n’importe quelle personne
En amont de la relocalisation du centre d’Ixelles à Forest, le processus de conception du nouveau centre et la réorganisation de l’espace ont été réalisés en concertation avec les bénéficiaires. Ce travail collaboratif a permis de créer un lieu adapté à leurs attentes. Aujourd’hui, le centre propose divers services. Quatre ordinateurs sont disponibles, ainsi que deux cabines téléphoniques insonorisées. Pour sécuriser les affaires des bénéficiaires, ceux-ci disposent de 120 consignes individuelles. Dix logettes, accessibles même aux personnes à mobilité réduite, permettant de se reposer dans l’intimité et de nouvelles douches sont accessibles depuis la fin du mois de novembre. Mais l’offre du centre ne se limite pas aux équipements. Tous les lundis, des repas chauds sont offerts grâce aux dons alimentaires de partenaires. En plus de l’aide matérielle, un soutien social et administratif est également proposé pour accompagner les bénéficiaires dans leurs démarches. Ces services sont entièrement gratuits, accessibles à toutes les personnes inscrites via une carte de membre, pouvant être anonyme. « Le centre d’accueil adopte une politique dite « bas seuil », c’est-à-dire que le centre est ouvert à n’importe quelle personne majeure dans le besoin, qu’il s’agisse de sans-abri, migrants ou personnes isolées. » Ilias, un des responsables du centre, estime qu’environ 70 % des usagers se trouvent en situation irrégulière.
« Malgré nos efforts, on ne peut pas accueillir tout le monde »
Depuis sa création en 2019, le centre a vu son affluence augmenter de façon croissante, jusqu’à accueillir actuellement entre 60 et 80 personnes en moyenne par jour. La période hivernale est particulièrement critique pour les plus vulnérables et augmente donc les besoins des usagers. Le personnel, composé de six employés et d’un bénévole, se retrouve parfois en sous-effectif face à la demande. C’est pourquoi le centre cherche constamment des subsides pour augmenter ses services. L’équipe a opté pour une approche participative : des assemblées mensuelles permettent aux utilisateurs de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de nouvelles aides. C’est ainsi que le centre a commencé à ouvrir les dimanches. « On est encore en phase de test, mais l’affluence montre que c’était nécessaire », souligne Ilias. Le centre ne peut pas rester ouvert la nuit en raison de contraintes juridiques liées à son statut actuel. Cependant, des nocturnes ponctuelles, comme des soirées cinéma ou des activités sportives, sont organisées pour maintenir le lien avec les bénéficiaires au-delà des heures d’ouverture dites classiques.
Le lien social, une valeur centrale
Le Centre d’Accueil Social Abbé Froidure place les relations humaines et le lien social avec les usagers au cœur de sa mission. « J’ai un toit grâce à Dieu mais je viens ici tous les jours. Je les ai suivis quand ils ont déménagé parce que je m’y sens bien », raconte Kamil, bénéficiaire du centre depuis sa création. Si certains sont désormais des habitués, d’autres découvrent le centre, la plupart du temps guidés par le bouche-à-oreille. « Je suis arrivé ici avec Mohammed. Au début, je ne connaissais personne mais maintenant, je reconnais de plus en plus de visages », explique un bénéficiaire. Pour une minorité, le centre et les membres représentent leur unique lien social. « Le lien social est primordial dans notre métier. Il y a des usagers qui n’ont personne d’autre que nous. Ils nous appellent depuis l’hôpital ou la prison, juste pour avoir un peu de soutien moral et demander de nos nouvelles », confie Ilias. « Ces relations ne s’arrêtent pas à l’intérieur des murs : il nous arrive d’aller visiter des bénéficiaires hospitalisés ou de les accompagner dans des moments particulièrement difficiles ».