Le Donderberg, un poumon vert menacé

Parcelle de nature sauvage en pleine ville, le Donderberg pourrait laisser sa place à des logements et une école. La disparition d’un poumon vert pour permettre à des familles de sortir la tête de l’eau.

par

Photos: Agathe Decleire (CC BY NC ND)

Parcelle de nature sauvage en pleine ville, le Donderberg pourrait laisser sa place à des logements et une école. La disparition d’un poumon vert pour permettre à des familles de sortir la tête de l’eau.

Photos: Agathe Decleire (CC BY NC ND)

En se promenant dans les rues de Bruxelles, il est difficile de s’imaginer le paysage qu’a découvert Léopold Ier quand il entra dans la capitale du nouvel État belge, en 1830. Les routes inégales ont été remplacées par des boulevards et des tunnels. Les immeubles ont couché les forêts. La nature est devenue proprette dans des parcs avec des belles allées et de temps en temps, un kiosque. 

Le Donderberg résiste néanmoins à cette domestication. Ancienne pépinière royale, cet espace sauvage de 2,6 hectares jouxte le Jardin du Fleuriste et le Domaine royal à Laeken, dans le nord de Bruxelles. Dans ce parc abandonné depuis un demi-siècle, la nature a repris ses droits. Sa traversée est laborieuse à moins d’avoir des bottes. Les riverains qui s’y aventurent croisent parfois des crapauds, des écureuils ou des renards. Entre les ronces et les arbres aux branches basses, une cabane se distingue, refuge probable des enfants du voisinage. Même si on ne perd pas de vue les toits des maisons qui bordent le bocage, l’odeur n’est plus urbaine. Elle est terreuse, crue, verte. Une voisine émerge justement du bosquet, accompagnée de son Golden Retriever et d’un jeune Berger allemand, encore un peu sot : « Quand vous venez ici en été, vous sentez tout de suite la fraîcheur de ce lieu. C’est un havre d’oxygène dans la ville. »

Derrière la plaine et les arbres du Donderberg, on aperçoit le toit des maisons avoisinantes.
Les maisons ne sont jamais très loin de cet îlot de nature.
Photo: Agathe Decleire

La Ville de Bruxelles prévoit pourtant sa destruction. L’idée a émergé en 2013 et aboutit finalement à la fin de 2019 en un grand projet urbanistique. La commune bruxelloise, s’alliant à la compagnie immobilière Jacques Delens, prévoit d’y construire 49 logements, une école pouvant accueillir 672 élèves, une salle de sport, un local de quartiers, des voiries privées, et un parking souterrain de 119 places, s’accompagnant d’un passage de la rue en double sens. « Hop » (c’est le nom du projet) s’annonce comme un messie. La solution aux problèmes de logement et de manque de places dans les écoles, aux dépends d’un terrain abandonné, de toute façon inaccessible au public.

Les chemins sont à peine visibles, les arbres sont indomptés, compliquant l’accès au Donderberg.
Photo: Agathe Decleire

Ce projet est accueilli par un souffle de contestation citoyenne. Un comité de quartier, Save Donderberg, hurle au saccage de l’espace vert et aux embarras de circulation que ces infrastructures vont causer. « On a besoin d’écoles », réplique le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close dans un article du Soir. Chaque année, des centaines d’enfants n’ont  toujours pas d’établissement à la rentrée scolaire (343 en septembre 2019). Pour le bourgmestre, cette nouvelle école sera bâtie, ce n’est pas négociable. C’est d’ailleurs frappé dans le marbre de l’accord communal.

« Nous ne sommes pas contre la construction d’une école, affirme Serge Malaisse, un membre permanent de l’association Laeken.Brussels qui conteste le projet. « On s’était mobilisé il y a deux ans pour l’érection d’un établissement scolaire sur un autre site juste à côté. Le projet n’avait finalement pas abouti, faute de logement. Mais bâtir sur le terrain du Donderberg n’a pas beaucoup de sens. Nous sommes dans un état d’urgence climatique. Or, détruire cet espace vert aurait des impacts sur la biodiversité qui y est luxuriante. On y croise parfois des renards ».

L’échevin de la Régie foncière, Khalid Zian (PS) ne renonce pas à son projet. La Ville de Bruxelles ouvrira le Donderberg, bâtira sur 40% du terrain et facilitera l’accès à l’espace de verdure à tout le quartier. « Quoi qu’il en soit, nous maintenons notre projet » assure le socialiste dans Le Soir. « Parce que nous sommes confrontés à des urgences sociales et climatiques. » Nous avons demandé à Monsieur Zian en quoi le projet « Hop » aidera à répondre à ces urgences climatiques, mais nous n’avons pas reçu plus éclaircissements.

Dans la liste des urgences sociales par contre, la crise du logement arrive en tête. Selon le Rassemblement bruxellois pour le Droit à l’Habitat, 44.000 ménages attendent un logement social à Bruxelles. Un chiffre qui a doublé en quinze ans. « Nous ne nions pas qu’il y a une crise du logement » , souligne Serge Malaisse. « Mais bétonner des espaces verts pour en construire, c’est une méthode à l’ancienne. De nos jours, il faut densifier ce qui existe, rajouter des étages là où c’est possible, rénover les espaces vides,… Il y a dans Bruxelles, la superficie d’un vingtième commune. Il faut commencer par valoriser ces espaces avant de détruire des endroits comme le Donderberg ». 

Un couple flamand qui a l’habitude de venir se promener dans ce poumon vert ajoute : « Ce ne seront pas des logements sociaux. Dans une localité pareille ? C’est de l’immobilier ». Il est vrai que le quartier du Donderberg est assez aisé. Les façades des maisons sont belles, les rues sont propres et une école européenne, dont les frais d’inscription sont à 5.000 € l’année, se situe à deux pas des lieux. Nous avons demandé aux élus si les logements prévus seraient des logements sociaux, mais ils ont là encore éludé la question. 

Avant que l’arrêt de mort du Donderberg ne soit signé, Bruxelles Environnement, sous autorité de la Région bruxelloise, doit délivrer un avis et un permis d’environnement. Néanmoins, le terrain appartient à la commune et la Région ne peut l’empêcher de bâtir tant qu’elle respecte les réglementations. La section des Espaces verts de Bruxelles Environnement a néanmoins défendu auprès de son ministre Alain Maron (Ecolo) la protection du bosquet, invoquant son potentiel naturel et sa biodiversité. Le ministre aura peut-être été sensible à leur requête car d’après son attaché de presse, « le projet a été recalibré pour limiter les gabarits d’origine », a-t-il stipulé sans donner plus d’informations.

Deux semaines plus tard, l’avis de la Commission de consultation de la Ville de Bruxelles tombe. Cet organe consultatif chargé d’entendre les citoyennes et les citoyens lors de l’enquête publique donne un avis favorable à l’attribution d’un permis, mais avec des restrictions. La plus importante d’entre elles est la suppression de tous les logements et du parking souterrain. Seule la construction de l’école est autorisée et elle-même doit prévoir un véritable plan pour préserver un maximum d’arbres. L’avis a été transmis à la Région qui aura le dernier mot. Peut-être une nouvelle inspiration pour le Donderberg.

Nouveau sur Mammouth

Maraîchage bobo ou logements sociaux ?
4 ans après l’arrivée du virus, qui sont ceux que l’on appelle covid long ? 
Mon Fils, Xavier et moi
Bertieaux vs. la FEF : le clash