À Marcinelle, la maison de Marc Dutroux a vu plusieurs enfants disparaitre. Autour de ce lieu qui a vu tant d’atrocités, la vie a repris ses droits.
Photos : Marie Debauche
Dans le coin, personne n’a oublié. La vie continue, même après les atrocités que le quartier a connues. En descendant de la gare de Charleroi-sud, nous découvrons la façade de la maison de Marc Dutroux. Recouverte d’une fresque représentant un enfant qui joue au cerf-volant, elle est condamnée depuis plus de vingt ans. Tout est barricadé, et le bâtiment attend d’être détruit pour créer un jardin commémoratif à la mémoire des enfants disparus.
Le quartier se réinvente
En faisant le tour du pâté de maison, nous tombons nez-à-nez avec Laurence. D’un naturel assuré, elle n’hésite pas à entamer la discussion. Sa maison est séparée de celle de Dutroux par un seul voisin. Elle y habite depuis plus de quarante ans. D’abord avec son mari et ses enfants et, depuis six ans, seule. « Je me souviens, on croisait Dutroux et sa femme. Mais forcément, on ne se doute pas que ce genre de chose peut arriver juste à côté de chez soi. Je vis ici depuis longtemps, et je veux rester dans ma maison, il est trop tard pour moi pour déménager », confie-t-elle en transportant ses sacs de course à l’intérieur de sa maison. Elle nous y accueille entre les reproductions de Klimt et de Magritte qui habillent ses murs. Installée dans son salon, elle raconte comment le quartier a évolué depuis qu’elle y vit. « C’est beaucoup plus bruyant qu’avant. Le quartier a fort changé. Pas plus tard que la semaine passée, une voiture juste en face de chez moi a été incendiée. Les pompiers ont sonné chez moi en pleine nuit. »
Aidée d’un déambulateur, elle nous autorise à jeter un coup d’œil dans son jardin. Vu l’aménagement du quartier, il donne une vue quasi directe sur celui de la maison de Marc Dutroux. « Une fois, des policiers ont voulu entrer dans le jardin de Dutroux par le mien. Je leur ai installé un escabeau pour qu’ils grimpent mon muret, mais ils n’ont pas fait attention et ont bousillé toutes mes fleurs. » Un détail anecdotique peut-être, mais qui illustre le sentiment de Laurence : les gens, à travers les années, n’ont eu guère d’empathie pour le voisinage. Et ont parfois oublié que tout le quartier était lui aussi affecté par cette affaire monstrueuse.
« Il y a des Dutroux partout, mais ici il n’y en a plus.«
Concetta
Devant la façade de la maison Dutroux, on peut apercevoir une série de peintures d’enfants, de prairies, de fleurs et de maisonnettes. Un petit air d’Italie colorée. Cette explosion de couleurs et de bons sentiments est signée Concetta Giamba. Elle s’est mariée en Italie. Mais quand ses parents sont venus en Belgique, elle les a suivis. Depuis près de cinquante ans, elle vit à Marcinelle. Sa maison a vu grandir ses enfants et voit aujourd’hui grandir ses petits-enfants.
Le temps de nous accompagner de chez elle à ses réalisations, elle salue un voisin, et entame une discussion avec un autre. « J’ai eu l’idée juste après l’affaire Dutroux de donner un peu de couleur au quartier. Alors j’ai proposé à la commune de peindre les murs qui séparent la rue des chemins de fers. Ils m’ont dit de d’abord faire un essai sur une partie du mur et qu’ils viendraient voir si je peux prendre plus d’espace. » C’est ainsi que la sicilienne entretient ces murs depuis des dizaines d’années. « J’aime bien entretenir le quartier. Je pense qu’il mérite qu’on prenne soin de lui. J’ai peint des ailes d’anges et des bouquets de fleurs pour Julie et Mélissa. C’est important de rendre le quartier vivant », explique-t-elle avec conviction. Pour elle, le passé est le passé, et il faut avancer sans rien oublier. « Il y a des Dutroux partout, mais ici il n’y en a plus. J’aime voir les jeunes jouer au ballon dans la rue, ça montre que nous avançons. »