L'Afrique ne sera pas le laboratoire de l'Europe face au Covid-19

Une séquence de la chaîne LCI fait polémique depuis ce mercredi : deux médecins y suggéraient de tester un ancien vaccin, contre le Covid-19, en Afrique. Détrompez-vous.

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Photo : CCBY NC SA

Une séquence de la chaîne LCI fait polémique depuis ce mercredi : deux médecins y suggéraient de tester un ancien vaccin, contre le Covid-19, en Afrique. Détrompez-vous.

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Ce mercredi, la chaîne française LCI aborde la crise sanitaire du Covid-19 en plateau, à l’occasion d’une émission spéciale. Parmi les invités, Jean-Paul Mira, chef de service médecine intensive et de réanimation de l’hôpital Cochin, à Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’INSERM. Après avoir fait le point sur l’état de la pandémie, les médecins abordent notamment le cas du « BCG ». Cet ancien vaccin contre la tuberculose pourrait avoir des effets positifs dans la lutte contre le coronavirus, diminuant le risque d’infection ou limitant la gravité des symptômes chez les patients atteints.

Le BCG, possible bouclier contre le virus

Produit dans les années 1920, le vaccin bacille Calmette-Guérin (BCG) a été l’un des médicaments les plus administrés au monde, notamment dans la lutte contre la tuberculose, mais pas seulement. Alors que le développement d’un vaccin contre le coronavirus pourrait prendre encore plusieurs mois, la piste de l’efficacité du BCG est actuellement explorée par certains scientifiques. Le vaccin permettrait donc de limiter l’infection et ses symptômes mais aussi d’améliorer le système immunitaire, ou encore de combattre certaines maladies respiratoires.

Jean-Paul Mira questionne alors, en plateau, son confrère Camille Locht sur le possible intérêt de réaliser cette étude en Afrique.

« Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation? Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le SIDA? »

Jean-Paul Mira, chef de service à l’hôpital Cochin, Paris

Camille Locht répond par l’affirmative, expliquant qu’une étude parallèle en Afrique est en cours d’élaboration.

Il n’en fallait pas plus pour que la polémique soit lancée. Cette séquence aux paroles choquantes a fait bondir les internautes, reflétant les stigmates laissés par l’esclavage et la colonisation, toujours ancrés dans le débat public. De nombreuses personnes ont partagé la scène sur les réseaux sociaux, accusant l’Europe et l’Occident de prendre l’Afrique pour un laboratoire à ciel ouvert et les Africains pour des sous-hommes, dont même les corps seraient méprisés.

Sur les réseaux sociaux, la polémique est largement relayée.

Seulement, l’affirmation selon laquelle l’Afrique serait le seul endroit où le BCG serait testé, et ce avant les pays occidentaux, est inexacte.

Des tests déjà lancés dans plusieurs pays du monde

En Australie, depuis la fin du mois de mars, l’Institut Murdoch de Melbourne a lancé un essai clinique de grande ampleur incluant 4 000 soignants, issus des différents hôpitaux du pays, vaccinés avec le BCG.
Des tests ont également été réalisés aux Pays-Bas, au centre médical de l »Université Radboud de Nimègue. La situation est la même pour l’Allemagne, qui s’apprête à lancer des tests d’une version modifiée du BCG ou encore pour l’Espagne, qui a intensifié ses recherches dans le secteur microbiologique de l’université de Saragosse.

Ce vendredi, une coalition mondiale pour la recherche clinique sur le Covid-19 a été lancée, regroupant plus de 80 scientifiques, médecins et institutions. Nathalie Strub-Wourgaft, directrice de l’unité des maladies tropicales négligées (DNDI) de Genève, fait partie des initiateurs du projet. Depuis le début de la pandémie, elle alerte ses confrères sur l’importance de lancer cette coalition mais aussi sur la participation du continent africain aux recherches.

De l’urgence des essais cliniques africains

En effet, même si l’Afrique est globalement épargnée pour l’instant, les ressources médicales sont faibles. Cette coalition vise donc à accélérer la lutte contre le virus, en améliorant la collaboration et la recherche, ainsi que la prise en charge des COVID-19 dans des contextes à ressources limitées. Selon Strub-Wourgaft, il est plus qu’urgent que l’Afrique prévoit des essais cliniques, encadrés et volontaires sur son territoire.

Dans son livre « L’Afrique, cobaye de Big Pharma« , Jean-Philippe Chippaux, docteur en santé publique à l’Université de Paris VI, dénonce les dérives des industries et laboratoires pharmaceutiques en Afrique, qui subsistent toujours à l’heure actuelle. Tout comme Nathalie Strub-Wourgaft, il affirme qu’il est indispensable que l’Afrique s’approprie les futurs essais cliniques sur son territoire, afin de les faire correspondre aux réalités et aux besoins spécifiques existant en terme de santé publique.

Seul un essai clinique a pour l’instant eu lieu sur le sol africain, au Caire. Concernant le BCG, il n’est ici pas question de tester l’Afrique d’abord, puisque le vaccin déjà été administré à plusieurs milliers d’individus dans le monde.

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