Ollie spirit : le skate, plus qu'un sport

2020, l’année du grip ? Cet été, les JO de Tokyo auraient dû consacrer le skateboard comme discipline olympique pour la première fois. Ses adeptes se voient peu attristés par le report de l’évènement. Pour eux, c’est dans la rue et le groupe que le skate trouve son sens. Immersion dans une culture urbaine aussi créative que subversive, bien plus qu’un simple sport.

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CC By Milena de Bellefroid

2020, l’année du grip ? Cet été, les JO de Tokyo auraient dû consacrer le skateboard comme discipline olympique pour la première fois. Ses adeptes se voient peu attristés par le report de l’évènement. Pour eux, c’est dans la rue et le groupe que le skate trouve son sens. Immersion dans une culture urbaine aussi créative que subversive, bien plus qu’un simple sport.

CC By Milena de Bellefroid

La cité administrative de Liège fait peau neuve, les machines de construction émettent un tac-tac aussi régulier qu’assourdissant. 

Les riverains se plaignent pourtant d’un autre vacarme, celui des skateurs qui se sont approprié l’esplanade attenante au bâtiment. Le bruit caractéristique du pop se fait entendre lorsque leurs planches cognent le sol. Outre le son, l’action laisse une infime entaille dans le sol, ou, lorsqu’elle dévie de trajectoire, dans les jambes des skateurs. « J’ai pas fait de boxe thaï, mais j’ai des tibias qui ressemblent à des couteaux à pain » comme l’affirme le rappeur et skateur Lomepal dans sa chanson Bryan Herman, hommage à une légende du skate californien. 

On reconnaît les skateurs à leur planche mais aussi aux marques emblématiques qu’ils abordent.

Malgré les poignets fêlés et les cicatrices, une communauté grossissante de disciples pratique avec entrain ollies et autres grinds sur la place. Certains se contentent d’observer, une boisson fraîche à la main, « parfois, on tape une figure et on se pose, y a pas de pression de performance » me dit l’un d’entre eux. 

Ici, les sacs s’entassent les uns sur les autres sans craindre le vol.

Beaucoup se sont introduits dans le monde du skate d’abord par intérêt pour les objets de pop culture gravitant autour de la planche à roulettes. Le jeu vidéo Tony Hawk, le film Kids, les différentes marques de vêtements spécialisés et, de plus en plus, les réseaux sociaux où chacun poste ses prouesses. Et puis, il y a le style que l’on gagne une fois que l’on se faufile en glissant entre les voitures et les badauds. Un skateur, ça se voit, ça s’entend et ça s’évite. Ça existe. 

Apprendre à skater, c’est apprendre à tomber. Bien que certains mettent au point des techniques de chute pour éviter de se faire trop mal, les blessures sont inévitables

Liberté, égalité, fraternité

Ils sont restés quand ils ont réalisé qu’une planche, deux essieux et quatre roulettes, c’était aussi un ticket pour la liberté. Celle d’une activité sans règles ni horaires. Où l’on peut se mêler au groupe, ou, au contraire, se vider la tête en paix.

Le partage est l’autre valeur centrale du skate. Paradoxe d’un sport individuel qui se pratique en groupe, peu aiment s’entraîner seuls. Tous s’entraident malgré les différences de niveau. Les réussites sont ovationnées unanimement. On dégaine d’ailleurs beaucoup son téléphone pour capturer les plus belles performances. « Quand tu filmes un pote, ça le motive. Il a une raison de mettre son trick » explique Luca, skateur depuis dix ans, « l’envie de le montrer aux autres, ça permet de dépasser la peur ». 

Ces films ont une place importante dans la pratique de la discipline, au point que ceux des professionnels soient payants. Une fois encore, la solidarité prime, « si quelqu’un achète une vidéo, il fait croquer à tout le monde ». Pour ce faire, des projections sont organisées au si bien nommé Local Bastard

Né grâce à un particulier, ce local permet de pallier le manque d’infrastructures spécifiques dans la ville. Car, si les skateurs street s’en sortent avec des plots et une barre de métal piqués quelque part, les amateurs de bowls, cuvette aux parois arrondies, sont pauvrement lotis. 

Le QG quartier des Vennes

Heureusement pour eux, Jean a acheté il y a quelques années une maison rue Auguste Hock et en a depuis lors transformé une partie en skatepark indoor. Les demandes pour pouvoir y rouler ont atteint une telle fréquence que l’affaire a fini par se changer en ASBL. Depuis, le lieu n’a cessé d’évoluer, chaque proposition est prise en compte et appliquée si réalisable. 

Des cours d’initiations et des stages y sont organisés pour les plus jeunes. Jérôme et Luca font office de professeurs, ce qui consiste à encourager les plus peureux de se lancer dans le vide et tempérer les plus casse-cou. La seconde catégorie est bien plus représentée, la perception du risque semblant venir avec l’âge, ce qui fait des casques un accessoire plus que nécessaire. 

Et les filles ?

Sur la piste, on croise presque autant de filles que de garçons. L’écart se creuse pourtant au fur à mesure que les années passent. 

Première hypothèse pour expliquer cette désertion féminine : une différence au niveau du bassin qui empêcherait les filles pubères d’atteindre un niveau vraiment technique. Une deuxième hypothèse, plus largement répandue, évoque la lourdeur, non pas de hanches voluptueuses, mais de certains mâles du milieu. Pour y remédier, le collectif Elles roulent proposent des cours réservés aux filles. L’initiative connaît un grand succès tout en faisant grincer quelques dents, les propriétaires de ces mâchoires jugeant la décision de non-mixité extrême. 

Jérôme tempère : « je comprends le principe et sa nécessité, mais j’espère qu’un jour des femmes pourront donner cours à des garçons et vice-versa. »

Naomi, 17 ans, a commencé le skate via des sessions entre filles, mais elle s’entraîne désormais à la cité administrative, territoire essentiellement masculin. En arrivant, elle checke les membres du groupe. « J’étais un peu gênée au début, mais j’ai vite été intégrée. Je ne me sens pas jugée. » Les autres espèrent qu’elle inspirera d’autres filles à les rejoindre. 

Naomi est maintenant tout à fait à l’aise avec ses confrères masculins.

Pour l’instant, la pratique risque d’être compliqué avec l’ambiance actuelle, tendance reconfinement. Le skate ne fait pas figure d’exception parmi les interdictions et l’amende sera salée pour quiconque tenterait de s’accrocher coûte que coûte à sa planche de salut. 

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