En garde à vue avec Extinction Rebellion

Le samedi 6 novembre, à midi, le groupe « Extinction Rebellion » organisait une nouvelle action à Bruxelles, au croisement des rues de la Loi et du Commerce. Je m’y suis rendu en tant que photoreporter. Les journalistes sur place s’en iront vers 14h30 et pourront titrer « Extinction Rebellion bloque la rue de la Loi, 238 personnes arrêtées ». Présent, moi aussi, en tant que journaliste, je fus une des 238 personnes arrêtées. Récit, à la première personne.

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Crédits photos : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

Le samedi 6 novembre, à midi, le groupe « Extinction Rebellion » organisait une nouvelle action à Bruxelles, au croisement des rues de la Loi et du Commerce. Je m’y suis rendu en tant que photoreporter. Les journalistes sur place s’en iront vers 14h30 et pourront titrer « Extinction Rebellion bloque la rue de la Loi, 238 personnes arrêtées ». Présent, moi aussi, en tant que journaliste, je fus une des 238 personnes arrêtées. Récit, à la première personne.

Crédits photos : Arthur Parzysz (CC BY NC ND)

11h55 : Je sors du métro 1 à la station « Parc ». La manifestation est annoncée pour 12h en face du Parlement fédéral, dans une zone qu’on appelle « neutre ». Le dispositif policier en face de la Chambre des Représentants est impressionnant. Le segment de la rue Royale qui longe le  parc du même nom est clôturé par des barbelés à chacune de ces extrémités, un camion anti-émeutes muni d’un canon à eau est posté en face du « 16 », une dizaine de policiers circulent à pied, pendant qu’une dizaine d’autres, à cheval, montent la garde dans le Parc. Alors que je cherche à en sortir, contourner les barbelés et pénétrer la rue Royale, je tombe sur un jeune homme, la trentaine, lui aussi muni d’un appareil photo. « Vous savez où se passe la manif’ vous ? » « I don’t speak French I’m sorry ». Après traduction, je n’en apprendrai pas beaucoup plus sur la manifestation, un peu plus sur l’identité de mon interlocuteur. Viktor est Serbe, il a étudié le cinéma dans son pays, mais habite en Belgique depuis quelques années, où il n’a pour l’instant pas trouvé beaucoup de boulot. Pas franchement plus informé que moi sur l’événement du jour, il est quand même venu le couvrir, muni de son appareil photo, « histoire de se faire un portfolio ». Je le trouve sympa avec sa mèche noire cachant sa calvitie naissante, son anglais teinté d’un accent des Balkans et sa veste beige, style aventurier. Ensemble, nous cherchons notre chemin et marchons jusqu’à l’intersection de la rue de la Loi et celle du Commerce. C’est là que les manifestants, n’ayant pas réussi à atteindre le Parlement fédéral, se sont installés. Certains d’entre eux sont déjà couchés à terre et crient leurs discours face à un dispositif policier bien en place. Les journalistes font leur couverture. Tout se passe calmement. Victor et moi nous séparons pour couvrir la manif’ chacun de notre côté. On se souhaite bonne chance et on se dit « see u next time ».

13h00 : Après les discours de certains manifestants et plusieurs vagues de personnes se mettant à terre, les policiers commencent à former une boucle pour les contenir. Je continue de bosser sans y faire attention. Je me rends très vite compte que je suis moi-même enfermé dans ce cercle d’une quinzaine d’agents en uniforme. Je n’en sortirai, une heure plus tard, qu’avec des colsons attachés aux poignets et deux policiers sur le dos. N’étant pas encore au courant d’un futur que je ne connais pas, pour citer une illustre Ministre belge, j’essaie quand même de m’échapper de ce cercle vicieux : « Je suis journaliste, j’aimerais bien sortir pour couvrir la manif’ de l’extérieur, s’il-vous-plaît ». « On verra ça plus tard Monsieur, restez là pour l’instant » me répond un des agents. (Trop vite) résigné, je continue de travailler.

