Après la nuit

Au Café Monde, à Louvain-La-Neuve, les réfugiés trouvent un accueil au-delà du seul hébergement

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Au Café Monde, à Louvain-La-Neuve, les réfugiés trouvent un accueil au-delà du seul hébergement

Il y a dix ans naissait à Bruxelles la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés, connue sous le nom de BELRefugees, en réponse à la mauvaise gestion de l’accueil des demandeurs d’asile en Belgique. Quelques années plus tard, en juin 2023, le Café Monde ouvrait ses portes à Louvain-La-Neuve.

Situé en plein centre, il offre aux migrants qui le souhaitent un espace pour souffler, se reposer, rigoler, jouer, discuter, se restaurer… après la nuit. Cet espace ouvert et solidaire privilégie la rencontre, la création de liens, le partage entre personnes de différentes cultures. Il est sans frontières. Anne-Catherine De Nève, coordinatrice de l’antenne du Brabant-Wallon de BelRefugees, se désole : « en Belgique, il existe bien peu d’initiatives pour pousser l’accueil des migrants au-delà de l’hébergement. » En créant le Café Monde, elle a voulu répondre à ce manquement.

Ici, les sourires rendent l’atmosphère agréable. La cuisine, partiellement élaborée à partir d’invendus de fruits, de légumes et de pain, dégage des odeurs de bien-être, de chez-soi. Le Café Monde n’a pas pour vocation de générer de profit. Il fonctionne selon un modèle de participation libre aux frais, tout le monde est le bienvenu, en contribuant selon ses moyens.

Au fil du temps, il est aussi devenu un lieu d’accompagnement social qui propose divers services : assistance sociale et juridique, cours de français et consultations psychologiques. Son fonctionnement repose sur l’engagement d’une quarantaine de bénévoles, épaulés par Anne-Catherine De Nève, seule salariée de l’équipe.

En somme, le Café Monde facilite les contacts entre des personnes présentes dans la région sans grande chance de se croiser : habitants du Brabant wallon, étudiants, sans-abri, migrants…

Dans ce petit lieu, de grandes histoires se croisent et de nombreux liens se créent.
Les visiteurs et les bénévoles se reposent, jouent, mangent ou travaillent dans un même espace. Tout le monde a la même place, la même importance.
Le Café compte une quarantaine de bénévoles. Deux à trois fois par semaine, Seleh fait partie de l’équipe. Ce matin, il va acheter les pommes qu’il manque pour faire son “quatre quart habituel”. Dans l’Esplanade, il n’hésite pas à se plaindre du nouveau gouvernement : “tout sera encore plus compliqué qu’avant”, confie-t-il.
Seleh est apatride, il vient de l’île d’Abumusa, entre les Émirats Arabes Unis et l’Iran. Cela fait six ans qu’il attend de recevoir des papiers.
Youness est Soudanais, ici, il fait partie des meubles. Il participe au projet depuis ses débuts. Comme la plupart des bénévoles, il attend toujours ses papiers. Cela fait déjà trois ans.
Chaque samedi, un repas de midi est prévu. Mille parfums s’entremêlent, les bénévoles profitent de l’occasion pour faire goûter les saveurs de leurs pays.
Au menu pour aujourd’hui : houmous, soupe de lentilles, geema et kolau. Tout est prêt à être servi, les clients n’ont plus qu’à arriver.
Hibiki est étudiant à Tokyo. Il a profité des vacances d’été de là-bas pour faire du volontariat ici. Il voulait faire des rencontres, nouer des liens. C’est chose faite : le voilà maintenant membre de la grande famille internationale des bénévoles du Café Monde. Il a entendu parler de BelRefugees et du Café via une plateforme en ligne de programmes interculturels : AFS.
Entre deux parties de dominos, Daniel se replonge dans son rôle de bénévole. En fond sonore : le bruit des dominos que ses amis continuent d’abattre sur la table de jeu. Pas de temps à perdre !
La musique berce le café dès l’heure d’ouverture. Les découvertes sont infinies, la playlist a des airs de tour du monde.

Il n’y pas d’âges pour franchir la porte de ce petit coin de paradis, ce petit espace de tranquillité. Il n’y a pas d’âges non plus pour faire des rencontres. Les jeux de l’armoire suffisent à faire le pas.

Tout se partage et se fait ensemble : les plats du samedi midi comme les activités féministes du jeudi soir. Au milieu de tout, les jeux de domino continuent de régner en maître sur les petites tables rondes.

Youness et Hibiki profitent du temps de midi des étudiants pour aller leur distribuer des tracts du Café Monde. “C’est bien pour l’exercice”, me dit Youness avant de faire les cent pas, hésitant, timide.
Parmi les bénévoles, Bénédicte joue un rôle clé. Quelques fois par semaines, elle donne des cours de français pour débutants. Dans une toute petite pièce transformée en salle de classe se mélangent Érythréens, Gazaouis, Yéménites et Soudanais. Au programme : les voyelles, puis l’inspiration du moment et les envies de chacun prendront le relais.
D’une pierre deux coups : pour certains, le cours de français est aussi un cours d’anglais. Apprendre deux langues en même temps ne facilite rien mais détend l’atmosphère, tout le monde participe, tout le monde s’entraide. Quelques élèves assistent au cours depuis longtemps, bientôt ils pourront rejoindre un cours d’un niveau supérieur.
Mohammed reste le plus proche possible de chez lui, à Gaza. Son téléphone ne le quitte pas, sa famille et ses amis non plus. Quand il est n’est pas en appel, il me montre les photos de sa galerie : beaucoup de filles, beaucoup de selfies, et puis beaucoup de photos “pour se souvenir”. Sa ville transformée en champ de ruines, son père mort, son frère mort…
Douze migrants partagent cette villa de Louvain-La-Neuve. Sous des airs heureux et une ambiance joviale se cache beaucoup d’inquiétude. “Qu’est ce que je ferai quand je devrai partir ?” demande Mommin, un Gazaoui qui n’est là que depuis la veille. Ici, les résidents ne sont que de passage, six semaines maximum.
Au milieu de la foire des kots-à-projets de l’UCLouvain, Abad, un des habitants de la villa, arbore fièrement son drapeau. Avec les autres, il crie: “Free, Free Palestine !” Des passants leurs répondent en criant plus fort, et leurs sourires grandissent jusqu’aux oreilles. Il n’y a plus que de la fierté dans leurs yeux, et de l’espoir.

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