Le football, vecteur d’intégration sociale pour les jeunes réfugiés

Pour Abdinasir, le football est plus qu'un sport, il s'agit d'un moyen de s'acclimater à son nouvel environnement.

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Crédits photo : Matthieu Maesschalck & Tom Oliver

Pour Abdinasir, le football est plus qu’un sport, il s’agit d’un moyen de s’acclimater à son nouvel environnement.

Crédits photo : Matthieu Maesschalck & Tom Oliver

Comme chaque matin, Abdinasir s’est réveillé à 8h au centre d’accueil pour les réfugiés de Woluwe-Saint-Pierre où il réside depuis plus d’un mois. Habillé et les dents brossées, il partage un petit déjeuner avec ses compagnons avant le briefing de sa journée. De dix heures à midi, Abdinasir suit des cours de français et de néerlandais. Deux langues qu’il découvre car, dans son pays d’origine, en Somalie, il n’a appris que le somali et l’anglais.

Après avoir dîné, Abdinasir se prépare pour son programme de l’après-midi. De nombreuses activités sont mises en place, au sein du centre comme à l’extérieur. Mais pour Abdinasir, le football revêt une saveur particulière. Il y a goûté dans les rues de son village natal et il s’en délecte désormais dans le cadre du projet “We Welcome Young Refugees“, initié par le club de Kraainem. “Mardi et vendredi, je vais à Kraainem jouer au foot. Ce sont les deux jours où je me sens vraiment le plus heureux car j’aime le football. Ce sont les meilleurs jours de la semaine.”

Abdinasir doit effectuer les trajets aller-retour jusque Kraainem en métro le mardi, mais le vendredi, une camionnette fournie par le club l’y emmène. À 16h30, il embarque dans le véhicule, accompagné de cinq autres jeunes qui prendront également part à l’entraînement. Mais comment procède-t-on à la sélection de ceux qui participent au projet de Kraainem ? Iliasse Khamal, stagiaire au centre de Woluwe-Saint-Pierre, occupe un rôle important dans la sélection des joueurs. Il tente de contenter les jeunes et le coach. Mais un facteur reste déterminant : la motivation. “J’essaye de choisir parmi les jeunes les plus ouverts et qui sont déterminés à faire du sport. Quand un jeune me demande s’il y a Kraainem ce soir, je ne peux pas le lui refuser.”

Kraainem Football Club

Tous les mardis et vendredis, les U21 intègrent les jeunes réfugiés. Photo : Tom Oliver

Arrivé au club à 17h, Abdinasir démarre le projet Kraainem par une table de conversation. Pendant une heure, il y apprend le français et les coutumes belges avec un professeur bénévole. Les enseignants favorisent au maximum la participation des jeunes. Il n’est cependant pas simple d’organiser ces séances sans connaître les participants, explique Myriam Petit, qui effectue ses premiers pas. “C’est difficile de savoir de quoi parler, car il est délicat de leur poser des questions. Je n’ose pas spécialement aller trop dans les détails en les questionnant. J’imagine qu’ils ont eu un passé douloureux et traversé de terribles épreuves.”

L’adaptation comme effort principal

L’heure tant attendue arrive. Libéré de ses obligations, Abdinasir se dirige de l’autre côté du terrain, rejoint le groupe des U21 et enfile son uniforme jaune et bleu de footballeur prêté par le club. Le coach Christophe Matthys rassemble ses joueurs composés de jeunes du club et de réfugiés des centres de Woluwe-Saint-Pierre et de Rixensart. L’échauffement commence, mais c’est bien le coach qui court le plus en ce début de séance. “Pour un coach, ce n’est pas évident parce qu’on doit s’adapter. On ne sait pas combien de joueurs seront présents dans le noyau. C’est pour ça qu’aujourd’hui, vous me voyez courir à gauche à droite. On est beaucoup ! J’avais reçu des messages comme quoi il y avait eu des blessures, puis finalement les blessés sont là, donc voilà… On s’adapte.”

le football, vecteur d'intégration sociale pour les jeunes réfugiés

En trois ans, 1500 jeunes ont déjà participé au projet. Photo : Matthieu Maesschalck

Le club de Kraainem doit également composer avec le manque de régularité de ces jeunes réfugiés. Une contrainte que rencontrent également les éducateurs du centre de Woluwe-Saint-Pierre, chargés d’envoyer les adolescents dans le foyer le plus propice à leur intégration. Impuissant, Iliasse Khamal ne peut que constater la place que prend le hasard dans le dossier de ces jeunes. “En général, les jeunes restent entre quatre et six semaines. Voilà pourquoi il est difficile de réaliser un projet sur du long terme. Ils ne prennent part qu’à environ douze sessions d’entraînement, une grande frustration peut venir de là. Nous faisons au mieux pour qu’ils rejoignent les centres qui leur conviennent. Évidemment, s’il n’y a pas de possibilité, ils sont envoyés là où il y a de la place. Tout ça reste aléatoire.”

