Le parking de dissuasion a été abandonné, mais le financement européen « ne sera pas perdu », assure la ville de Namur
©️Anne Mettlen
Un parking de dissuasion de 350 places devait voir le jour à Erpent. Mais en juin 2025, après de premiers travaux de voirie, le projet est tombé à l’eau, faute de budget. Les fonds européens promis au projet pourront-ils être réalloués ?
3.782.511 euros. C’est ce qui était prévu par le projet FEDER du P+R d’Erpent pour construire ce parking de délestage. Le FEDER est l’un des principaux programmes de financements européens de l’Union européenne afin de réduire les inégalités économiques et sociales entre les différentes régions européennes. Problème : l’idée du parking est pour le moment en suspens, faute de moyens financiers pour renforcer l’offre de bus. La Ville de Namur a alors introduit une demande de réaffectation de ces près de 4 millions d’euros. Elle souhaiterait poursuivre le plan de mobilité douce grâce à cette enveloppe FEDER.
“Le financement européen ne sera pas perdu, mais réorienté”
Chez les Engagés, Pierre-Yves Dupuis, échevin de la mobilité de la ville de Namur, affirme qu’il ne s’agit que d’une réorientation du projet. Pour lui, pas de quoi s’inquiéter d’un retrait de ces fonds européens, d’autant plus qu’un accord de principe a été signé avec le Gouvernement wallon.
Toujours chez les Engagés, François Desquesnes, ministre wallon de la Mobilité, soutient ces propos et précise : “La demande (de réallocation de ce projet FEDER) va être soumise au comité d’accompagnement du portefeuille de projet et puis présentée au Gouvernement wallon pour décision. Le financement européen ne sera donc pas perdu mais réorienté.” Il ajoute que le marquage provisoire pour les cyclistes sera bientôt réalisé de manière définitive et qu’il sera à charge de la SOFICO qui gère la N4.
Dans l’opposition, Éliane Tillieux, conseillère communale pour le Parti socialiste à la Ville de Namur, explique que la réallocation du projet FEDER doit passer par le gouvernement wallon. Elle se demande ce qu’il va advenir de ces millions d’euros prévus via le FEDER et s’ils pourront effectivement parvenir à la ville de Namur. “Si ce n’est pas le cas, ce sera une perte sèche de moyens financiers pour la Ville de Namur.”
“On a fait les choses complètement à l’envers !”
Éliane Tillieux critique aussi le déroulé du projet en général. Pour elle, il aurait fallu commencer par s’assurer de la capacité financière d’un renfort de l’offre de bus avant de démarrer les travaux de voiries. “La navette n’est pas du tout promise par les TEC et on est déjà en train de poser une infrastructure qui coûte. Donc on a fait les choses complètement à l’envers !”
François Desquesnes précise que des calculs financiers avaient bien été effectués. Le problème est qu’ils ne permettaient pas de garantir une capacité financière sur le long terme. “La décision de lancer ce projet avait été prise par mon prédécesseur, sur la base d’un Contrat de Service public du TEC qui reposait sur une trajectoire budgétaire indicative, donc sans garantir les moyens financiers nécessaires au TEC. C’est une situation que je regrette.”
Philippe Henry, ancien ministre wallon de la Mobilité d’Ecolo, rappelle que, dans le cas du P+R d’Erpent, la Région wallonne et la ville étaient candidates aux financements européens. Elles s’engagent donc dans un plan budgétaire sur le long terme. “C’est à chacun d’assumer sa responsabilité. Après, si la ville change d’avis ou si la région change d’avis, forcément, ça met à mal le projet.”

“C’est un choix d’orientation budgétaire par le gouvernement.”
Philippe Henry souligne également le fait que le financement des transports en commun est un choix politique. “On ne va pas avoir une rentabilité des lignes. Ça veut dire que, si on veut offrir aux citoyens du transport en commun qui fonctionne, il faut le financer. Et donc c’est un choix d’orientation budgétaire par le gouvernement.”
Quoi qu’il en soit, le covid est passé par là… et n’a rien arrangé aux crises financières en Belgique. C’est un autre élément pouvant expliquer la suspension du projet du P+R. À l’heure actuelle, la ville de Namur fait face à un déficit budgétaire de 30 millions d’euros. Impossible donc pour elle de proposer son aide financière au TEC. Le TEC, lui, n’est pas non plus en mesure d’assurer le coût des navettes supplémentaires pour faire la liaison entre le parking d’Erpent et le centre-ville de Namur. Notons que la ville de Namur va mettre fin à son investissement de 365 000 euros par an en mai 2026 pour les navettes du P+R de Bouge, faute de moyens.
“On fait d’autres liaisons qui sont connexes”
Le nœud du problème est donc le manque de budget. Tant que l’argent n’est pas là, l’offre de bus ne pourra pas être renforcée et le P+R ne pourra pas voir le jour. François Desquesnes explique. “Pour espérer de meilleurs résultats, sans en être certain, il faudrait nettement plus de bus. Or, la situation budgétaire de la Wallonie ne le permet pas. L’analyse de l’OTW (ndlr : le TEC) est sans appel : sans moyens supplémentaires, il n’est pas possible, à court terme, d’augmenter la fréquence des bus vers le plateau d’Erpent. Dans ces conditions, le P+R restera sous-utilisé et ne remplira pas sa fonction.”
Pour Pierre-Yves Dupuis, le chantier du P+R s’est arrêté à temps parce que le parking n’a pas encore été construit. L’argent a été utilisé jusqu’à maintenant pour le développement de la mobilité douce. D’autres investissements sont encore prévus à ce niveau-là, comme l’explique l’échevin de la mobilité. “On fait d’autres liaisons qui sont connexes et qui ont tout leur sens pour apaiser tout ce plateau d’Erpent. Et on va même plus loin en faisant une liaison complète Namur-Assesse en cyclopiétons, ce qui était aussi dans nos projets, avec des fonds FEDER qui arrivent ici, puisque le P+R est en suspens.” Rendez-vous donc dans quelques années pour voir si ces investissements auront porté leurs fruits.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un atelier de journalisme politique, en partenariat avec le quotidien L’Avenir. Il a été également publié sur le site de L’Avenir.

