Géraldine Frognet tient la librairie OVNI dans le centre d’Arlon. Comme son magasin, elle est haute en couleur et en convictions. Rencontre avec cette politicienne sans filtre et sans carte de parti.
Photo : Anne-Isabelle Justens
Fraîchement élue conseillère communale au sein du groupe Ecolo+, Géraldine Frognet n’hésite pas à défendre publiquement la Zad (zone à défendre) de la Sablière et à accueillir les zadistes chez elle le temps d’une douche ou d’un café chaud.
Être élue, siéger au conseil communal et soutenir la Zad, n’est-ce pas un peu schizophrénique ?
Pas du tout ! Je me suis présentée pour changer le système politique de l’intérieur, pour le bousculer. Mais il est tellement installé et sclérosé que ce ne n’est pas évident. Des initiatives comme cette Zad permettent de se poser les bonnes questions sur notre système de démocratie représentative. C’est rafraichissant.
Mais c’est illégal, pourtant !
S’installer dans le respect de la nature sur un terrain qui finalement appartient un peu à la collectivité (NDLR : Idelux, le propriétaire, est une intercommunale) ne me choque pas. Il faut parfois désobéir pour que les lois changent. Quand un groupe de citoyens remet en cause une loi, c’est qu’il est temps de la repenser.
Le projet de zoning artisanal se veut pourtant écologique…
Raser plus de 30 hectares d’arbres, noyer toute une biodiversité sous le béton, et mettre à la place quelques buissons et trois panneaux photovoltaïques… C’est loin d’être écologique ! Je ne comprends pas que le bourgmestre, Vincent Magnus (liste Arlon 2030), ose le prétendre. L’être humain doit arrêter de s’approprier la nature au nom de la toute puissante économie.
Et dans votre groupe, Ecolo+, vous êtes tous sur la même longueur d’onde ?
Je ne fais pas partie d’Ecolo. Je suis le petit + à côté. Je n’ai donc pas de compte à rendre à un parti et j’agis en mon nom. Et, même si je suis sans doute la plus radicale, on trouve pas mal de terrain d’entente dans notre groupe politique. Je me suis rendue la première sur la zad, mais les autres élus ont rapidement suivi et la soutiennent désormais.
Qu’est-ce qui vous parle chez ces jeunes révoltés ?
Qu’ils soient jeunes et révoltés. J’aime leur mode de fonctionnement horizontal. Tout se décide ensemble, en cercle autour du feu. Au conseil communal, le bourgmestre et les premiers échevins sont sur leur estrade, et nous, pauvres petits conseillers communaux, demandons humblement la parole. Ça fausse la discussion. Les zadistes passent leur journées à débattre, et même si on n’est pas toujours d’accord avec eux, c’est jubilatoire de converser avec des gens si engagés, si cultivés et si entiers.
Les politiciens ne le sont pas ?
Ils manquent de culture, de connaissance, de curiosité. Ils sont devenus des techniciens de répétition. On fait comme on faisait avant. Cela rend le dialogue compliqué. Diaboliser les zadistes parce qu’ils sont cagoulés et asséner qu’ils se trompent de combat ne fait qu’augmenter les tensions. Les élus devraient plutôt enfiler leurs bottes, passer les barricades, y laisser leurs a prioris et rencontrer les personnes sous les cagoules.
Vous pensez qu’une expulsion du site est possible dans les prochains jours ?
La volonté de la majorité est d’attendre que le mouvement s’essouffle. Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne stratégie, et c’est tant mieux. Avec l’aide de riverains et la détermination des zadistes, je pense qu’ils sont encore là pour un bon moment.