13h10 : Le cercle se resserre. Je reviens vers les policiers pour leur expliquer ma situation. Leur « chef » me demande de lui présenter ma carte de presse. Je lui explique que tous les journalistes n’en ont pas et qu’il y a donc encore moins de chances pour qu’un étudiant lui en tende une. « Si vous ne pouvez pas nous montrer de carte de presse, vous ne ressortirez du cercle qu’après avoir été  arrêté » me rétorque-t-il. Top, génial. Alors qu’une partie des policiers resserre encore le cercle qu’ils forment autour des manifestants, l’autre moitié les emmène, un à un pour les fouiller, leur attacher les mains et les placer, les uns derrière les autres, en position « bobsleigh », assis au sol, les jambes entourant la personne placée devant, histoire de bien faire travailler les adducteurs. Je connaîtrai le même sort. Fouillé, colsonné, on me fera asseoir dans le rang. Devant moi, ou devrais-je dire entre mes jambes, se trouve un touriste chinois, juste venu dans le centre de Bruxelles pour assister au « Bright Festival ». Alors qu’il se baladait dans le quartier, il a voulu prendre quelques photos de l’événement qui se déroulait devant lui. Il finira embarqué avec nous.

13h30 : Une fois tous les manifestants immobilisés et rangés en file de bobsleigh indien, les policiers les emmènent, un à un dans leur bus ultra-moderne, un Heuliez Bus GX 337, direction la caserne d’Etterbeek, au 10, Avenue de la Force aérienne. La file se vide par le devant, selon la logique du « premier assis, premier debout ». Après avoir été assis une bonne trentaine de minutes, l’entre-jambe comprimé par un touriste chinois et les mains coincés sous celui de mon voisin, c’est à mon tour. On me demande de me lever et deux policiers m’accompagnent jusqu’à mon siège, dans leur bus. Avant d’y mettre pied, on passe devant les journalistes qui nous filment, « mes confrères » comme je le dis à l’agent qui m’accompagne. Je sens alors monter en moi un agacement face ces journalistes qui, bien que faisant leur boulot, me donnent la désagréable impression d’être une bête de foire. Et pourtant, à leur place, j’aurais fait pareil.

Une fois assis, les mains toujours coincées et attachées derrière le dos, la ceinture fixée et le groupe d’une vingtaine des manifestants installé, le bus démarre. Un des membres parvient à se libérer les mains des attaches. Les restes de son colson tombent à mes pieds. Les autres resteront attachés. La conversation avec les participants s’enclenche. Étienne, alias « Biodivers », « membre d’Extinction Rebellion depuis le début » m’explique que « l’arrestation n’est pas un but en soi, mais c’est nécessaire pour faire passer notre message. » Il m’assure aussi que celles d’aujourd’hui se sont passées très calmement, « beaucoup plus que quand Vandersmissen était en charge. Lui, il n’attendait que ça, que ça chauffe » me dit-il, rieur. Le pire moment, c’est toujours quand ils nous attachent les mains et qu’ils nous mettent en position bobsleigh. Mais cette fois-ci, ils ne nous ont vraiment pas fait attendre longtemps. Parfois, ça peut durer 3-4 heures avant qu’on nous mette dans le bus. » Après 30 minutes d’un trajet riche en informations, arrivés dans l’enceinte de la caserne, on nous fait sortir du bus et on nous emmène dans une cellule, d’environ 4 mètres sur 8. Son sol et ses parois sont faits de béton ou de briques gris.es. À part la lumière jaunâtre des néons et certains pans de murs repeints en blanc, tout y est gris, dur et froid. À un endroit, on peut lire, marqué au feutre noir, « ACAB », acrimonieux acronyme de « All Cops Are Bastards ». À d’autres, « Nique la BAC », « travaille, consomme et ferme ta gueule » ou encore « Austérité + Covid = confinement ». Des stickers, collés sur la grille d’entrée blanche en acier, témoignent aussi de la présence d’anciens résidents de cette cellule. Il y en a plusieurs dans le bâtiment de ces cellules. On nous place dans la première. On y est entassé à une vingtaine.

