À Saint-Gilles, on sème le changement

Chaque jour, la cellule de végétalisation urbaine travaille avec la population pour rendre l’air urbain un peu plus respirable et ses rues plus belles, une plante à la fois.

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Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Chaque jour, la cellule de végétalisation urbaine travaille avec la population pour rendre l’air urbain un peu plus respirable et ses rues plus belles, une plante à la fois.

Photo : Lucas Fu (CC BY NC SA)

Avec son sac-à-dos bleu et son pull à capuche gris, Jean-François marche d’un pas décidé vers le square Gérard Van Caulaert. Il arpente les rues comme si elles lui appartenaient. Malgré la bruine, il ne s’encapuchonne pas, ce qui laisse apparaître son épaisse crinière grise assortie à sa barbe de quelques jours. Sur le chemin, de nombreuses façades arborent une plante grimpante avec fierté. Certaines sont plus développées que d’autres. « Parfois elles meurent et on doit les remplacer. En revanche on ne plante plus les glycines qui sont trop invasives », commente Jean-François qui connaît ses plantes par cœur. De fait, il est responsable de la cellule de végétalisation urbaine depuis presque huit ans.

Une des plantes grimpantes placée par la cellule.

À l’entrée du square, des parterres de fleurs complimentent des micro-jardins, débordant de vie. « On a tout refait ici, il n’y avait pas grand-chose. » La place elle-même arbore des jardins partagés en son centre, aussi jolis. qu’ils sont petits. L’une des parcelles est accessible en traversant un portail en bois surmonté d’une voûte métallique. Le changement d’ambiance est immédiat. Les arbustes et buissons touffus forment un linceul de verdure, si bien que l’on s’imaginerait presque en forêt.

Donner un nom aux plantes pour leur donner de l’importance.

Un potager insoupçonné

Quelques mètres plus loin, après avoir traversé un portail en métal noir, apparaît un grand jardin, confortablement blotti entre une dizaine d’immeubles. Poires, kiwi, roses, fraises, herbes aromatiques et arbustes aux noms latins sont élevés ici.

Les grands immeubles dominent le carré de verdure.

D’une des deux serres émerge un grand gaillard souriant, avec une riche barbe brune et un béret gris. D’imposants tatouages sur ses chevilles dépassent de son jean trois-quarts. « Ce sont des plantes, une pour chaque saison », lance Olivier. « Il a même les animaux qui vont avec », ajoute Jean-François.

Olivier s’occupe de la pépinière « La Pousse qui Pousse » à plein-temps. À travers une ASBL qui chapeaute le jardin, elle est en partie subventionnée par la commune. Ici sont entretenues des plantes adaptées au climat saint-gillois et on y trouve le nécessaire pour s’en occuper, comme des contenants et du terreau. Les bénéfices de la petite exploitation servent à payer les employés.

Dans une des deux serres, de nombreux jeunes plants de fraises profitent du climat plus doux dans des petits pots individuels. Olivier en prend un qu’il dépote : « Regarde, elles prennent bien hein ? », dit-il en montrant les racines qui dépassent timidement du terreau.

À l’extérieur, une tonnelle arbore fièrement le nom et le logo de la commune. Elle protège deux longues tables et bancs en bois. C’est la zone où l’ASBL organise des ateliers : « On apprend à faire des boutures avec les jeunes du quartier. Ils en sont très contents parce qu’ils se disent que leurs plantes vont décorer leur commune ! »

Le cerveau de l’opération

Toute l’organisation se passe dans un petit bureau rue Fontainas, à cinq minutes de la Porte de Hal. Ici, règne un étrange mélange entre matériel de bureautique et de jardinage. Les sachets de graines côtoient les tasses de café et les claviers d’ordinateur font connaissance avec les gants de jardinage. Aucun doute, ce bureau appartient bien aux « Saint-Gilliculteurs ».

 « Il y a trois personnes d’habitude, mais une est en télétravail. », précise Jean-François. Sa tâche ? Il chapeaute toute l’organisation de la cellule. Présent avec lui, Raphaël. Habillé d’un chapeau feutre et d’un pantalon de jardinage kaki, c’est l’un des jardiniers de la commune.

Cette cellule, c’est un service offert à la population pour réintroduire la nature dans la ville. Concrètement, les habitants peuvent solliciter la cellule pour placer une plante grimpante sur leur façade. L’équipe de Jean-François en a déjà plantées 540 à la demande des habitants. Autre initiative : la création de microjardins aux pieds des arbres. Sur 1000 pieds d’arbres dans la commune, plus de 225 ont été aménagés en jardins.  « L’idée principale est de mobiliser les habitants et de favoriser la cohésion sociale », explique Raphaël. « Cela leur permet de prendre conscience du peu d’efforts nécessaires pour que les choses changent. »

Un climat désertique

Entouré de divers plans de la commune, Jean-François révèle les motivations derrière le travail de la cellule : « Saint-Gilles est étanche à l’eau à 87% : elle ne retient pas l’eau qui part dans les égouts alors qu’il faut qu’elle parte dans le sol. Nous sommes donc partis dans un mouvement de débétonisation pour que l’eau parte dans la terre sinon, dès qu’il cesse de pleuvoir, il fait sec ». Preuve à l’appui, il place son hygromètre dehors pendant une heure : 30% d’humidité alors qu’il a plu le matin même. « Ce taux doit se situer entre 40 et 60%. » Un climat désertique qu’il compare au sud de la France en plein été, à la seule différence qu’ici, c’est le cas peu importe la saison. « Beaucoup de bébés et de personnes asthmatiques ont des bronchites ou des rhumes… pas besoin d’être médecin pour comprendre. »

Il existe donc un vrai problème de santé publique. Ce n’est pas que de l’esthétique ou du social. « Si on veut agir pour transformer la planète, c’est maintenant et avec de vraies actions. Les plantes seront nos meilleures alliées pour survivre à ce siècle », conclut-il d’un ton solennel.

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