L’Arizona réforme les pensions anticipées, à coup de pénalités.
Photo : Anna Guay
Bonus, malus, pension anticipée, jours de travail effectif, jours assimilés… Tout un tas de paramètres obscurs qui entrent en vigueur dans la réforme des pensions proposée par le gouvernement Arizona. Tentons d’éclaircir ce capharnaüm grâce à Thomas, dont la carrière fictive pourrait bien ressembler à la vôtre dans 40 ans.
Lors de la manifestation générale du 14 octobre 2025, environ 100 000 personnes sont descendues dans les rues pour protester contre les réformes du gouvernement Arizona, notamment celle des pensions. Au milieu des slogans, des pancartes en carton et des mégaphones, un panneau avec un 67 géant barré en rouge donne le ton.
L’âge légal de départ à la retraite est une des grandes préoccupations des manifestants. Une partie de la population refuse de quitter le monde du travail si tard, et lorgne vers la retraite anticipée, une possibilité que le gouvernement de l’Arizona entend fortement décourager.
Décourager les retraites précoces
Actuellement, il est possible de prendre sa
retraite anticipée
Définition :
La retraite anticipée permet de quitter la vie active avant l’âge légal de la pension,
à condition d’avoir accompli un nombre minimum d’années de carrière (actuellement 42 ans).
Les années assimilées (comme le chômage, la maladie ou le congé parental)
sont prises en compte dans ce calcul, même dans la nouvelle réforme.
après 42 ans de carrière (soit l’équivalent de 104 jours travaillés ou assimilés par an).
La réforme propose deux changements majeurs :
– Changer la méthode de calcul pour valider une année de travail
(il faudra 156 jours travaillés ou
assimilés
Définition :
Les jours assimilés sont des périodes durant lesquelles la personne n’a pas travaillé,
mais qui sont tout de même comptabilisés dans la carrière.
Exemples : congé de maternité, maladie, chômage, service militaire, etc.
par an).
– Introduire des pénalités (malus) pour ceux qui partent en retraite anticipée.
Pour clarifier les modifications apportées par le gouvernement Arizona, prenons le cas fictif de Thomas, dont la carrière se déroule dans une société où la réforme a été adoptée. Ce cas fictif nous permettra de comprendre comment les années sont comptabilisées pour la pension et comment le potentiel malus se calcule.
Quid du malus de Thomas ?
Pour déterminer si Thomas échappera ou non à un malus dans le cadre de sa pension anticipée, il doit simultanément vérifier deux conditions.
Il faut bien comprendre ici que dans les deux conditions, nous parlons de jours effectifs de travail : les périodes de maladies ne sont pas comptabilisées, contrairement au calcul du nombre d’années de carrière total.
Condition 1 : 7020 jours de travail effectif
Le calcul des jours travaillés se décompose comme suit :
40 jours (première année)
5 250 jours (21 ans à temps plein)
40 jours (opération du dos)
1 872 jours (12 ans à mi-temps)
1 092 jours (7 ans à mi-temps)
Total : 8 294 jours travaillés.
La première condition est remplie.
Condition 2 : 35 années de travail
Pour le calcul du malus, seules 34 années de carrière sont retenues :
→ 21 ans de temps plein (la première année n’est pas prise en compte).
→ 6 ans pour les 12 années de mi-temps (car la période d’arrêt maladie d’une semaine invalide une année complète).
→ 7 ans pour la seconde période de mi-temps.
Avec seulement 34 années retenues, la deuxième condition n’est pas remplie (le malus sera appliqué).
A 63 ans, lorsqu’il veut prendre sa pension anticipée après 42 ans de carrière, Thomas fera l’objet d’un malus de 5% par année anticipée. L’âge légal de départ à la retraite étant de 67 ans, Thomas anticipe de 4 ans son départ et se verra donc imputer de 20% du montant de sa pension jusqu’à la fin de sa vie.
Selon la porte-parole du ministre Jan Jambon, “si Thomas décide de travailler 1 an de plus (à temps partiel), c’est-à-dire jusqu’à 64 ans, il échappera non seulement au malus, mais il acquerra également des droits de pension supplémentaires.” L’objectif du ministre est donc clair : pousser les travailleurs à rester plus longtemps dans la vie active pour éviter des pertes financières en cas de départ anticipé. Plus les travailleurs se rapprochent de l’âge légal de 67 ans, moins le malus sera important.
Des conditions atteignables mais non-réalistes
Lors du débat des présidents de parti de la RTBF le 15 octobre, l’opposition a vivement réagi à cette stratégie. Pour Raoul Hedebouw (PTB), « le MR et les Engagés veulent fermer toutes les portes qui permettent une sortie avant 67 ans ». Paul Magnette (PS), lui, estime que « la plupart de gens ne pourront pas travailler jusqu’à 67 ans ni même jusqu’à 63 ou 64 ans ».
Georges-Louis Bouchez (MR) avance, lors de ce même débat, que les deux conditions régissant la pension anticipée sont conçues pour « favoriser ceux qui ont travaillé le plus ». Il insiste sur la possibilité d’échapper au malus, même à mi-temps, en affirmant : « Une carrière doit normalement faire 42 ans si l’on veut prendre sa pension à 63 ans. 7020 jours, il ne faut pas les faire en 35 ans, on a 42 ans pour les faire. »
Cependant, il apparaît qu’une carrière intégralement effectuée à mi-temps ne permettrait pas d’atteindre le nombre de jours minimum requis pour valider la première condition. Dans un tel scénario, l’application d’un malus deviendrait inévitable. Pour échapper à la pénalité, l’individu devrait prolonger son activité de trois ans à mi-temps, se rapprochant ainsi de l’âge légal.
Et les jeunes dans tout ça ?
Cette réforme, si elle est votée au Parlement, aura des implications importantes, même pour les jeunes pour lesquels la pension n’est qu’une préoccupation lointaine. Dès aujourd’hui, tous leurs choix professionnels comptent. Une année sabbatique, un arrêt maladie longue durée, une période de chômage entre deux emplois, un congé sans solde… tous ces paramètres influeront le calcul de la pension. Le malus de 20% que subit Thomas pourrait tout à fait vous concerner dans 40 ans.