14h30 : Après vingt minutes, un des membres, se présentant sous le pseudonyme « Octopus » prend la parole : « Vu qu’on va être là pour plusieurs heures et qu’on ne se connait pas tous, autant se présenter. Chacun pourra parler dans sa langue maternelle et je me chargerai de la traduction ». Octopus, il est en charge de la liaison entre les sections locales et les organisateurs de l’action. Ça fait 6 mois qu’il bosse pour Extinction Rebellion. « Ma première action, c’était « Money Rebellion », qui entendait dénoncer les contradictions des banques » m’explique-t-il. « Avec un groupe, on s’était rendu en face du siège de Fortis, qui investit des milliards d’euros dans les énergies fossiles, pour verser du faux pétrole sur la façade du siège. »

Le tour de présentations s’enclenche. Certains sont des habitués, d’autres participent pour la première fois à une action du groupe. Eddy, belgo-tunisien se lance : « J’ai grandi dans un pays en bord de Méditerranée et j’ai bien vu les ravages que l’on a déjà causés sur notre environnement. Chez moi, quand on passe la tête sous l’eau de la mer, on voit la différence par rapport à avant. C’est la première fois que je participe, mais ce ne sera pas la dernière. J’ai trois enfants et cette cause est bien trop importante pour abandonner. » Place au reste des présentations. Pendant ce temps-là, un des membres, néerlandophone et actif depuis plusieurs années me glisse, avec son accent brugeois, qu’il y a beaucoup de nouveaux visages : « je dirais qu’il y a 80% de nouvelles têtes. »

Soudain, une voix fend la pièce et lâche : « Il y a plus de 150 arrestations, waouw ! » Applaudissements dans la pièce. « 150, c’est vraiment pas mal » lâche Octopus. « Nous sommes très contents de voir de nouveaux visages. Cette action, c’était un peu l’action de la renaissance après une période de pandémie qui a un peu mis un frein à nos ambitions. La dernière, « Money Rebellion », avait bien marché, mais depuis 6 mois, on sentait un ralentissement. Donc le fait que la manifestation d’aujourd’hui ait bien fonctionné, c’est cool, parce que c’est pendant ces actions qu’on recrute de nouveaux membres ».

15h30 : Ça fait plus d’une heure qu’on poireaute dans la cellule. Certains, ne pouvant pas se rendre aux toilettes, devront se satisfaire d’une bouteille d’eau vide pour se soulager. D’autres, pour éviter de s’ennuyer et un peu se réchauffer commenceront à jouer ensemble au « ninja », un jeu où il faut toucher l’autre avant qu’il ne nous touche. « On sera libérés vers 17h30 » lance soudain Étienne. « On nous emmènera gare du midi ou gare du Nord et on nous relâchera là-bas ». Il a reçu l’info de membres du groupe Signal « XR », en contact avec les autorités de la police. « Ce groupe, réservé un peu aux VIP d’XR a été formé pour cette action-ci. Ça nous permet d’échanger des informations, c’est hyper pratique » confie-t-il.

Plus que deux heures à attendre, donc. Soudain, Octopus reprend la parole : « Guys, laten we brainstormen over deze actie en de volgende acties. La grande question, c’est : « a-t-on des idées pour les prochaines actions ? » Iedereen kan zijn mening geven et les autres peuvent dire ce qu’ils en pensent. Comme ça, ensemble, on construit la prochaine action. Faisons un cercle et discutons ». Les idées fusent alors : « Moi je pense qu’on devrait viser les entreprises », « les sièges d’agences de publicités aussi vu qu’elles soutiennent les entreprises. On peut viser les affiches publicitaires en les remplaçant ou en les peignant en blanc. » Un des participants lance l’idée de flyers. Un autre lui répond que c’est un peu léger. « Tu trouves ça léger toi ? » « Oui, je trouve ça léger, des flyers. Si c’est pas disruptif, je ne vois pas trop l’intérêt ». Un autre propose : « au lieu de flyers, on peut mettre des faux PV sur les parebrises des SUV pour leur dire qu’ils polluent énormément. » L’idée motive et fait rire, avant qu’un autre membre ne s’exprime pour calmer les esprits : « le problème avec cette idée, c’est le côté culpabilisant à l’encontre des consommateurs. Les messages culpabilisants, c’est pas dans la charte d’Extinction Rébellion. On ferait mieux de viser les industriels que les consommateurs ».

