Depuis le début du confinement, les messes en public sont interdites. Pourtant, les célébrations religieuses sont considérées comme essentielles par les fidèles. Certaines paroisses ont donc décidé de diffuser des messes en direct sur Youtube ou Facebook.
Photos : Jean Lannoy (CC BY NC ND)
L’église de Louvain-La-Neuve est particulière, elle ne ressemble à aucune autre en Belgique. Bâtie dans un style résolument moderne, les briques sont apparentes, comme sur les bâtiments voisins. Vue de dehors, on ne dirait pas vraiment une église. Pourtant, tous les dimanches, la messe y a lieu. Elle est suivie par des catholiques pratiquants depuis les quatre coins de la Belgique… sur les réseaux sociaux.
Durant le premier confinement, les messes étant déjà interdites, certains croyants de la paroisse étudiante de Louvain-La-Neuve ont proposé aux prêtres de diffuser la messe en ligne. Objectif : garder le lien dominical entre l’assemblée et les célébrants, et faire communion via les moyens actuels.
Dès 9h15, les premiers fidèles arrivent. Une petite chorale qui répète les chants de la messe prend forme. Un organiste et trois jeunes chanteurs, s’échauffent la voix. Les musiques remplissent l’édifice vide, où psaumes et cantiques ne sont plus chantés par l’assemblée, sur place, mais depuis chez eux.
Quelques minutes plus tard, arrivent deux techniciens, qui vont retransmettre la messe sur Facebook. Ils déchargent de leurs voitures des câbles, des micros, des ordinateurs, etc. Le matériel qu’ils apportent est principalement le leur, la paroisse n’ayant pas les moyens d’investir. Des mètres de câbles investissent l’espace de la chorale et du chœur, où les prêtres célèbrent l’eucharistie. Ils transforment l’église vide de fidèles en vrai studio de captation. Les micros sont branchées à une console, qui envoie le son vers l’ordinateur qui diffusera aussi le flux vidéo. Pour ce dernier, pas de grosses caméras professionnelles, mais un smartphone et une tablette, qui envoient les images directement sur l’ordinateur.
Maxime, l’un des techniciens, explique l’origine de cette retransmission : « Au début du confinement, c’était difficile pour les prêtres d’être à distance des fidèles, et de ne pas pouvoir partager avec eux ce rendez-vous spécial. On a donc proposé de diffuser la messe sur la page Facebook de la paroisse étudiante, qui est assez active ». C’est depuis ce jour que ce pilote de ligne, au chômage depuis le début de la crise, aide à diffuser la messe.
Dix personnes pour une messe
Petit à petit, la diffusion s’est améliorée, apprend-on auprès des paroissiens. Mais l’heure avance, et le moment de la messe approche. Le curé de la paroisse, Damien Desquesnes, compte les personnes dans l’église : trois chantres, un organiste, deux techniciens, un journaliste et les deux prêtres qui célèbrent aujourd’hui. Le compte est à neuf. Parfait donc, puisque le nombre maximal de personnes autorisées sur place est de dix, selon le protocole établi le 29 octobre. C’est une des conditions pour pouvoir organiser la messe connectée.
Le père Sébastien Dehorter, responsable des étudiants de la paroisse, arrive finalement, et les derniers tests micros sont faits. Le temps d’échanger avec les techniciens et la chorale sur les derniers ajustements, il part revêtir son aube. Et son masque !
La tension monte, comme sur un vrai plateau de télévision. Les cloches sonnent tandis que les portes sont fermées au public. Le direct se lance, et le top départ est donné aux chanteurs. Tout le monde est concentré, chacun est à sa tâche. Autour de ces quelques personnes, l’église est totalement vide.
Les techniciens et la chorale ne sont pas que là pour l’aspect technique de cette diffusion, ils y participent aussi. Chacun se lève ou se met à genoux, tout en continuant son travail, au gré de la célébration. « Il est important pour nous que les techniciens participent aussi de façon croyante », estime le père Sébastien.
Une assemblée devenue invisible
D’habitude, c’est plus de 400 fidèles que rassemble la messe dans l’église néo-louvaniste. Presque autant rejoignent aujourd’hui le direct tous les dimanches. Le religieux n’est pas pour autant satisfait de cette situation : « Techniquement, on se débrouille, mais voir des personnes âgées qui viennent avant la messe et qui ne comprennent pas pourquoi la porte de leur église est fermée, cela fend le cœur ».
« Le fait de célébrer avec les autres sur internet n’est pas gênant pour nous en soi, mais sur les réseaux sociaux, la participation de l’assemblée est devenue invisible », raconte le prêtre.
Il pointe aussi le fait que rien ne prouve que le culte dans l’Église catholique soit une source de contamination, chacun ayant toujours bien respecté les mesures, comme la distanciation. En attendant, il est l’heure de ranger son aube, et de retirer tous les câbles de l’église ; elle retrouve son silence, vidée des quelques chanceux qui ont pu vivre la messe, en vrai.