Une tendance en hausse, l’impact sur la santé publique est questionné
Blonde ou brune, de table ou d’abbaye, fruitée ou amère, la bière fait partie du patrimoine culturel belge. En 2023, le Belge consommait en moyenne 13,2 litres d’alcool pur, ce qui faisait de la Belgique un des pays les plus consommateurs d’alcool en Europe. En termes de consommation de bières, elle est estimée à 60 litres par habitant, selon les données de l’office européen de statistiques. Face à cette consommation excessive, des brasseries proposent des bières 0 %, une alternative que l’alcoologue Martin De Duve considère insuffisante pour répondre aux véritables enjeux de santé publique.
La bière sans alcool, un marché en pleine croissance en Belgique
De plus en plus de marques de bière développent des versions sans alcool, afin de répondre à une demande en forte croissance. C’est le cas de la brasserie Alken-Maes qui a pour objectif de proposer une bière 0.0% au fût et à grande échelle dans les festivals et les concerts. Entre 2023 et 2024, les bières sans alcool ont remporté un succès grandissant sur le marché brassicole, enregistrant une progression de 40% des volumes écoulés. Mais ce marché reste encore peu développé par rapport à nos pays voisins. En Belgique, elles représentent, aujourd’hui, 4% des ventes de bière, loin derrière l’Allemagne (14%), les Pays-Bas (8%) et la France (6%). Pourtant, la consommation de bières 0.0 % dans l’Horeca en Belgique a progressé de 31 % entre 2022 et 2024, et cette croissance pourrait encore doubler dans les prochaines années.
La bière, une addiction bien réelle chez les belges
Bien que le marché de la bière sans alcool soit en pleine expansion depuis quelques années, il ne permet pas encore de réduire de façon significative le nombre de Belges en situation de consommation problématique d’alcool, voire en totale dépendance. D’après les chiffres de l’alcoologue Martin De Duve, un Belge sur sept est en situation de consommation problématique d’alcool et un sur quatorze en est dépendant. Ces chiffres témoignent d’une réelle problématique. Cette consommation élevée d’alcool est aujourd’hui la deuxième cause de mortalité évitable juste derrière le tabac. Elle est responsable chaque année de 3 à 10 000 décès en Belgique, soit jusqu’à 10% de la mortalité globale.
Le plan alcool c’est quoi ?
Adopté en Conseil des ministres en mars 2023 après plus de dix ans de discussions politiques, le Plan Alcool vise à coordonner différentes mesures de prévention, de sensibilisation et de régulation autour de la consommation d’alcool. Il comprend 75 actions réparties en neuf missions, telles que la prévention, la promotion de la santé et l’amélioration de l’accès aux soins.
Le plan alcool, une réelle solution au problème d’addiction ?
Pour Martin De Duve, la réponse est claire : « C’est une coquille vide. » Il déplore le manque de mesures concrètes et contraignantes, pointant une certaine frilosité politique face au lobby de l’alcool. Selon lui, l’une des mesures les plus efficaces serait l’interdiction pure et simple de la publicité pour les boissons alcoolisées, à l’image de ce qui a été fait pour le tabac. En effet, la publicité pour l’alcool est un facteur qui influence les comportements de consommation. Elle a tendance à attirer les personnes les plus vulnérables, notamment les jeunes et les personnes qui ont un problème avec l’alcool. Une autre mesure envisagée par Martin consisterait à renforcer l’étiquetage des bouteilles d’alcool en y ajoutant plus d’informations, telles que des informations nutritionnelles, les ingrédients et surtout le nombre d’unités d’alcool par contenant, ce qui permet aux consommateurs de mieux réguler leur consommation. Enfin, d’autres solutions concrètes pourraient être mises en place, comme le remboursement des consultations d’alcoologie, ou encore l’obligation d’un accès à de l’eau gratuite dans l’Horeca et les événements festifs tels que les concerts, les festivals et les fêtes estudiantines.
La bière 0.0%, une efficacité limitée sur les vrais enjeux de santé publique
Comme nous l’explique Martin De Duve, si le marché de la bière sans alcool se développe, notamment grâce à des initiatives comme celle d’Alken-Maes, il répond avant tout à une logique économique. Le goût de la bière, son aspect festif, la possibilité de faire comme les autres sans alcool, ces arguments séduisent, mais ne ciblent pas les personnes les plus à risque. Pour Martin De Duve, ce type de produit n’a pas d’impact réel sur la diminution du nombre de personnes dépendantes. En effet, selon lui, ces bières sans alcool peuvent susciter chez certaines personnes un craving, autrement dit une envie irrésistible de consommer à nouveau de l’alcool.