En 2018, les Repair Cafés ont permis d’éviter la production de 215 tonnes de déchets. En Belgique francophone, l’organisation Repair Together assure l’organisation et l’encadrement de ces rassemblements citoyens luttant, à leur échelle, contre l’obsolescence programmée.
L’initiative n’est pas ancienne même si le principe fondamental l’est : rendre service et réparer. En 2009 aux Pays-Bas, Martine Postma décide d’officialiser la démarche. Cette journaliste néerlandaise, militante écologiste et conseillère communale à la ville d’Amsterdam, souhaite centraliser et faciliter les petites réparations. Par le mot « Repair », elle entend éviter le gaspillage d’objets électroniques ou autres. Le terme « Café » met l’accent sur l’aspect social qui lie les participants.
La création d’un Repair Café débute avec un « kit de démarrage » présent sur internet. Ce kit contient des conseils et un encadrement, ainsi que le nécessaire visuel de présentation. Ensuite, il convient de trouver un lieu de rendez-vous. L’organisateur et ses réparateurs bénévoles accueilleront les riverains durant l’événement. Le côté social est plus ou moins mis en avant selon la personne organisatrice, bien qu’il soit dans l’ADN du projet imaginé par Martine Postma. Les participants partagent d’ailleurs leurs expériences sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram avec #repaircafé.
Voici un extrait très court🎦 de la formation #centralevapeur du @RepairTogether. Nous remarquons que ✅ les webinaires du #RCBegle sont des moments très sympathiques🤗 ⬇️ de partage ! #rcmobilisationcovid @RTBF pic.twitter.com/YYQ8pz7IeW
— ASSOCIATION REPAIR CAFE TOURS (@repaircafetours) December 1, 2020
Un concept très simple
Très répandus en Europe, en Amérique mais aussi en Asie depuis quelques années, les Repair Cafés s’organisent facilement. On en compte actuellement près de 200 dans notre pays. « Il y a beaucoup de Repair Cafés en région bruxelloise dû à la densité de population. Mon ancienne collègue, d’origine liégeoise, a beaucoup porté le projet chez elle, ce qui explique le grand nombre d’initiatives dans cette région », affirme Jonathan Vigne, project manager pour Repair Together. Il indique que le dynamisme des Repair Cafés s’effectue à l’échelon local. L’organisme a donc envoyé des chargés de missions province par province. Ces personnes, recrutées en juin et juillet 2019, développent localement les Repair Cafés pour compléter l’offre. Ils contactent divers acteurs locaux (écoles, associations écologistes, etc.) afin d’organiser des formations et des ateliers.
Les Repair Cafés tentent à leur échelle de lutter simplement contre des objets parfois mal utilisés suite à une méconnaissance du mode d’emploi ou un mauvais entretien. Mais dans d’autres cas, certaines marques ne souhaitent pas qu’un produit puisse fonctionner jusqu’à ce qu’il soit réellement inutilisable. C’est ce que l’on nomme l’obsolescence programmée. Par rapport à ces pratiques commerciales, l’objectif premier est d’éviter un gaspillage écologique et financier.
Une zone grise autour de l’obsolescence
Certaines marques mettent en place divers procédés visant à réduire la durée de vie des objets électroniques. À leur échelle, les Repair Cafés luttent contre cette pratique commerciale. En Belgique, aucune législation n’existe en la matière bien que des négociations parlementaires ont eu lieu entre 2016 et 2018. En France, la situation est différente. La loi a défini cette pratique comme telle : “ L’obsolescence programmée est l’ensemble de techniques destinées à réduire la durée de vie ou d’utilisation d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». De son côté, l’Europe tente de combattre ces pratiques par le biais de l’allongement obligatoire des garanties. Fin 2019, la Commission européenne a libéré cinq millions d’euros suite aux demandes des associations de consommateurs. Ces dernières souhaitent mener des recherches afin de combattre le phénomène.
L’obsolescence comme pratique existe en réalité sous plusieurs aspects, décrits dans le mémoire de Mathilde De Crombrugghe (Master en sciences de gestion à l’UCLouvain). On distingue notamment une première forme, dite esthétique, qui pousse au consumérisme. Une seconde forme, dite technologique, vise à faire acheter un appareil plus performant. Plus récemment, une troisième forme s’est imposée aussi, l’obsolescence écologique : elle incite à acheter des modèles « moins polluants ». Et c’est sans compter la dernière et la plus connue d’entre elles : l’obsolescence planifiée ou programmée. Elle consiste à intégrer, lors de la fabrication, une pièce qui a pour but d’être défectueuse après expiration de la garantie. Fin 2017, Apple a fait l’objet d’une plainte en France par Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP). Des plaintes similaires avaient déjà eu lieu aux États-Unis ainsi qu’en Israël.
Le combat autour de l’obsolescence programmée
La réaction des marques face au phénomène des Repair Cafés varie, selon Jonathan Vigne : “Les marques ne se soucient pas trop de cette initiative et de la réparation indépendante en général”. L’émission de France télévision, Cash Investigation (“La Mort programmée de nos appareils”), a tenté en 2015 de savoir si les marques cherchaient délibérément à planifier une fin à leurs produits.
C’est notamment en réponse à ces durées de vie limitées, que les Repair Cafés continuent de voir le jour. Le concept offre d’un côté, des alternatives à la défectuosité et permet, de l’autre, de tisser des liens sociaux. La combinaison de ces deux objectifs, alliée à la simplicité d’organisation, explique ce succès général onze ans après sa création.