Ce moment d’échange démocratique illustre ce qu’Octopus me racontait quelques minutes plus tôt : « Notre manière de fonctionner, c’est de miser sur l’intelligence collective. Si tu me demandes qui décide ici, je ne saurais pas te répondre. On a différents cercles (stratégie, support, contact presse, etc.) et des locales pour permettre de répartir les efforts, mais le tout reste autogéré et très horizontal. La base du mouvement, c’est de fonctionner à la manière de la démocratie directe. Aujourd’hui, pendant la manifestation, on n’a pas eu le temps, mais normalement, on organise toujours des assemblées citoyennes pendant les actions. On discute de ce qu’on doit faire : continuer, s’arrêter, se déplacer, laisser passer un tram ou non, etc. » N’ayant pas pu être organisée pendant l’action, l’assemblée se fait donc en cellule.

16h30 : Alors que les débats continuent dans l’assemblée formée une heure plus tôt, que certains se reposent en fermant les yeux quelques secondes, on apprend que 250 personnes ont été arrêtées. « Un beau score » se réjouissent certains. D’un coup, « ON DOIT PISSER. ÇA FAIT DEUX HEURES QU’ON SE RETIENT » crie Xavier du haut de ses deux mètres, la tête bien callée sous la capuche de sa veste rouge. « On a rempli toutes les bouteilles qu’on avait, à un moment on va devoir pisser dans la cellule. » Et alors que les « PIPI, PIPI, PIPI ! » raisonnent entre nos quatre murs, un des policiers daigne ouvrir la porte et laisser passer un des enfermés. Ils seront plusieurs à pouvoir sortir comme ça, l’un à la suite de l’autre. L’un d’entre eux emmènera même la bouteille pleine d’urine pour la vider et ainsi se constituer une réserve en cas de nouvelle « crise pipi ».

17h00 : Collés à la porte blanche qui nous sépare de la liberté, trois des enfermés, scrutant les moindres mouvements de l’extérieur à travers ses petits trous, observent la libération de manifestants d’autres cellules. Pendant ce temps-là, un des membres, veste rouge et masque zébré, qui préfère rester anonyme, raconte aux autres qu’il a entendu un des journalistes de la RTBF présents (ils étaient 2, chacun accompagnés d’un cameraman) dire à son collègue que la manif n’était « pas ouf ». Les autres déçus, réagissent : « c’est incroyable de dire ça… ce qui me dérange là-dedans, c’est que notre action, elle n’est pas censée être ouf ou belle à voir. C’est notre message qui compte. » Étienne rétorque : « Après, c’est compréhensible qu’ils veulent de belles images. Mais bon, c’est triste de réagir comme ça. »

17h17 : Les premiers de notre cellule peuvent sortir. J’interroge ceux qui restent sur l’image qui est donnée d’eux dans les médias. « Le problème, c’est que les médias sont en concurrence et qu’ils veulent être les premiers sur l’information continue Étienne. Du coup, ils sortent des données, notamment sur le nombre de participants, alors que l’action n’est même pas finie… Puis, on sent bien qu’ils cherchent des images qui donnent bien. Et c’est un peu normal, vu qu’un journaliste, il donne au public ce qu’il aime voir. » Xavier, porte-parole et coordinateur communication, enchaîne en avouant que l’action d’aujourd’hui, « au niveau de l’image, c’était complètement foiré. On n’a pas su mettre en place notre dispositif comme on le voulait… » « C’est sûrement pour ça qu’RTL est vite parti » intervient un jeune membre de XR. Xavier continue : « le problème, pour nous, ce ne sont pas les journalistes. Eux sont toujours super et impliqués. Mais on constate bien que la couverture n’est pas proportionnelle à la mobilisation. Aujourd’hui, alors qu’il y a eu beaucoup plus d’arrestations que lors de la manifestation pour le climat d’il y a un mois, on a beaucoup moins parlé de nous proportionnellement. C’est lié au fait qu’on a un discours antisystème. Du coup, les directions de rédactions, plus que les journalistes eux-mêmes, refusent de trop parler de nous. »

