Trouver son chemin grâce au Service Citoyen

En septembre, une centaine de personnalités belges publiaient une carte blanche à destination de la future coalition Vivaldi. Leur demande : mettre en place un Service Citoyen à grande échelle en Belgique. Rencontre avec des « citoyens de service ».

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Photos : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

Photos : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

En septembre, une centaine de personnalités belges publiaient une carte blanche à destination de la future coalition Vivaldi. Leur demande : mettre en place un Service Citoyen à grande échelle en Belgique. Rencontre avec des « citoyens de service ».

Bruxelles, un mardi midi. Au croisement du Boulevard Bischoffshein et de la Rue Royale se dresse la façade multicolore du PointCulture, un lieu de rencontre, de création et de discussion. À l’intérieur, le bois du parquet craque sous le pied et les courants d’air font remuer les feuilles des nombreuses plantes. Sur la droite, un serveur à son comptoir et tout autour, assis confortablement, des clients plongés dans une discussion professionnelle, travaillant sur leur ordinateur, ou profitant d’un thé pour se ressourcer.

Un peu plus loin, sur un plancher surélevé, un petit groupe s’active, caméras et micros en mains. « Aujourd’hui, on fait un projet pilote avec un plateau TV sur la culture africaine de Bruxelles », explique Diégo, 24 ans. Avec Gabrielle, Roman et Alma, il fait partie des quatre engagés auprès d’Extérieur-Jour, un collectif de réalisation vidéo qui accueille des jeunes participants au Service Citoyen.

Quand les caméras tournent, le silence est roi. Photo : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

La Belgique à la traîne

Organisé depuis dix ans en Belgique, le Service Citoyen permet aux jeunes de 18 à 25 ans de s’engager pendant six mois dans des projets solidaires auprès d’associations, tout en bénéficiant d’un statut de volontaire. Il réunit chaque année 500 jeunes, un nombre faible en comparaison de celui de pays voisins. Pour preuve : après seulement deux ans d’existence, le Service Citoyen néerlandais compte déjà cinq fois plus de participants, alors qu’ils sont 40 000 en Italie et plus de 100 000 en Allemagne et en France.

 C’est très flexible comme organisation

Gabrielle, citoyenne engagée

En Belgique, c’est la Plateforme pour le Service Citoyen qui répartit les volontaires dans les 450 organismes d’accueil (ASBL, Services publics, …). Elle les accueille, les forme et leur propose de choisir une « mission » parmi un catalogue de projets d’intérêts publics. « Il y a quelques mois, je travaillais au Champ du Chaudron où je plantais et récoltais. Ici, je bosse avec Extérieur-Jour et si je voulais, je pourrais décider de travailler dans une maison de repos la semaine prochaine. C’est très flexible comme organisation » soutient Gabrielle, 19 ans.

Quatre jours de travail, un de formation

Soucieuse de préparer l’après-Service Citoyen, la plateforme organise aussi des formations obligatoires tous les vendredis sur l’environnement, la citoyenneté, la politique, etc. « On a même fait notre brevet de premiers secours ! », s’exclame Diégo, alors qu’il s’active à régler sa caméra. Car le temps presse, les invités arrivent bientôt et tout n’est pas encore prêt. Autour d’eux, sur les nombreux guéridons, est couché le troisième numéro du magazine du PointCulture, dont la couverture « Révolte ! Acte 1 » exhibe nos dirigeants sous un maquillage de soirée burlesque. « On n’a pas choisi ce lieu pour rien », lâche en riant Olivier Charlier, coordinateur du collectif, entre deux instructions à ses poulains.

Les humains ne naissent pas citoyens,
ils le deviennent

Baruch Spinoza, Tractatus Politicus

Le montage fini, Gabrielle passe devant la caméra avec ses différents invités. Ils sont trois : Pape, le joueur de Kora (un instrument d’Afrique de l’Ouest), Kinch, le directeur de Radio PubliK et Serigne, le porteur du projet « jouwaiii » qui promeut la culture africaine à travers ses jeux de société. Bientôt, le premier « action ! » fend l’air agité du PointCulture et lorsque Pape fait glisser ses doigts sur les 22 cordes de son instrument, c’est le vent chaud du Sénégal qui s’engouffre et balaie les lieux du tournage.

Enregistrement de Pape, joueur de Kora. Photo : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

On ne naît pas citoyen, on le devient

Une pause est annoncée et les troupes se dispersent. Pendant que certains jouent à l’Awale, jeu de société né au Mali, Roman revient sur son choix : « J’avais commencé des études de création graphique, mais je n’étais pas motivé et j’ai gaspillé deux ans. J’ai pris conscience que je devais agir et c’est comme ça que j’ai commencé le Service Citoyen. Ça m’a donné une structure, une expérience professionnelle et surtout de la confiance en moi après mes mauvaises expériences scolaires. » Même son de cloche chez Gabrielle qui, après avoir commencé des études de psychologie, avait perdu ses objectifs de vue pendant le premier confinement.

Gabrielle et Pape jouent à l’Awale, jeu de société né au Mali. Photo : Arthur Parzysz
(CC BY NC ND)

Ces jeunes, ils ne se rendent pas compte qu’en venant pour eux, ils apportent aussi quelque chose à la société

Olivier Charlier, tuteur et coordinateur d’Extérieur-Jour

Participer au Service Citoyen permettrait donc de retrouver son chemin. De là à le rendre obligatoire ? « Je n’irai pas jusque-là, nuance Olivier Charlier. Mais on voit bien que certains en sortent avec les idées beaucoup plus claires. J’en ai un qui, après être passé chez nous, vient de réussir son examen d’entrée à l’IAD, c’est génial ! »

Quelques heures plus tard, le tournage terminé, Gabrielle et les autres savourent une production de la Brasserie de la Senne. Le sourire aux lèvres, Olivier Charlier glisse : « Ces jeunes, ils s’engagent parce qu’ils se cherchent. Mais ils ne se rendent pas compte qu’en venant pour eux, ils apportent aussi quelque chose à la société. C’est du win-win, car plus on les sensibilise aux problématiques de nos sociétés, plus on a de chances de corriger le tir. » Ce serait donc cela le service citoyen. Retrouver son chemin et paver celui d’une société plus juste. Une haute définition du citoyen. Celui de Spinoza. Celui que l’on devient, à défaut de l’être dès la naissance.

Le PointCulture, témoin d’une journée dans la vie de citoyens engagés. Photo : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)
 

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