Marais Wiels : noeud politique en eaux troubles

Le marais Wiels est un écrin de nature en plein quartier du midi, mais son avenir est incertain...

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Photos : Elise Hallet et Doriane Heylighen

Photos : Elise Hallet et Doriane Heylighen

Le marais Wiels est un écrin de nature en plein quartier du midi, mais son avenir est incertain…

Il était une fois, un terrain situé non loin de la gare du midi. Les tractopelles s’affairaient pour y accueillir d’imposants immeubles de bureaux. C’est alors que le coup de pelle de trop fût donné. La nappe phréatique dormant sous terre fût éventrée.

En ce beau jour de 2007, le marais du Wiels vit le jour sous le regard stupéfait des habitants de Forest. Un véritable écosystème se constitua ; martins pêcheurs, cormorans et hérons jouirent de ce nouvel habitat. Ils ne furent pas les seuls. Ce lieu est un véritable îlot de fraîcheur pour les habitants de ce quartier densifié de la gare du Midi. Durant de nombreuses années de sérénité, 170 espèces animales cohabitèrent harmonieusement avec les humains. Finalement, l’ancien promoteur  “JCX” abandonna les travaux. Mais la menace d’un projet immobilier rodait toujours. 

En 2015, des habitants de Forest s’allièrent pour protéger le marais. Ces autoproclamées fées du marais militèrent pour la préservation de ce joyau de biodiversité. C’est alors qu’un bon présage éclaircit le ciel nuageux du marais. 

En 2021, le site fût racheté par la région de Bruxelles-Capitale ; quel soulagement pour l’ASBL ! Alain Maron, ministre écolo de la région, et Rudi Vervoort Ministre-Président, se félicitèrent de ce rachat, étendard de la préservation de la biodiversité. 

Mais le conte de fées prend fin. 

Citydev se lance dans un projet de construction

Il est question de la création de 70 à 80 logements (moyens et/ou sociaux) et d’un parc infrastructurel sur le site. Il est aussi question de  la transformation du marais en bassin d’orage à ciel ouvert. “Le Métropole”, bâtiment classé , assiste les pieds dans l’eau à l’étrange tournure des événements. Depuis, le marais Wiels est embourbé dans un nœud politique mêlant activistes et ASBL défenseuses de l’environnement.  

Nous avons tenté de démêler le noeud politique qui se resserre autour du marais Wiels. Au travers du point de vue de cinq acteurs, politiques ou activistes, nous abordons trois enjeux majeurs concernant le futur du marais.

1. La reconnaissance du marais comme plan d’eau

La zone du marais Wiels est considérée comme étant constructible du point de vue du droit. En effet, le PRAS (ou Plan Régional d’Affectation du Sol) couvre l’ensemble du territoire régional et a valeur réglementaire. Si le site du Wiels était reconnu par le PRAS comme étant un plan d’eau, il serait protégé par la prescription 0.4

“Sont interdits, les actes et travaux amenant à la suppression ou à la réduction de la surface de plans d’eau de plus de 100 m² et les travaux amenant à la suppression, à la réduction du débit ou au voûtement des ruisseaux, rivières ou voies d’eau”

Prescription 0.4 du PRAS

Seulement, le PRAS n’a pas été revu depuis que le marais a vu le jour. 

Rudi Vervoort, Ministre-Président de la région de Bruxelles-Capitale nous a délivré son opinion par mail :

“Le marais n’est pas un espace naturel, mais la conséquence d’une remontée de la nappe phréatique comme il s’en passe dans beaucoup de chantiers en région bruxelloise (notre région étant construite pour bonne partie sur des anciens espaces marécageux” (…) “Un marais, une zone humide ou un ruisseau ne constituent pas des plans d’eau au sens du langage commun, ni dès lors au sens du PRAS”

Rudi Vervoort

2. La nécessité de bâtir sur le marais

La Région, via Citydev, prévoit la construction de 70 à 80 logements sur le site. Ce projet est présenté par les politiques comme une solution face à la crise du logement.

“Le besoin en logements abordables nous oblige à utiliser toutes opportunités foncières disponibles, tout en assurant un équilibre avec les besoins en espaces verts. Les pouvoirs publics, tels que la Région bruxelloise, sont in fine les seuls à œuvrer pour ces deux problématiques : garantir le droit constitutionnel à un logement décent et offrir des espaces verts de qualité aux habitants. (…) Concernant la conversion de bureaux vides en logements selon une étude récente de perspective.brussels, la majorité (80%) de ces bureaux ne sont pas adaptés à la transformation en logements. Dès lors, il apparaît clair, et contrairement à ce qu’on entend, que la conversion de bureaux en logement constitue une piste de solution mais ne permettra pas, à elle seule et à court terme, de répondre à la crise du logement abordable et de qualité en Région bruxelloise.”

Rudi Vervoort

3. De futurs aménagements compatibles avec la vie sauvage présente au Wiels ? 

Un parc infrastructurel sera aménagé sur le Wiels et Le Brass (centre culturel de Forest). Il est aussi question d’une zone de jeux pour les enfants. Il pourrait y avoir un tunnel piétonnier sous la ligne de chemin de fer et un sentier cyclo-piéton (entre l’avenue du Pont de Luttre et l’avenue Van Volxem). Mais rien n’est encore inscrit dans le marbre. 

“Rien ne dit que la biodiversité disparaîtra suite aux travaux envisagés par la Région, ni qu’elle ne pourra pas se réinstaller spontanément comme elle l’a fait ces 10 dernières années. Il existe par ailleurs des techniques pour préserver la flore et la faune lors des chantiers de construction et déconstruction ; techniques notamment décrites dans des guides rédigés par des associations œuvrant spécifiquement pour la biodiversité, notamment en France.”

Rudi Vervoort

Ainsi, Rudi Vervoort et Alain Maron soutiennent le projet de construction. Geneviève Kinet, Gaëtan Van Goidsenhoven et Amandine Tiberghien sont, quant à eux, favorables à la préservation du site.

Tout ce dossier est éminemment politique. Chacun espère que le bien commun primera sur les intérêts électoraux des parties prenantes. Lorsqu’il est question de la préservation d’un des rares lieux bruxellois à la biodiversité aussi développée, une réelle prise en compte des revendications citoyennes est aussi nécessaire que celle de l’expertise des spécialistes de l’écologie. 

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