Xavier, qui a été interviewé par un des médias présents, oublie certainement que le nombre de participants à la manifestation pour le climat était bien plus élevé… « Mais dans le fond de la couverture, ce qu’on remarque quand même, c’est que les médias ne s’intéressent pas vraiment à notre contenu, alors qu’on a des messages et revendications très clairs. Pour résumer : non seulement les médias n’ont pas envie de parler de nous, mais encore moins de nos messages. Parce qu’on accuse des politicien.ne.s, parce qu’on accuse des puissant.e.s. Alors que nos accusations, elles sont très précises et nos communiqués de presse, ce sont des merveilles. Ça, les médias ne le reprennent pas. Ils veulent les images, c’est tout. »

17h45 : On est enfin autorisés à sortir de notre cellule. Soulagé, j’apprends cependant que cette libération n’est que provisoire et qu’elle doit permettre à la police de mettre nos affaires personnelles sous scellés, enregistrer notre identité et nous photographier, comme dans les films. Une fois de face et deux fois de profil. Après tout ça, ils nous remettront en cage. Une fois mes effets personnels mis sous scellés et une seconde fouille effectuée par un agent de police, je lui demande la raison de mon arrestation, moi qui ne suis « qu’étudiant en journalisme ». Il me ressort l’excuse de la carte de presse. Je lui ressors mon explication et lui avoue ne même pas savoir à quoi ressemble une telle carte. Après un soupir de résignation (tous les agents interrogés, le regard plein de compréhension, l’auront ce soupir mi-résigné, mi-empathique), il me sort la même conclusion : « si vous n’êtes pas parfaitement identifiable comme un journaliste, alors nous ne savons pas faire la différence entre vous et les manifestants. Si vous semblez y participer, on vous embarque aussi… ».

Avant de retourner en cellule, on nous donne une gaufre (de la marque Lotus, rien que ça) et une bouteille d’eau de 33cl. Une fois de nouveau en cage, on devra attendre plus d’une heure que les autres groupes ne sortent. En attendant, les compagnons de fortune, enfermés, s’occupent en jouant au foot ou au basket avec les restes de colsons et de bouteilles vides. Ça commence à devenir un peu long. Je revois encore les journalistes des médias publics et privés en dehors du cercle qui se resserrait sur les manifestants et moi. Ils étaient dehors, j’étais dedans. Ils avaient dû se retirer à temps. Je ne peux pas vraiment leur en vouloir, j’ai moi-même quasi supplié deux des agents de me libérer, moi qui « suis journaliste » et qui « couvre la manif sans y participer ». Ma liberté se sera jouée à une carte de presse. Un bout de papier qui m’aurait évité 5 heures de garde à vue et une arrestation administrative. Mais qui m’aurait aussi empêché de m’incruster en cellule et de vraiment côtoyer ces manifestants que j’étais venu photographier.

Au final, on nous lâchera à 19h30, à la gare du Nord. Pour y arriver, la police nous aura auparavant rendu nos affaires et, à nouveau, installés dans un de ses bus. Le trajet ne sera marqué par aucun débordement, tout comme le reste de la journée. Il y aura même quelques applaudissements et un message de service d’un chauffeur blagueur : « merci d’avoir choisi notre service ». Une fois sorti du véhicule de police, les enfermés du jour, enfin remis en liberté, se dispersent, non sans se saluer une dernière fois.

19h47 : Debout sur un des quais de la gare du Nord, j’attends le tram qui doit me ramener chez moi. Je vérifie que j’ai bien récupéré toutes mes affaires et qu’elles ne sont pas endommagées. Aucun signe de dégâts matériels. J’ai juste encore un peu mal aux poignets et j’ai une énorme dalle. Je me demande bien où a atterri Viktor. La dernière fois que je l’ai vu, il était perché sur une boîte électrique, pour pendre de la hauteur et capter au mieux l’ambiance du jour dans son objectif. Je ne sais pas s’il a, lui aussi, été arrêté ou s’il a eu la présence d’esprit, de son point d’observation, de rester en dehors de la boucle policière. J’espère en tout cas qu’il aura pu remplir son portfolio comme il le voulait. J’aurais bien aimé le croiser à nouveau. Ça nous aurait permis de parler un peu plus longuement, d’apprendre à se connaître et discuter de nos photos, avant d’inévitablement partir chacun de notre côté, se souhaiter bonne chance et se dire, encore une fois « see u next time ».

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