Uccle : les magasins de nuit refroidis par une taxe d'ouverture

Une politique de découragement d’ouverture de night-shops est-elle instaurée à Uccle ? Réponse avec l'échevine Valentine Delwart.

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Photo : C. Ries (CC-BY-NC-ND)

Une politique de découragement d’ouverture de night-shops est-elle instaurée à Uccle ? Réponse avec l’échevine Valentine Delwart.

Photo : C. Ries (CC-BY-NC-ND)

Depuis 2006, à Uccle, toute personne susceptible d’ouvrir un magasin de nuit doit payer une taxe d’ouverture de 6.000 € suivie, l’année d’après, d’une taxe annuelle de 1.500 €. Désormais, la taxe d’ouverture est doublée et la taxe annuelle, toujours d’application. Les conditions d’ouverture sont les suivantes : un commerce d’alimentation de moins de 150 m², fermé de 7h à 18 h et qui affiche la mention « magasin de nuit. Valentine Delwart, échevine à la commune d’Uccle en charge des Finances, de l’Économie et du Commerce depuis 2017, justifie cette politique.

Pourquoi avoir instauré cette taxe annuelle ? Avez-vous constaté une augmentation du nombre de commerces de nuit ?

Non, il y a eu une analyse avant tout financière. Nous nous sommes demandé comment trouver des sources de revenus et avons identifié des fonctions particulières qui pourraient justifier la levée d’une taxe. En 2012, il y avait la problématique des phone shops qui généraient toute une série de trafics. Certains magasins de nuit faisaient aussi office de phone shop donc les deux problématiques ont été organisées de la même façon. La réflexion financière d’une part, et la prolifération des phone shops d’une autre, sont à l’origine de l’adoption du règlement en question. Nous calculons la taxe pour qu’elle ne soit pas prohibitive jusqu’au point où les commerçants réfléchissent à fermer, mais suffisamment pour que ça fasse rentrer des sous dans les caisses de la commune et qu’on puisse organiser toute une série de choses au bénéfice de l’ensemble de la population.

Que peut imposer la commune sur les conditions d’ouverture de night-shops ?

Il y a des règles générales qui s’appliquent à l’ensemble du territoire de la Belgique auxquelles nous ne pouvons pas toucher. Nous sommes tenus de respecter les niveaux supérieurs que sont l’État fédéral et la Région. Nous pouvons rajouter des contraintes, mais elles ne peuvent être que financières. Nous n’aurions pas pu ajouter des conditions supplémentaires à l’ouverture d’un magasin que celles qui existent. Néanmoins, il faut que la taxe soit considérée comme juste. Si on est excessifs, ce qui est arrivé pour d’autres types de taxes, le règlement peut être annulé à la suite de recours. C’est la justice qui va le déterminer. Si on avait constaté en 7 ans que le nombre de ces magasins avait drastiquement chuté, on aurait sans doute revu le règlement, mais force est de constater que les 1500 € sont intégrés dans les coûts généraux des commerçants et que ça ne les a pas fait fermer. En 2018, nous avions sept magasins de nuit sur l’ensemble du territoire de la commune, notamment un qui s’est ouvert à cette époque-là et qui a dû payer la taxe d’ouverture.

Pourquoi avoir lancé une telle politique de découragement ?

L’objectif était de limiter le nombre de magasins de nuit sur l’ensemble du territoire communal. Si on ne met aucune limite, il y a un réflexe de concentration qui n’améliore pas le service à la clientèle et qui génère des consommations d’alcool à proximité des magasins. Plutôt que d’aller dans un bar, certains achètent de l’alcool en magasin et cela implique des nuisances sonores qui vont engendrer un surplus de travail et de gestion. Mais, comme dans certains bars, les gérants n’en sont pas responsables. Étant donné que nous sommes une commune résidentielle, nous estimons ne pas avoir besoin de plus de magasins de nuit qu’il n’y en a dans la ville de Bruxelles, par exemple. Mais, le but n’est certainement pas de les faire disparaître. Qui n’a jamais été sauvé par un magasin de nuit ? Et je ne parle pas que pour ceux qui fument ou qui cherchent une bouteille de vin pour faire la fête, mais aussi pour acheter des langes ou à manger, peu importe.

Madame Delwart, Echevine Uccle
Madame Delwart, Echevine du commerce, de l’économie et des finances, Uccle CC-BY-NC-ND

Imposez-vous un plafond sur le nombre de magasins ?

La logique n’est pas la même que pour les pharmacies, par exemple, dont on considère qu’il y a certain nombre à ne pas dépasser. Pour les magasins de nuit, il n’y a pas de limite. Bien qu’il y ait une taxe qui peut être dissuasive, leur nombre n’est pas limité.

Comment les magasins de nuit sont-ils perçus au sein de la commune ?

Ils ne sont certainement pas ceux qui ont le plus de facilités à défendre leurs intérêts, contrairement à d’autres formes de lobbying. Ils ne sont certainement pas non plus organisés comme d’autres représentants de secteurs peuvent l’être, ni dans une dynamique commerciale. Je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup qui soient membres d’associations de commerçants. Ces dernières pourraient pourtant se présenter comme un moyen de défendre leurs intérêts. Par ailleurs, à Uccle, le problème vient aussi d’un aspect esthétique. Un « white night » va beaucoup moins déranger dans un quartier commerçant parce qu’il a un « look ». Alors qu’un magasin de nuit possède des caractéristiques qui gênent certains habitants. Le fait qu’il soit fermé par des grilles toute la journée en est un exemple.

Comment justifier ce manque de soutien envers les magasins d’alimentation générale, alors qu’il n’y a pas d’alternative à ces commerces ?

Sur l’ensemble de la région bruxelloise, beaucoup de vitrines sont vides. On peut se demander s’il n’y a pas trop d’espaces commerciaux par rapport au besoin réel, d’autant qu’une part croissante des achats se fait par Internet. On voit bien qu’on a une sorte d’incohérence entre les besoins de la population et l’offre commerciale.

Serait-ce donc rentable d’ouvrir un supermarché toute la nuit ?

Nous entrons ici dans le vaste débat des habitudes de consommation. Quand on voit dans d’autres pays, en particulier aux USA, des commerces ouverts toute la nuit, la problématique est différente. Ce sont les petits commerces et les indépendants qui sont les plus frileux envers ce genre d’idées. Un commerçant indépendant ne peut pas travailler 24h/24, il va donc devoir payer quelqu’un pour le remplacer le reste du temps. Néanmoins, sa structure est trop petite pour réussir à impacter les coûts de personnel. Ce n’est pas le cas de grosses chaînes. C’est la même chose pour les ouvertures du dimanche ou ce genre de choses. Les boites comme Carrefour ou autres arrivent à absorber les coûts engendrés, mais pour le petit épicier, c’est beaucoup plus difficile. En Belgique comme dans d’autres pays européens, il n’y a pas une culture du client. On préfère permettre aux petits commerçants de survivre et d’ouvrir à des périodes viables pour eux.

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