Composer avec des joueurs de nationalités différentes, disponibles pour un maximum de douze entraînements. Tel est le pari de “We Welcome Young Refugees” et du club de Kraainem qui, depuis 2015, a vu passer plus de 1500 jeunes sur ses terrains. Forcément, le club a dû s’adapter à ses nouveaux arrivants. Mais Benjamin Renauld nourrit des ambitions sportives. “C’est déjà intéressant pour eux, parce que ça leur permet de se défouler un peu, de jouer au foot avec d’autres gens. Mais ça ne peut pas vraiment leur permettre de s’intégrer au club. Notre objectif reste quand même d’avoir quelque chose de plus qualitatif, avec un nombre plus restreint de jeunes, mais qu’on peut suivre pendant une période plus longue.” Le responsable reste néanmoins conscient des sacrifices qu’il réclame. “Ça engendre sûrement un effort supplémentaire pour les jeunes du club, mais également pour les entraîneurs qui doivent intégrer des nouveaux joueurs. Ils n’ont pas vraiment le choix. Heureusement, cela n’a jamais vraiment posé de problème. On a l’avantage d’être un club assez ouvert et multiculturel, ce qui facilite ce genre de projet, mais on est conscient qu’on leur en demande beaucoup.”

le football, vecteur d'intégration sociale pour les jeunes réfugiés

Le projet “We Welcome Young Refugees” accueille des jeunes réfugiés depuis 2015. Photo : Daniel Gonzalez

Comme à chaque fois, Christophe Matthys doit jongler avec plusieurs langues différentes sur le terrain. ʻʻLa cabezaʼʼ, ʻʻtouch the ballʼʼ, ʻʻon met le ballon au solʼʼ. Au milieu des cris du coach, Abdinasir slalome entre les défenseurs et distribue des caviars du pied gauche. Il voit chaque exercice comme une possibilité de rendre au club cette opportunité qui lui a été offerte. “Ils m’ont vraiment bien accueilli ici, je me sens heureux en Belgique. Je voudrais continuer avec eux. Je veux signer comme footballeur ici, à Kraainem. Ils m’ont beaucoup aidé et je rêve de leur rendre la pareille.”

Pour atteindre cet objectif, Abdinasir peut s’inspirer du parcours d’Abdoul, son partenaire d’entraînement. Arrivé du Tchad un an plus tôt, il s’est entraîné toute l’année dernière aux côtés des U21. Mais ses 22 printemps ont posé problème. “Le coach est venu me voir et m’a dit que je ne pouvais plus évoluer avec les U21. J’ai eu des difficultés à l’accepter. Ils m’ont envoyé en P4 (quatrième division provinciale, ndlr) et maintenant je joue avec eux.” Abdoul est toutefois toujours le bienvenu dans son ancienne équipe. Le coach Christophe Matthys garde contact avec sa pépite. “Avant la reprise, j’ai fait une journée à la mer, à Blankenberg avec les joueurs et j’y ai invité Abdoul. Il venait énormément me parler. Personnellement, ça me fait plaisir de lui apporter quelque chose, sur ou en dehors du terrain.”

Comme à chaque fois, Christophe Matthys doit jongler avec plusieurs langues différentes sur le terrain. ʻʻLa cabezaʼʼ, ʻʻtouch the ballʼʼ, ʻʻon met le ballon au solʼʼ. Au milieu des cris du coach, Abdinasir slalome entre les défenseurs et distribue des caviars du pied gauche. Il voit chaque exercice comme une possibilité de rendre au club cette opportunité qui lui a été offerte. “Ils m’ont vraiment bien accueilli ici, je me sens heureux en Belgique. Je voudrais continuer avec eux. Je veux signer comme footballeur ici, à Kraainem. Ils m’ont beaucoup aidé et je rêve de leur rendre la pareille.” Pour atteindre cet objectif, Abdinasir peut s’inspirer du parcours d’Abdoul, son partenaire d’entraînement. Arrivé du Tchad un an plus tôt, il s’est entraîné toute l’année dernière aux côtés des U21. Mais ses 22 printemps ont posé problème. “Le coach est venu me voir et m’a dit que je ne pouvais plus évoluer avec les U21. J’ai eu des difficultés à l’accepter. Ils m’ont envoyé en P4 (quatrième division provinciale, ndlr) et maintenant je joue avec eux.” Abdoul est toutefois toujours le bienvenu dans son ancienne équipe. Le coach Christophe Matthys garde contact avec sa pépite. “Avant la reprise, j’ai fait une journée à la mer, à Blankenberg avec les joueurs et j’y ai invité Abdoul. Il venait énormément me parler. Personnellement, ça me fait plaisir de lui apporter quelque chose, sur ou en dehors du terrain.”

Les joueurs en stage d’avant-saison à Blankenberge. Photo : Christophe Matthys

Objectif : l’inscription au club

L’entraînement touche à sa fin. Les joueurs ne ressentent même plus la fraîcheur d’une fin de mois d’octobre. Après un match très attendu pour conclure la séance, Abdinasir et ses partenaires rangent le matériel et rejoignent le vestiaire pour une rapide douche. Sur le coup de 20h, les ventres gargouillent et la buvette répond à l’appel. Un plat chaud est servi à Abdinasir et ses équipiers du centre. De retour à Woluwe-Saint-Pierre, il leur reste moins d’une heure avant l’extinction des feus à 22h.

La journée préférée d’Abdinasir touche à sa fin, mais le jeune Somalien n’est pas au bout de ses surprises. Aujourd’hui, la bonne nouvelle est tombée : il pourra continuer à participer au projet “We Welcome Young Refugees”. Après un mois et sept jours au centre de Woluwe-Saint-Pierre, il sera finalement redirigé vers un autre centre de Bruxelles, ce qui lui permettra de poursuivre son aventure footballistique à Kraainem. À terme, il devrait même être définitivement affilié au club et prendre part aux matchs. “C’est un long processus, mais l’inscription de ces jeunes dans le club fait partie de notre projet”, confirme Benjamin Renauld. Le rêve se concrétise pour Abdinasir qui pourra s’acclimater à son nouveau pays grâce au sport. “Il n’y a pas de frontière dans le sport. Malgré la barrière du langage, tout le monde parle football.”

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