J'ai essayé le test antigénique en Sicile

Ou comment j'ai tissé des liens avec des inconnus grâce à un coton-tige dans le nez.

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Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Ou comment j’ai tissé des liens avec des inconnus grâce à un coton-tige dans le nez.

Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

La chute du trafic aérien est de 70% en 2020. Bonne nouvelle pour l’environnement, mauvaise nouvelle pour le secteur du voyage et du tourisme qui demande au gouvernement belge de se doter de tests antigéniques rapides pour les aéroports. Le dispositif a déjà été déployé à Francfort, Londres et à Palerme où je vous emmène voir comment ça se passe.

Un soir, mon ami et moi décidons de partir en Sicile sur un coup de tête. Lui avait quelques congés. Moi, je n’avais pas de cours le vendredi et le lundi. Un weekend étendu au soleil pour éviter le semi-confinement belge quoi.

En revanche, avec les mesures Covid, nous étions un peu perdus. Qu’est-ce qui pouvait bien nous attendre ? Doit-on se faire tester ? Je fais un tour sur le site des Affaires étrangères belges. Je suis accueilli par une carte. Trois semaines plus tôt, tout était vert, à l’exception de certaines zones comme Madrid ou Paris. Là, c’est tout le contraire : aucune zone verte en vue. Red Is the New Green, il paraît.

La Sicile est en orange, ce qui ne veut rien dire en soi puisque chaque pays impose ses propres mesures aux voyageurs en provenance de l’étranger suivant le danger qu’ils représentent. Au menu pour les Belges : présentation d’un test négatif à l’arrivée en Sicile ou obligation de passer un test sur place, à l’aéroport. Bon, étant donné qu’on part dans 48H, pas le choix, ça sera sur place. De toute façon, la Belgique ne teste plus les asymptomatiques donc impossible pour nous d’être testés.

Du coup, qu’est-ce qui arrive si on est testés positifs là-bas ? On nous renvoie au pays ? On nous isole ? Où ça ? Nous le saurons bien assez vite.

Le jour J

Arrivée à l’aéroport de Charleroi deux heures à l’avance. Terminal 1. Nous sommes largement dans les temps. Une tente est installée depuis un moment devant l’entrée du bâtiment pour les contrôles anti-terroristes. Aujourd’hui, la star, c’est une caméra thermique. Un écran nous donne le relevé instantanément : 35,4°C tous les deux… pas loin de l’hypothermie légère en somme. « Vous pouvez avancer », lance un agent de sécurité. C’est à questionner l’utilité du dispositif. Le reste du processus est le même qu’habituellement, le masque en prime. Je note tout de même l’absence totale de distanciation ou de marquage dans la file pour embarquer.

Des passagers font la file pour rentrer dans un avion Ryanair.
Des passagers font la file pour rentrer dans un avion Ryanair. Distanciation sociale discutable. Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Dans l’avion

Pas de dispositif spécial lorsque nous entrons dans l’avion pour nous installer. L’avion est bondé et il n’y a aucune distanciation, pas de siège vide. Le CEO de Ryanair n’avait pas menti. Je m’endors.

« L’avion va maintenant commencer sa descente vers Palerme, nous prions les passagers de remonter leur tablette et de s’assurer que leur siège est dans la position verticale. »

C’est le moment de vérité. À quelle sauce va-t-on être mangés ? Le débarquement se fait méthodiquement, tout le contraire de ce qu’il s’est passé à Charleroi lors de l’embarquement. Nous sommes priés de rester assis. Une rangée prend ses affaires et quitte l’avion. La rangée suivante suit. Je prends mon sac et me dirige vers la sortie. Il fait déjà noir. Un petit bus nous attend. Il est loin d’être à pleine capacité mais démarre tout de même. « Ils ne testent peut-être pas réellement les passagers », me souffle mon ami. S’il pense à une stratégie de dissuasion de la part de l’aéroport, je pense pour ma part que nous aurons bientôt un coton-tige dans le nez. Et si nous sommes positifs ? Qu’adviendra-t-il de nous ? Deux minutes de trajet nous séparent du terminal. 

Des grands hommes blancs

Nous descendons du bus. Un groupe désorganisé d’une vingtaine de personnes s’est déjà formé à l’extérieur. La tension est palpable. Un homme en combinaison de biosécurité s’approche du groupe. Un masque FFP2, une visière et des gants bleus complètent sa tenue intimidante. Il nous réprimande en italien avec de grands gestes pour que nous reculions dans une zone d’attente, une sorte de garage extérieur avec un toit, puis il repart. J’ai l’impression d’être acculé comme du bétail. Nous attendons là une dizaine de minute. Il revient et nous explique quelque chose en italien. Nous n’avons rien compris. Quelques personnes réagissent et partent avec lui. En panique, je regarde mon ami : même expression dans ses yeux.

Je demande à un petit groupe de quoi il s’agit. « Je pense que ceux qui n’ont pas encore fait de test doivent les suivre », répond une passagère. Nous décidons de lui faire confiance et courons après l’homme en blanc.

Il me tend un formulaire de deux feuilles recto verso et me prie d’avancer. La première feuille est en anglais. C’est un formulaire de consentement au test. Pas de chance, la deuxième est en italien. Nous devinons que certaines parties du formulaire doivent être remplies par le médecin mais nous avons du mal à deviner lesquelles. Nous faisons la file pour rendre le formulaire complété de manière improvisée.

