Quand c'est au tour des Noirs d’évangéliser les Blancs

À Bruxelles, l’Église catholique survit grâce à la diaspora africaine. En plein quartier Nord, les cloches de la paroisse Saint-Roch ont sonné. C’est l’heure de la messe.   

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Photos : Dorine Busoro.

À Bruxelles, l’Église catholique survit grâce à la diaspora africaine. En plein quartier Nord, les cloches de la paroisse Saint-Roch ont sonné. C’est l’heure de la messe.   

Photos : Dorine Busoro.

Il est vivant ? ”, demande le père Célestin.  “Il est ressuscité !”, répond l’assemblée. Le prêtre fait mine qu’il n’est pas convaincu. “Il est vivant !?”, répète-t-il plus fort. Soudain, un tonton rouvre les yeux. Le dimanche matin peut parfois être compliqué. “Il est ressuscité !”, répondent les paroissiens, cette fois-ci avec plus d’ardeur. “Applaudissons pour le Seigneur”. À l’avant, une maman africaine portant un foulard en pagne sur la tête lève une main vers le ciel. “Amen”, dit-elle.  

L’Afrique en renfort

Les lectures de l’Évangile s’enchaînent. Les fidèles se lèvent et s’assoient au rythme de la liturgie. Les personnes présentes sont quasiment toutes d’origines africaines. Congolais, Rwandais, Burundais, Ivoiriens. Je compte huit Blancs. “Moi, je viens de la République Démocratique du Congo. Je suis venu comme missionnaire ici”, précise le prêtre Célestin, curé de la paroisse depuis 6 ans. En 2022, selon le Rapport annuel de l’Église catholique, 20% des ministres de cultes (prêtres, diacres, assistants/agents pastoraux) étaient de nationalité étrangère. Parmi eux, plus d’un tiers proviennent du Congo. Les vocations belges se faisant de plus en plus rares, l’Église est obligée de recruter ailleurs. 

Rendez à César, ce qui est à César et à Dieu ce qui est Dieu” est la phrase star de l’Évangile du jour. Pendant l’homélie, le père demande: “Si on vous posait la question ‘Faut-il oui ou non payer l’impôt’, vous répondriez quoi ?”. Des rires coupables se font entendre. Après la communion, un jeune garçon portant son afro incline la tête vers le sol. À côté de lui, sa famille partage la même position. Un papa fait signe à son fils de se calmer. Le moment est sacré. 

Moment de la communion

L’arroseur arrosé

Comment vous avez accueilli cette diversité africaine ?” Je pose la question à Sidonija, l’une des doyennes et rares Européennes présente dans l’église Saint-Roch. “Heureusement que ça s’est fait progressivement ! » souffle la vieille dame, « Les premières personnes africaines étaient déjà là il y a plus de 25 ans. Seulement, les Blancs étaient encore nombreux, donc ça allait. Aujourd’hui, ce qui est difficile, c’est qu’il ne s’agit plus de les accueillir, mais de se fondre dedans.

« Les missionnaires, quand ils sont venus, avaient dans leurs mains la Bible et, nous, nos terres. Ils nous ont demandé de fermer nos yeux pour prier. Quand nous avons ouvert les yeux, ils avaient nos terres et, nous, leur Bible »

Jomo Kenyatta, premier président Kényan

Avant la colonisation pourtant, les Africains ne connaissent rien du christianisme. Selon la sociologue Marie-Fidèle Dusingize, chercheuse spécialisée dans les identités afro-descendantes à l’UMons, la religion aurait servi à asseoir la suprématie blanche, avec notamment des représentations de Jésus et Marie à la peau claire… et ce malgré leurs origines orientales probablement assorties à un teint plus basané. “Le christianisme fait symboliquement écho à l’idéologie coloniale dans laquelle la communauté noire d’Afrique avait un devoir de soumission face aux colons (blancs)”, partage la sociologue sur sa page Instagram.  

Plus de 60 ans après la fin de la période coloniale, l’Afrique est aujourd’hui le seul continent où le catholicisme est en expansion et non en régression. Selon la chercheuse, la religion permet aux Africains de la diaspora de “resserrer les liens communautaires à travers l’Église et de se reconnecter à leur origine en partageant une foi commune”.

“Je viens à Saint-Roch parce que je suis catholique. C’est aussi l’Église qui m’a accueillie quand je suis arrivé en Belgique. »

Didier, Congolais. 
Un enfant qui s’ennuie durant la messe.

Unis à Dieu, unis aux autres

C’est le moment des anniversaires”, déclare le prêtre à la fin de la messe. Anaïs, une petite fille de 8 ans avance timidement pour récupérer la carte que le prêtre lui tend. Sans attendre, l’assemblée a déjà commencé à chanter « Joyeux anniversaire »… Le thé et le café sont servis juste après le chant final. Si la messe est finie, la fraternité elle, commence. Les paroissiens s’interpellent et discutent les uns avec les autres. « Amakuru?”, “ni meza”. Kinyarwanda, lingala, français… on entend les langues se mélanger.  

Anne-Marie, une tantine en boubou jaune moutarde nous invite à manger de ses beignets. Elle les a préparés spécialement pour l’église. Une des huit personnes blanches présentes se sert. Au vu de la tête qu’elle fait, elle semble en apprécier le goût. Peut-être que, dans un autre lieu, d’autres circonstances, cette femme aurait bu son café avec un petit spéculoos. Mais ce dimanche matin, ce n’était pas le cas. Le dimanche, c’est le beignet qui l’emporte.  

Dorine Busoro

Les Beignets d’Anne-Marie
Le service des boissons chaudes
Chaussée d’Anvers 60, 1000 Bruxelles
Les enfants de choeur se préparent avant la célébration.
Boniface qui explique à Silly l’importance de l’originalité.

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