Chroniques d'un cordon sanitaire qui se desserre

Alors que l'extrême-droite progresse, son confinement médiatique en Belgique est en débat

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Alors que l’extrême-droite progresse, son confinement médiatique en Belgique est en débat

Exception belge francophone, le cordon sanitaire a permis de contenir la montée de l’extrême-droite. Pourtant, il est aujourd’hui sous pression. Lors d’une semaine d’atelier dédié au traitement journalistique de l’extrême-droite, la rédaction de Mammouth s’est penchée sur différentes facettes d’une réalité politique mouvante.

Au 18e siècle, le cordon sanitaire désignait une ligne de contrôle mise en place pour empêcher la propagation d’une maladie contagieuse, comme la peste ou le choléra. Il pouvait s’agir de troupes ou de barrières physiques disposées autour d’une zone contaminée afin d’éviter que le mal ne se répande. L’expression est désormais surtout connue pour évoquer une stratégie d’isolement d’un parti ou d’un courant jugé “toxique” pour la démocratie. En Belgique, le cordon sanitaire est à la fois politique (pas d’accord de coalition avec des partis d’extrême-droite) et médiatique (dispositions pour éviter la prise de parole en direct). Aujourd’hui, cependant, alors que l’extrême-droite progresse, les rangs semblent moins serrés pour contenir la diffusion de ses idées.

Dans une interview au Soir, début octobre, le président du PS, Paul Magnette, faisait le constat que le cordon sanitaire était « vidé de son sens« . En ligne de mire, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, qui n’hésite pas à relayer fréquemment sur les réseaux sociaux des prises de position de membres de l’extrême-droite. L’intéressé n’avait pas encore répondu publiquement et nous l’avons sollicité. Il lance une attaque en règle contre le cordon sanitaire médiatique, en estimant que « nous empêcher de débattre contre le Vlaams Belang est un non-sens« . Voyez le reportage de Juliette Castiaux et Gloria Kamba.

Du côté néerlandophone, si le cordon sanitaire politique est sous pression, son volet médiatique n’existe tout simplement pas. Les représentants du Vlaams Belang sont donc invités à débattre sur les plateaux de télévision, comme ceux des autres partis. Comment les jeunes journalistes flamands apprennent-ils à couvrir l’extrême-droite ? Y a-t-il une précaution particulière face à des partis dangereux pour la démocratie ? Pierre Maeyens et Anne Mettlen ont traversé la frontière linguistique pour le savoir.

Les idées d’extrême-droite se répandent aussi en dehors de la scène politique au sens strict. Elles peuvent également progresser à travers des influences moins connues, comme la « guérilla juridique » qu’entend mener, depuis la Belgique, le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin. Alexis Vercruysse l’explique dans cette vidéo.

Les idées d’extrême-droite peuvent aussi se manifester de façon plus discrète, à travers des signaux compris par les seuls intéressés, les fameux « dog whistle », notamment dans le domaine de la mode. Marie Van Hertsen le montre dans son article sur ces marques qui sont plébiscitées par l’extrême-droite pour les messages codés qu’elles sont censées contenir.

Le racisme décomplexé se donne à voir tous les jours sur les réseaux sociaux. Les groupes « nostalgiques » sur Facebook, notamment, sont emplis de commentaires visant des catégories de population. Marie Beeckmans a voulu savoir si, au café du coin, la parole s’était aussi libérée. Spoiler: oui. En promenant son micro ouvert dans des cafés pour évoquer le Bruxelles d’antan, il n’a pas fallu longtemps pour entendre des commentaires racistes, voire des injures. Après mûre réflexion, nous avons décidé de ne pas diffuser son reportage afin de ne pas donner de visibilité

Si l’extrême-droite fait l’objet d’un traitement médiatique part, ce n’est pas uniquement à cause du racisme et de la haine qu’elle véhicule. C’est aussi, voire surtout, en raison du risque qu’elle présente pour la démocratie, comme l’a montré l’histoire du XXe siècle. Pour cette raison, il est nécessaire de cultiver la mémoire des graves troubles politiques qui ont mené à à la prise du pouvoir des nazis, à la deuxième guerre mondiale à et l’Holocauste. C’est ce qu’on fait Émilie Mailleux et Loïc Bonte, en retraçant, dans un podcast, le parcours de Léon Degrelle et en proposant quelques points de comparaison avec la période actuelle.

Tous ces contenus sont issus d’une semaine d’atelier de journalisme politique, sous la conduite d’Eric Walravens.

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