Une déclaration à compléter et signer en italien. Les données sensibles sont cachées.
Si l’on pouvait deviner ce qu’il fallait écrire sur cette feuille, ce n’était pas le cas pour tous les formulaires. Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Un autre homme blanc prend des coordonnées supplémentaires, probablement pour le tracing, et me rend le formulaire dûment complété sans un mot. Je regarde autour de moi. Où devons-nous aller maintenant ? « Viens, on retourne d’où on est arrivés ». J’accepte.

Et on fait tourner les coton-tiges

Nous sommes pris en charge très poliment et on nous dirige vers une salle d’attente ou quelques chaises sont alignées. Une jeune fille attend déjà. Pas le temps de s’asseoir, un homme blanc nous appelle depuis son bureau. Je fais signe à la jeune fille pour qu’elle y aille. « Je suis déjà passée. » Ses yeux sont un peu rouges. Je demande à mon ami : « T’y vas ? J’y vais ? ». Sans réponse, je me lance.

Un testeur porte une combinaison de biosécurité. De dos, on devine qu'il prépare un test Covid.
Le testeur trempe un long coton-tige dans le réactif. Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Deux hommes m’attendent. Je suis très stressé. C’est la première fois que je fais un test Covid. La barrière linguistique n’aide pas. Le masque qui couvre la bouche non plus. Résultat : nous communiquons avec des gestes. On me prie de m’asseoir et de baisser mon masque. Il prend un long coton-tige, qu’il trempe dans une petite fiole. Il soulève mon menton et introduit le dispositif dans ma narine droite. Il rentre un centimètre, puis deux, puis trois… Pas si douloureux que ça mais l’odeur est désagréable. Puis il commence à tourner. Une sensation extrêmement gênante qui se transforme en douleur. Une petite larme se forme dans mon œil droit. Ça semble long, très long…

C’est terminé. Il retire le coton-tige et me prie de retourner dans la salle d’attente. Je souhaite bon courage à mon ami qui me suit. Il ressort de là 2 minutes plus tard avec la même larme à l’œil. « La vache ! », s’exclame-t-il.

Nous attendons et regardons les voyageurs rentrer et sortir de là, un à un. Tous sortent avec des yeux larmoyants. Nous en rigolons. La salle d’attente est maintenant presque comble. Nous devions être huit ou neuf à attendre nos résultats. « Qu’est-ce qu’il se passe si on est positifs ? », lance une quadragénaire élancée. D’un ton moqueur, un vieil homme lui rétorque : « Ils envoient les carabiniers pour vous emporter ». Un fou rire général s’ensuit. Bizarrement, malgré l’inconnu, malgré les vacances qui pourraient, à tout moment, tourner au drame, l’ambiance est légère.

Nous rigolons avec nos nouveaux compagnons, unis par nos yeux rouges et nos nez qui coulent. Une dame nous conseille : « Vous devez absolument goûter les Pasta alla Norma, c’est typique d’ici ! » Nous acquiesçons. Chaque année, elle vient en Sicile pour récolter des olives qu’elle fait pousser dans son jardin. Elle a une maison de vacances à Montallegro, un petit village sur la côte sud de l’île.

Étrange moment suspendu dans le temps où tout le monde échange ses plans de vacances et partage quelques anecdotes sur sa vie. Nous ne savons plus vraiment pourquoi nous sommes là, dans cette salle d’attente aux néons blafards. Nous avons oublié la panique, la douleur ou la crainte de perdre nos vacances. L’insouciance règne.

Délivrance

Après une dizaine de minutes, les résultats tombent : personne n’est positif. Incroyables, ces fameux tests antigéniques rapides. Nous avons le même sentiment qu’après avoir réussi un examen scolaire. Soulagés, nous nous dirigeons tous vers la sortie, euphoriques. L’atmosphère est détendue et joviale. Nous entrons dans un second bus. Le vieil homme qui n’a pas arrêté d’amuser la galerie lance  : « On peut se faire une soirée sans masque ! »

Même si l’expérience était stressante, je ne peux que saluer le professionnalisme du personnel médical présent à ce moment-là. Il était tard et si nous étions fatigués, je ne peux qu’imaginer leur état. Malgré la barrière linguistique, ils se sont montrés patients et résilients. Ce qui nous apparaît comme une épreuve ponctuelle est une réalité journalière pour eux. Un travail dangereux et des conditions de travail exténuantes qu’on ne peut que respecter.

Aujourd’hui, je suis confiné en Sicile après avoir été en contact avec un cas positif. Même si les cas de contaminations sont plus faibles dans certains pays, ils ne sont pas inexistants. J’ai été soumis à un deuxième test pour lequel l’accès mériterait un autre article. Un réel parcours du combattant.

En somme : si vous ne parlez pas la langue du pays que vous souhaitez visiter, vous devrez faire preuve de beaucoup de débrouillardise et certainement d’un peu de chance. Nous avons été envoyés à trois adresses différentes par l’office du Tourisme. Aucune n’était agréée pour réaliser des tests Covid. Personne ne parlait français ou anglais. Au troisième centre, un médecin qui sortait de là par hasard nous a donné la bonne adresse. Vous voulez savoir comment s’est passé ce test Covid-là? Plus ou moins pareil que la première fois, à une exception près : mes deux narines en ont pris pour leur grade, cette fois. Ça m’apprendra à réserver des tickets d’avions bourré.

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