Pourquoi aller au vidéoclub ?

Rencontre avec Juan Borbolla. Depuis 23 ans, il gère Vidéo Express, dernier véritable vidéoclub de Bruxelles.

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Photo : Jessica de Leest

Rencontre avec Juan Borbolla. Depuis 23 ans, il gère Vidéo Express, dernier véritable vidéoclub de Bruxelles.

Photo : Jessica de Leest

Nous voilà devant une enseigne dont le nom sonne très 90’s. Bienvenue au Vidéo Express situé à Saint-Gilles. Loin d’être désert, l’espace de location est animé par le va-et-vient des clients. Le gérant répond à nos questions tout en papotant avec les clients : il commente leur choix de film et leur recommande des DVD, au sein d’une collection qui en compte plus de 30 000.

Pourquoi avoir ouvert un vidéoclub ?

Quand j’ai ouvert, l’idée c’était surtout d’aller à la recherche de films qu’on ne trouvait pas. Je voulais découvrir des films d’un peu partout et les faire découvrir aux autres. 

Comment fonctionnent les locations de DVD ?

Alors le prix c’est 2,48€ par film que tu loues et c’est le même tarif pour tous les DVD. En tout, on en a 30 477 et il y a vraiment de tous les genres. Je ne fixe pas de date de retour, mais je dis quand même aux clients de pas mettre deux semaines pour rendre le film.   

Le succès est au rendez-vous…

En tout cas, on a assez de clients que pour nous permettre de rester ouverts. Ça dépend beaucoup mais, je dirais que du mardi au jeudi on a entre 60 et 70 clients et du vendredi au lundi on a une moyenne de 100 clients. Après le Covid, ça a été difficile : on a dû fermer pendant le premier confinement et ça nous a fait perdre beaucoup de gens parce qu’ils se sont habitués à « voir » d’une autre façon.

Comment attirez-vous la clientèle ?

Quelques clients ont monté une ASBL pour nous soutenir, Les Amis du Vidéo-Express. Ils invitent des personnalités ou des associations qui font une sélection de films qu’on met en vitrine. Ça marche bien et les gens s’arrêtent devant le magasin pour regarder. Par exemple quand Joachim Lafosse a fait la vitrine, ça nous a ramené pas mal de monde.

Comment vous procurez-vous les DVD ?

On les achète chez les distributeurs pour une trentaine d’euros pièce. Pour rentabiliser un DVD, il faut en gros le louer quinze fois. On a de nouveaux DVD tous les jeudis. 

Sur la devanture du magasin, on peut lire « #antineflix ». On se doute que vous n’êtes pas favorable à l’ampleur que prennent les plateformes de SVOD… Pourquoi ?

Le #antiNetlfix, c’est pour rire. Mais effectivement, je n’ai pas Netflix et je ne trouve pas que les films que la plateforme produit soient d’une qualité exceptionnelle. Et le résultat de l’arrivée des plateformes de SVOD, c’est qu’il n’y a presque plus de vidéoclubs. Six mois après l’arrivée de Netflix, environ 80% des vidéoclubs ont fermé.

Les médiathèques, c’est fini et si t’enlèves aussi les endroits comme le Vidéo Express, dans 20 ans, on aura tous vu la même chose. Comme des robots.

Le problème, c’est aussi que tout est contrôlé dans leurs films et leurs séries. Les réalisateurs doivent remplir un cahier des charges précis. Netflix contrôle exactement ce que tu aimes regarder avec son algorithme. Tu penses choisir tes films, mais tu les choisis plus ; y’a plus qu’à cliquer sur les propositions et voilà. Moi, j’ai peur que le cinéma disparaisse. Si on laisse le cinéma entre les mains de Netflix, Amazon, Disney, quel cinéma on va-t-on avoir dans 20 ou 30 ans ? Quel producteur va encore prendre des risques ? Je trouve ça triste… Je suis content d’avoir été de la génération qui avait plein d’endroits pour découvrir le cinéma.

Comment choisissez-vous les nouveaux arrivages de votre côté ?

En fonction de ce que les gens me disent sur les films qu’ils ont vu. Je retiens les titres et ça m’aide à choisir au moment où je reçois les listes des distributeurs. Sinon aussi avec les recommandations dans les émissions de cinéma. Et puis y’a des réalisateurs qu’on rate pas !

Pourquoi faut-il préserver le dernier vidéoclub de Bruxelles selon vous ?

Je trouve important de proposer un vaste choix des films. Sans ça y’a plein de films que tu ne verrais pas. Par exemple, Fragile, si t’es pas client chez nous, tu passes à côté. Olli Mäki, tu passes à côté, alors que pour moi, c’est un chef d’œuvre !

Dans ma famille, personne n’était spécialement intéressé par le cinéma… donc, ma culture cinéma, je l’ai construite grâce à la médiathèque. Les médiathèques, c’est fini et si t’enlèves aussi les endroits comme le Vidéo Express, finalement dans 20 ans, on aura tous vu la même chose. Comme des robots. Beaucoup de gens me demandent « Mais pourquoi ça existe encore les vidéoclubs ? Tu trouves tout sur Netflix ». Je leur réponds en leur montrant les nouveautés du magasin et là, ils constatent que non, y’a pas tout sur les plateformes. Ca sert à ça les vidéoclubs, à faire découvrir du cinéma !

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