Quand des salades poussent sur le toit

Parmi les toits d’Anderlecht, il y en a un qui se démarque. Perchés au-dessus du Foodmet, l’emblématique ancien abattoir d’Anderlecht aujourd’hui reconverti en marché alimentaire urbain, des plantes poussent et des poissons nagent avec comme fond sonore la circulation et les piétons.

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Photo : Elise Leloup (CC BY NC SA)

Parmi les toits d’Anderlecht, il y en a un qui se démarque. Perchés au-dessus du Foodmet, l’emblématique ancien abattoir d’Anderlecht aujourd’hui reconverti en marché alimentaire urbain, des plantes poussent et des poissons nagent avec comme fond sonore la circulation et les piétons.

Photo : Elise Leloup (CC BY NC SA)

En ce moment, la nuit se couche rapidement sur Bruxelles. Il ne reste que deux heures de luminosité avant que la lune ne pointe le bout de son nez, trois tout au plus. Sur le toit du marché alimentaire d’Anderlecht, le vent frais se fait doucement ressentir. Là-haut, comme délicatement posée sur le Foodmet, depuis son parking, la Ferme Abattoir a l’allure d’un simple bâtiment avec une gigantesque véranda et un large potager.

En réalité, le béton renferme une exploitation piscicole où les poissons nagent paisiblement dans leurs bassins. La grande surface de verre, quant à elle, n’est autre qu’une serre de 2000m2 abritant des couloirs de tomates cerises et une étendue d’herbes aromatiques, toutes cultivées hors-sol. Sur le reste du toit, à l’air libre, se cachent des jardins de culture en terre qui font face aux tuiles des maisons voisines et, au loin, au Palais de Justice et à la Tour du Midi. Nichée en haut du marché d’Anderlecht, comme en apesanteur au-dessus des passants bavards et des klaxons causeurs, la Ferme Abattoir est une enclave paisible au sein de la vie urbaine mouvementée.

Des petites mains pour un grand projet

« Créer un milieu artificiel au sein d’une ville pour y loger un écosystème naturel », c ‘est le projet de l’entreprise BIGH, explique son fondateur, Steven Beckers, tout en évitant de trébucher sur les planches bancales du sol de la Ferme.

Steven Beckers croit à cette philosophie d’économie circulaire dite « cradle to cradle » , « de berceau à berceau » en français, dont il est un architecte accrédité. Ce concept exige que ce qui est produit par l’humain ait un impact positif sur l’environnement et puisse être réutilisé. En 2015, Steven Beckers a eu l’idée d’allier urbanisme et agriculture pour développer un projet innovant : une ferme qui, en s’annexant à un autre bâtiment, en récupère la chaleur et le CO2 pour s’alimenter. Comme le scientifique Antoine Lavoisier le disait, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Même en urbanisme. Ainsi, on peut retrouver toute l’année dans des restaurants, des épiceries fines ou des supermarchés, des produits étiquetés BIGH. Grâce à ses six employés qui travaillent à temps plein au milieu des plantes, des panneaux solaires et des poissons, la Ferme Abattoir ne s’arrête pas de tourner. Parmi eux, on peut compter un ingénieur agronome, un expert en pisciculture et un autre en horticulture. Mais ils ne sont pas seuls. Des stagiaires et des personnes passant par des Asbl d’économie sociale viennent parfois également mettre la main à la pâte. Plus qu’une agriculture de quartier, la Ferme Abattoir est une vraie industrie urbaine de production. « Quand je parle de BIGH », s’exprime le fondateur, « je parle de moins en moins d’une ferme alimentaire et de plus en plus de production et d’industrie urbaine car dans l’esprit des gens, l’agriculture urbaine est quelque chose de sympa et bobo, alors que mon objectif est de nourrir la planète ». Steven Beckers souhaite prouver que s’alimenter de produits à la fois naturels et locaux est possible, même en habitant en plein centre-ville.

Un projet perché

Mathias, le manager de la Ferme, passe avec une brouette dans le couloir séparant la serre de tomates cerises et l’élevage de bars rayés, bientôt remplacés par des truites arc-en-ciel. Ces poissons sont essentiels pour le fonctionnement en circuit fermé de la Ferme. Ils constituent un système naturel, appelé aquaponie, dans lequel leur élevage sert d’engrais pour la culture des plantes avoisinantes. Cela donne des herbes aromatiques d’un vert pétant et des légumes qu’il faut à peine laver avant de déguster.

Aujourd’hui, ce qui fait la fierté de Steven Beckers, c’est le fait que la Ferme Abattoir a pris sa place dans le paysage urbain local. Comme lui disait un jour un chauffeur de taxi, les habitants du coin ne disent plus « habiter à côté des abattoirs d’Anderlecht mais dans le quartier de BIGH ».

Alors que la nuit tombe sur les toits de Bruxelles, celui du Foodmet s’éclaire de violet. Pour les plantes, les éclairages de croissance à LED allongent les jours. Un groupe de visiteurs venus de Gembloux s’apprête à découvrir, lui aussi, la Ferme Abattoir. Après avoir dégusté une tomate cerise qui éclate sous la dent, ils s’engouffrent dans les jardins, entre les courgettes et les salades, à la découverte de cette ferme perchée.

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