Le catch à l'heure belge

Renaissance du show-spectacle à la sauce bruxelloise

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Photos : WWE

Renaissance du show-spectacle à la sauce bruxelloise

Photos : WWE

Du Claridge à Forest National, les 16 et 17 mars derniers ont marqué un tournant pour le catch en Belgique. À 24 heures d’intervalle, une fédération indépendante locale et la puissante WWE ont attiré un public nombreux et passionné. Un contraste de formats, mais un même engouement.

Bruxelles, mi-mars. Deux événements ont placé la Belgique au cœur du monde du catch. Dimanche 16, la Banger Zone Wrestling (BZW) remplissait le Claridge de Saint-Josse avec son show Road to Glory. Le lendemain, c’est Forest National qui accueillait un épisode en direct de Monday Night RAW, première du genre sur le territoire belge.

À première vue, tout oppose ces deux rendez-vous : d’un côté, la BZW, petite fédération née en 2022, portée par des bénévoles passionnés ; de l’autre, la WWE, géant américain valorisé à plusieurs milliards de dollars. Mais sur place, une évidence s’impose : le catch suscite en Belgique un engouement réel, longtemps sous-estimé.

Au Claridge, le catch local joue à guichets fermés

©BZW

Il est 18 h 30 ce dimanche, et déjà une file compacte s’étire devant le Claridge, petite salle de 600 places située près de la station de métro Madou. L’événement n’est censé commencer qu’à 20 h, mais fans et familles ont pris de l’avance. À l’intérieur, un ring a été installé sous des projecteurs amateurs mais efficaces. Des drapeaux flottent. Une buvette, quelques stands de merchandising, un photocall avec des catcheurs.

Dans la file, Ludo, bénévole, distribue les derniers bracelets d’entrée. Sur scène, Max vérifie les micros. Tous deux font partie de l’équipe fondatrice de BZW. « On n’avait pas imaginé remplir la salle aussi vite. Il y a deux ans, on jouait devant 80 personnes à Namur. Là, c’est complet une semaine à l’avance. »

Le public est varié. Des enfants avec leurs parents. Des trentenaires passionnés. Des curieux. Dans la salle, l’influenceur Sturry, figure francophone du catch sur YouTube, discute avec des abonnés. « Je vois un public nouveau, moins masculin, plus familial, note-t-il. Ça change. »

Une soirée entre hurlements, chaises cassées et émotions vraies

À 20 h tapantes, l’annonceur entre en scène. Les premiers combats s’enchaînent rapidement, portés par des catcheurs locaux ou européens. Joseph Fenek, favori du public, conserve son titre après un match tendu contre Psycho Clown, vétéran mexicain. À la pause, les enfants courent vers le bar à bonbons ; les adultes vers le stand de bières.

L’ambiance prend une tournure plus grave lors d’un moment inattendu. L’un des catcheurs interrompt le spectacle pour évoquer un deuil familial. Silence total. Puis, la reprise est brutale : tables éclatées, chaises tordues, cris du public. Le match principal, entre Trent Seven et Axel Tischer, anciens de la WWE, donne lieu à une demi-heure de combat technique. À la fin, Jacob Vadock, figure locale, surgit pour défier le vainqueur. Les fans crient, filment, applaudissent.

À 23 h passées, la foule sort calmement. Sur le trottoir, Pauline, 24 ans, résume la soirée : « J’ai rigolé, j’ai eu des frissons, j’ai même pleuré. Je ne m’attendais pas à autant d’émotions dans un show belge. »

À Forest National, la WWE impose sa grandeur

Le lendemain soir, Forest National est en effervescence. Près de 8 000 spectateurs prennent place dans les gradins pour assister à un événement historique : l’enregistrement en direct de Monday Night RAW, désormais diffusé sur Netflix depuis le début de l’année. Jamais une émission hebdomadaire de la WWE n’avait été captée en Belgique.

Des fans affluent de toute l’Europe. Jonas, 31 ans, a fait le trajet depuis Marseille : « Quand j’ai vu que RAW venait à Bruxelles, j’ai tout de suite réservé. C’est une première, je voulais être là. » Aux abords du bâtiment, les drapeaux belges côtoient les banderoles pro-Cody Rhodes ou anti-John Cena.

Dans la salle, la mise en scène est millimétrée. Des écrans géants, des effets pyrotechniques, une régie de plusieurs dizaines de techniciens. L’arrivée de John Cena provoque une clameur de plusieurs minutes. Les fans chantent, hurlent, huent, brandissent des ceintures en plastique.

Cody Rhodes face au public belge en feu

Le spectacle alterne combats scénarisés, interviews et rebondissements. Penta, le nouveau luchador de la WWE, affronte Ludwig Kaiser dans un match solide. Jey Uso, Rey Mysterio et Rhea Ripley apparaissent à leur tour. Les caméras filment tout. À la fin du show, le champion Cody Rhodes prend la parole et salue « l’énergie unique du public belge ».

Barclay, 29 ans, venu de Paris, est encore sous le choc : « Je suis allé à RAW à Londres et Berlin, mais ici l’ambiance était plus brute, plus spontanée. On sentait que les gens attendaient ça depuis longtemps. »

Vers une reconnaissance durable ?

Ce double événement marque peut-être un tournant pour le catch en Belgique. Longtemps cantonné à des salles modestes et des retransmissions confidentielles, il bénéficie désormais d’une visibilité inédite. La WWE, en choisissant Bruxelles pour un épisode de RAW, valide l’intérêt commercial de cette région. La BZW, en attirant 600 personnes et en vendant ses billets en quelques jours, prouve que la scène locale peut répondre à cette demande.

Pour Ludo, de la BZW, cette montée en puissance ne doit pas faire perdre le nord : « On veut garder notre ADN. Oui, on rêve d’une tournée francophone. Mais on ne veut pas devenir une caricature. Le catch, c’est aussi une école de respect. »

Le catch belge n’a sans doute pas encore atteint son apogée. Mais en ce week-end de mars, il a franchi un cap symbolique : celui d’un divertissement de niche devenu une culture à part entière.

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