À Herstal, Frédéric Daerden ne ferme pas la porte au MR, malgré l’annulation de l’extension du tram
La ville de Herstal est éventrée par les travaux du tram. Vendredi 18 octobre, elle introduisait un double recours au Conseil d’Etat afin de tenter de relancer le projet. Malgré cela, le PS pourrait former une majorité avec le MR qui à initié son annulation.
Giro a ouvert sa pizzeria il y a 6 mois. Assis à la table de son restaurant fraîchement peint, il attend les clients. Pour rénover son commerce, le restaurateur a dû contracter deux crédits. Un mois après son ouverture, les travaux du tram ont commencé sur le boulevard juste devant la pizzéria. En voyant le boulevard s’ouvrir face aux pelleteuses, Giro se réjouissait du tram qui devait étendre sa clientèle : « Ça changerait le visage de la rue », explique-t-il. Mais l’arrêt des travaux pour une durée incertaine le met dans une situation indélicate : « Je n’ouvre même plus à midi, parce qu’il n’y a personne. Ces travaux rendent l’accès au restaurant plus compliqué, et diminuent les places de parking disponibles », déplore le restaurateur. Plus loin dans la rue, même écho chez un supermarché d’une grande chaîne : « Nos chauffeurs se perdent, et certains clients sont découragés à cause du détour qu’il faut faire pour venir chez nous », confie un responsable.
Pour rappel, le ministre de la mobilité François Desquesnes (membre du gouvernement MR-cdH) avait annoncé à la fin du mois d’août que le tram liégeois, qui doit entrer en circulation d’ici 2025, ne circulerait finalement pas jusque Herstal et Seraing. Deux lignes de bus prioritaires seront mises en place afin de le remplacer. Selon Frédéric Daerden, le bourgmestre socialiste fraîchement réélu à Herstal, cette décision affiche une vision court-termiste : « Si on réfléchit comme ça, on ne fait jamais rien », s’exclame-t-il. La ville de Herstal a donc décidé d’introduire ce vendredi un recours au conseil d’état afin de revenir sur la décision du gouvernement wallon. « Le tram a un vrai rôle pour favoriser les transports en communs, ce qui permettrait de diminuer la circulation déjà bien engorgée que ce soit en ville ou en périphérie. Je ne pense pas que de nouvelles lignes de bus répondent aux besoins de la population », développe le bourgmestre.
Vers une majorité PS-MR à Herstal ?
Ce dossier reste donc toujours en suspens, et les travaux toujours à l’arrêt. Il s’inscrit dans un contexte post-électoral compliqué. En effet, Frédéric Daerden est réélu pour la quatrième fois d’affilée avec 47,8% des voix pour 17 sièges, mais c’est la première fois qu’il n’obtient pas la majorité absolue (18 sièges ) à l’issue du scrutin. Il va donc devoir accueillir un partenaire – le MR ( 20,9% ) ou le PTB ( 31,3% ) – afin de former une majorité. Le bourgmestre socialiste s’est dit ouvert aux deux partis, ne fermant donc pas la porte au MR malgré l’annonce du gouvernement wallon MR-Engagés de ne pas prolonger le tram.
Pour lui, le projet du tram est un thème parmi beaucoup d’autres de gestion d’une ville. Ce point ne sera donc pas déterminant dans la décision de la future coalition. D’ailleurs, leur majorité actuelle inclut également des membres des “engagés” qui ont voté en faveur du recours. Reste à voir si cette future majorité aura le dernier mot dans ce dossier, afin de défendre une vision d’une métropole liégeoise plus durable tout en intégrant sa périphérie.
“La plus-value de ce tram, c’est de faire de Liège une métropole wallonne”
La ville d’Herstal n’est pas la seule à contester cette décision. La députée Ecolo au parlement wallon Veronica Cremasco a également déposé une motion à l’encontre du ministre Desquesnes. « Cette motion invite le ministre à venir rencontrer les habitants, les bourgmestres et les élus afin de mesurer les impacts de cette annulation. Elle demande également un dialogue avec les bureaux d’études impliqués depuis 15 ans sur ce dossier, comme les auteurs de projet du PUM ( plan urbain de mobilité de l’agglomération liégeoise ) », explique-t-elle. Pour la députée qui est par ailleurs ingénieure spécialisée en développement durable, il faut penser cette décision dans le cadre d’un projet de métropole liégeoise : « La plus-value de ce tram, c’est de faire de Liège une métropole wallonne, et cela ne se fera pas si le tram ne circule qu’à Liège même. Il faut nécessairement aller chercher les deux points principaux de l’agglomération, à savoir Herstal et Seraing. D’autant plus que des transports propres et structurants sont la colonne vertébrale d’une métropole ». La députée pointe également le coût environnemental de cette décision, qui serait de 5.000 tonnes de CO2 supplémentaires par an, selon l’ASBL The Shifters. De plus, le tram apporterait une nouvelle dynamique, et permettrait à de nombreux commerces et au marché immobilier de se développer : « On a besoin que les populations herstaliennes puissent se déplacer pour aller voir un spectacle dans la nouvelle salle de concert à Liège, on a besoin que nos étudiant.e.s puissent aller kotter à liège facilement ».