Markus Spiske | ©Unsplash
La mobilisation climatique rassemble de moins en moins, principalement chez les jeunes. Manque de leaders, écoanxiété… Voici quelques raisons qui expliquent cet essoufflement.
Où sont passés les militants ? Le 10 novembre dernier, à Bruxelles, il n’étaient que 1.000 à répondre à l’appel du Collectif Rise for Climate. Bien loin des 70.000 personnes qui défilaient dans les rues de Bruxelles en 2019 pour pousser les représentants politiques à agir en matière de réchauffement climatique. La cause climatique ne suscite-t-elle plus d’intérêt ?
Le désaveu d’Ecolo aux dernières élections n’est pas synonyme d’une perte d’intérêt de la population belge pour la cause climatique, affirmaient, dans une interview récente Soir, Nicolas Van Nuffel, président sortant de la Coalition Climat, et Nadia Cornejo, vice-présidente entrante. « Comme tous les partis ont repris peu ou prou les questions climatiques dans leur programme, il est difficile de conclure, sur base des résultats, que les citoyens se sont détournés des enjeux environnementaux. Par ailleurs, le vote est une manière de vivre la démocratie, mais ce n’est pas la seule. Quand on décide de prendre son vélo, de prendre moins l’avion, de changer sa consommation, c’est aussi une manière de porter le changement.«
“En tout cas, dans les sondages d’opinion, le climat est toujours sur le podium des préoccupations des gens. Et quand on leur demande s’il faut en faire davantage, deux tiers des gens disent que oui”, ajoute Nicolas Van Nuffel.
Mais alors, si la question suscite toujours autant d’intérêt, pourquoi n’y a-t-il pas de mobilisation plus importante ?
Kim Lê Quang, cofondateur de Rise for Climate, le collectif qui organise des mobilisations chaque mois, confirme l’essoufflement au sein des populations étudiantes. Celles-ci étaient fortement présentes avec le mouvement Youth for Climate. “Après les élections de 2019, beaucoup de jeunes ont arrêté de se mobiliser, continuant seulement à participer à quelques évènements, surtout lors des grèves mondiales organisées par Greta Thunberg. Notre dernière marche, qui a eu lieu le 20 septembre, rassemblait 700 personnes selon la police. On voit une claire baisse de participation…”
Seules les marches pour le climat organisées par la Coalition Climat permettent d’atteindre des chiffres de fréquentation similaires à ceux de 2019. Organisées en moyenne une fois par an, elles rassemblent entre 20.000 et 30.000 personnes. Pourtant, la Coalition climat a décidé de ne pas organiser de Marche cette année. « Cette décision est stratégique car le but est de revenir plus fort l’année prochaine« , explique Nicolas Van Nuffel.
Cet essoufflement pourrait s’expliquer par un manque d’information sur l’impact de ces mobilisations, selon Kim Lê Quang. « « « Les jeunes ont pu avoir l’impression que prendre part à d’autres mobilisations n’était peut-être pas utile ». Et pourtant, ces marches ont eu un impact, et non négligeable d’après lui. « A ceux qui n’ont pas conscience de l’impact de leur mobilisation, je réponds ceci: leurs actions ont conduit, fin 2019, à un Pacte vert européen. 100 milliards d’euros par an pour transformer l’économie: c’est ça le résultat des mobilisations ! »
Ces résultats sonnent comme des victoires mais qui prennent du temps, souligne Kim Lê Quang. « C’est un marathon […] On doit réfléchir à comment convaincre les gens de rester actifs sans voir forcément les résultats tout de suite.«
Un bateau sans capitaine
La disparition des figures de proue des mouvements climatiques de l’espace médiatique peut également impacter les jeunes, en manque de modèles et de leaders. Anuna De Wever, qui a créé le mouvement YFC en 2019 et qui a lancé les mobilisations et grèves estudiantines en Flandre, inspirée par Greta Thunberg, a quitté le navire en août 2022 avec l’ambition de contribuer à d’autres projets militants.
Adélaïde Charlier, autre figure de proue historique du mouvement, reste pour sa part fortement impliquée dans la question climatique. Elle est devenue, en 2020, porte-parole de la Coalition Climat belge. Elle a poursuivi son ascension en accédant en 2022 au poste de conseillère spéciale du vice-président de la Commission européenne. Un poste plus politisé, mais moins visible des jeunes. Interviewée par Le Soir en février dernier, Adélaïde Charlier soulevait une autre piste de réponse à la démobilisation. “Une grande partie de ma génération et des jeunes souffre d’éco anxiété. […] Ce qui la crée, c’est le fossé entre l’information et le sentiment d’action […] on assiste à un retour en arrière sur beaucoup de politiques climatiques, et ce retour en arrière menace la confiance des jeunes envers le monde politique et l’impact réel qu’ont ces marches et manifestations.”
Un pas en avant, deux pas en arrière
La réélection de Donald Trump risque d’accentuer davantage encore le recul des politiques climatiques. En climato-sceptique avoué, il prévoit de quitter les accords de Paris, relancer la production de gaz et de pétrole et mettre fin aux projets d’énergie éolienne, ainsi qu’aux voitures électriques.
Ces mesures, bien que difficiles à réaliser entièrement, ralentiraient ou inverseraient la transition écologique. De plus, le retrait des États-Unis des accords de Paris signifierait la fin de leur aide financière aux pays en développement pour le climat. L’Union européenne et la Chine seraient appelées à renforcer leur engagement pour rassurer les autres pays. La réélection du président républicain est-elle le coup de grâce pour des jeunes militants climatiques exténués de mener un combat qui ne leur laisse que trop peu de victoires ?