Crédits photos : Julien Gillet
Une part d’enseignante mixée avec une part d’éducatrice et un soupçon d’infirmière, c’est la description parfaite du métier de puéricultrice. Depuis 28 ans, Madame Anne accompagne les plus petits dans une école du quartier des Vennes à Liège. Mais quels sont les bénéfices d’avoir ce corps de métier présent dans les écoles ?
Comme chaque jour, la puéricultrice de 60 ans, énergique et au regard doux, armée de son sweat gris, arrive à 7 heures 30 pile dans son école du quartier des Vennes à Liège. Derrière les briques rouges et la porte bleu ciel, sa classe l’attend : petites tables rectangulaires, chaises colorées et coin tapis avec des bancs pour chaque enfant. Avant l’arrivée des petits, elle prépare la salle, installe les jouets, dispose les chaises, tout a son importance pour une journée enrichissante.
Madame Anne profite du silence en sirotant son premier café de la journée. Dans une demi-heure, la quiétude sera remplacée par les cris, les rires ou les pleurs de ses élèves. « Il faut profiter du calme avant la tempête », plaisante-t-elle.
À 8 heures 30, les premières têtes apparaissent, manteaux colorés et cartables avec des dinosaures ou des princesses. Certains se précipitent vers les jeux disposés sur les tables. Pour l’un d’entre eux, la séparation avec son papa était plus difficile. « Il a commencé lundi, c’est tout à fait normal ». La puéricultrice se dirige naturellement vers lui pour le réconforter. Un petit câlin, une chanson, un moment seul à l’écart du groupe qui permet à l’enfant de s’apaiser pour ensuite commencer sa journée avec ses copains.

Une fois la classe réunie, l’heure est venue d’apprendre en jouant : de la psychomotricité fine, des puzzles, des jeux de construction, de la lecture et des activités de développement. Madame Anne et sa collègue institutrice, Marie-Ange, se complètent. L’institutrice fait un atelier basé sur les chiffres et Madame Anne sur le langage où elle fait répéter le nom de fruits à ses petits élèves. « On essaye de faire des liens avec ce qu’ils vivent au quotidien ».
Après son atelier, la puéricultrice voyage de table en table, elle corrige, réexplique les jeux, encourage les timides pour qu’ils soient à l’aise et confiants, félicite à coup de bravo ceux qui réussissent et n’hésite pas à réprimander les turbulents.

À la suite d’une heure quart d’amusement et d’apprentissage, les petits mettent la main à la pâte. Tout le monde doit participer à la mise en ordre de la classe avec sous l’encadrement des adultes. Sur chaque boîte, une photo des jeux est là pour faciliter l’organisation. « Le rangement est aussi un apprentissage en soi », rappelle-t-elle.
Après ce petit effort, direction le coin tapis. Les enfants s’apprêtent à chanter « bonjour tout va bien », à faire le journalier et le semainier. Une activité dirigée par l’institutrice, mais pas question de se tourner les pouces. Madame Anne est toujours aux aguets en cas de problème et est toujours prête à seconder sa collègue en cas de besoins. Justement, un des enfants a des besoins spécifiques. Comme il a du mal à rester assis, la puéricultrice le prend dans ses bras, lui caresse les cheveux pour que le moment lui soit quand même bénéfique.

Un peu de tendresse dans ce moment d’angoisse.
Passé le coin tapis, les enfants se dirigent dans le couloir pour aller chercher leur mallette pour laisser place à la collation. Les enfants épluchent leurs fruits ou déballent les emballages pour développer leur autonomie. Pendant que certains terminent leur collation, d’autres passent aux toilettes, certains doivent changer de langes, souvent deux par deux. L’eau du robinet coule, l’odeur du désinfectant envahit la pièce, deux trois rires fusent et grâce à des encouragements, elle les initie à l’hygiène et aux bons gestes à faire. Une fois les mains lavées, la puéricultrice accompagne les enfants qui ont déjà remis leur mallette pour l’enfilage du manteau avec plus ou moins de réussite pour certains, ils peuvent partir en récréation. « L’aide que l’on apporte aux enfants n’est pas pour faire à leur place mais favoriser l’apprentissage à l’autonomie», dit Madame Anne. C’est à ce moment qu’elle peut souffler un peu, le temps d’un café sucré.

Après la pause au grand air, la journée peut reprendre. Les autres jours, ce sont des ateliers ou des jeux libres. Mais le vendredi, direction la salle de gym pour une séance de psychomotricité avec Madame Marie-Lorraine. Sous le thème d’Halloween, la psychomotricienne a préparé un petit parcours d’obstacles, certains enfants hésitent à monter les espaliers ou à sauter depuis un petit bloc. La puéricultrice accourt donc auprès d’eux pour les guider, les encourager et les féliciter. Elle assiste aussi ceux qui doivent se moucher, partir aux toilettes ou être consolé d’une chute. À la fin de leur séance, elle reprend la routine du changement de langes avant le dîner.
Lors du repas de midi, la classe se transforme en réfectoire pour les enfants. Les tables sont couvertes d’assiettes pour les uns et de boîtes à tartines pour les autres. Madame Anne passe de table en table pour amener les assiettes de pâtes chaudes. Certains peinent encore à manger seuls, elle donne donc la cuillère à ceux qui en ont besoin ou guide leurs gestes. « On apprend aussi en mangeant », dit-elle avec un sourire. Quand les assiettes sont vides, les ventres remplis et les mains lavées, la classe retrouve son calme.
Vient le moment de la sieste. Chaque enfant retrouve son lit, son coussin et son doudou, à son nom. La puéricultrice borde chacun, allume une guirlande pour avoir une lumière tamisée et met une musique douce pour calmer les esprits. Elle passe entre les lits, s’assied près d’un enfant qui peine à dormir mais n’hésite pas à recadrer ceux qui empêchent les autres de se reposer. Une fois le calme revenu, elle peut enfin prendre sa pause de midi et préparer des activités pendant cette période.
Après la sieste, elle réveille les enfants progressivement, les change si besoin et les emmène en classe pour les dernières activités. Avant de retourner à la maison, on chante une chanson d’au revoir et on lit l’histoire de la grenouille à grande bouche. Les enfants enfilent leur manteau et attendent patiemment dans le couloir. Vers 15 heures 15, les parents arrivent, c’est là que la puéricultrice accompagne chaque enfant à la porte. Un regard complice, un câlin, un signe de la main. Toutes ces petites choses qui rappellent à Madame Anne pourquoi elle continue de faire ce métier. Une journée banale pour celle qui considère son travail comme « une fontaine de jouvence ».


