Covid et crèches : on ne laisse pas bébé dans un coin

Comment les milieux d'accueil de la petite enfance s'organisent-ils alors que le variant Omicron fait s'affoler les courbes de contaminations au Covid-19 ? Depuis bientôt deux ans, dans cette petite crèche wallonne, le gel hydroalcoolique
tutoie tant bien que mal les doudous et les tétines. En toute discrétion. Reportage.

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Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

Comment les milieux d’accueil de la petite enfance s’organisent-ils alors que le variant Omicron fait s’affoler les courbes de contaminations au Covid-19 ? Depuis bientôt deux ans, dans cette petite crèche wallonne, le gel hydroalcoolique
tutoie tant bien que mal les doudous et les tétines. En toute discrétion. Reportage.

Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

Charlotte est arrivée tôt ce matin. Elle a Nancy, la puéricultrice, rien que pour elle. On est mercredi ; il n’y aura pas beaucoup d’enfants. Quand même, il fait encore noir et Charlotte en profite pour être prise dans les bras, à volonté. Des jumeaux arrivent, Lucien et Oscar. Leur papa les embrasse avec son masque. Sa compagne n’est pas là. L’ONE (Office de la Naissance et de l’Enfance) recommande que seul un parent se déplace à la crèche depuis la recrudescence de la pandémie.

Françoise Marthoz, la directrice de la crèche a reçu de nouvelles instructions le 29 novembre. Selon elle, les mesures pour les écoles, primaires comme secondaires, on les connaît. On les entend à la télévision ; on s’en enquiert. « Par contre, pas un mot sur les crèches lors du dernier CODECO (ndlr : du 3 décembre) ». Pour l’accueil des tout petits, les parents comme le personnel se perdent parfois dans des protocoles qui ne paraissent pas s’adapter à de si jeunes enfants.

Cajoler et distancer

Lucien s’élance dans les bras d’Alexandra, sa puéricultrice préférée. Oscar reste dans le vestibule, accroché au pantalon de travail de son papa. Ce dernier s’en va. Alexandra baisse son masque, sourit.

Le masque, les puéricultrices ne sont tenues de le porter que pour accueillir les parents. Valérie attrape Elliot qui rampe par terre. Elle explique que ce masque, finalement, il dérange assez peu les enfants. « Ils arrivent à lire le visage même si on n’en voit que la moitié. Les yeux parlent aussi« . Non, ceux qui étaient réticents à le voir porté par les puéricultrices, « c’était les parents« .

Câlins et bisous, qui font partie du métier, sont maintenant à éviter. Une recommandation difficile à appliquer concrètement. Gill se met à pleurer, parce que Lizzy lui a roulé sur les doigts avec son trotteur. Alexandra réconforte la blessée. Cela passe forcément par un baiser.

Alexandra, visage découvert, console Gill.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

Dans l’autre pièce d’accueil, Céline, qui travaille dans les deux espaces, console Anyssa qui pleure aussi. Puisqu’elle va et vient entre les salles de jeu, Céline porte le masque. Elle ne s’en formalise pas. Si elle peut éviter d’attraper le Covid, c’est pas plus mal. « La crainte reste de ramener le virus à la maison. Parce que les jeunes enfants s’en fichent de maintenir une distance d’1m50 entre eux« , rappelle Nancy.

« La crainte reste de ramener le virus à la maison. Parce que les jeunes enfants s’en fichent de maintenir une distance d’1m50 entre eux »

On teste très peu des enfants si jeunes. Les bébés ne tiennent pas en place, se débattent et, comme le rappelle Françoise Marthoz, « le dépistage par le nez peut se révéler fort invasif pour un jeune enfant« . Alors, le personnel est à l’affût du moindre nez qui coule, de la petite toux qui ne passe pas. Vanessa pose sa main sur le front de Maho. Hier, il n’était pas très en forme, puis il n’a rien mangé à midi. L’inquiétude de déceler un symptôme est permanente. « Avant, un enfant qui avait de la température n’était pas si alarmant« , constate Lucie. Sans la possibilité d’un test au résultat limpide, chaque enfant est potentiellement contagieux.

Céline, employée polyvalente, jongle entre les enfants et le travail administratif.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

Des couches de contraintes

Les avis divergent parfois. Le pédiatre pense que l’enfant cas contact n’est pas susceptible de transmettre le virus. L’ONE quant à elle, recommande de garder le bébé à la maison. Les jeunes parents sont angoissés, vite alarmés mais n’ont parfois pas d’autre choix que de confier leur enfant, même un peu souffrant, lorsqu’ils sont attendus au travail. Le milieu d’accueil se retrouve à composer avec les règles et contraintes de chacun.

Dans l’espace dédié à l’hygiène des petits, le gel hydroalcoolique tutoie les thermomètres pour contrôler la température des enfants. Nancy ne se défait pas de son masque, bien qu’elle ne soit pas contrainte à le porter. On redouble de précautions.

Thermomètres et gels hydroalcooliques sont les armes de prédilection des puéricultrices.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)
Nancy ,dans l’espace sanitaire, change la couche de Maho.
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Dans l’espace jeux, Valérie, sans masque, est assaillie par 4 têtes blondes.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

Malgré les précautions, certaines puéricultrices attrapent le virus et doivent être écartées. Il y a de cela un mois, Marylène, la cuisinière, avait été testée positive. Il fallait que la cantine tourne : tous les plats sont préparés sur place, le jour même. Si aujourd’hui Marylène est guérie, elle reste sur ses gardes. Son mari est âgé et hospitalisé, hors de question de se faire transmettre le covid d’un enfant asymptomatique. Elle prépare du choux avec Laura qui l’assiste en cuisine. Les deux femmes portent le masque toute la journée. Elles ne sont en contact avec les petits qu’à l’heure des repas. À midi, Marylène dispose les desserts, des portions de grenade, sur un petit chariot. Elle se tient derrière la barrière. Les puéricultrices par contre donnent la cuillère aux plus petits et se désinfectent les mains, « souvent, souvent« .

Marylène, masque sur le nez, prépare le repas de midi à base de légumes frais.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)
Paulette, puéricultrice, s’affaire au moment du repas de midi.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

La pandémie a entraîné des préoccupations nouvelles dans les espaces d’accueil d’enfants. Entre mesures, instructions, recommandations et difficultés à faire respecter les distances sanitaires avec de si jeunes hôtes, les puéricultrices et les directions de crèches subissent aussi les aléas d’une gestion d’épidémie qui avance à petits pas. Le personnel rappelle que l’important, dans une période si cruciale pour le développement des enfants, est que le covid passe presque inaperçu pour les pensionnaires des crèches.

C’est l’heure du goûter. Lucie et Valérie donnent la becquée à Adonis et Roméo, Françoise Marthoz téléphone à une maman.
Photo: Philomène Raxhon (CC BY NC ND)

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