Malgré ses efforts, la commune de Lincent peine à attirer des généralistes
©Loïc Bonte
Des cabinets flambant neufs, mais pas de médecin pour y exercer. À Lincent, les habitants attendent depuis deux ans un généraliste qui ne vient pas. Symbole criant du malaise qui touche la médecine de proximité en Wallonie, où certaines communes rurales peinent à attirer le moindre praticien.
Idéalement située entre Bruxelles et Liège, le long de l’E40, Lincent compte plus de 3300 habitants mais aucun médecin généraliste. Une situation qui perdure et devient préoccupante. Avec l’augmentation de la population locale, le manque de médecin se fait de plus en plus sentir.
Les citoyens de Lincent doivent parfois parcourir entre 15 à 20 kilomètres pour obtenir une consultation médicale. C’est le cas de Sandrine qui a décidé de passer la frontière linguistique pour avoir un rendez-vous médical: “comme nous n’avons pas de médecin traitant à proximité, je dois aller chez un médecin néerlandophone pour être soignée. Pour certaines personnes, la barrière de la langue, c’est vrai, peut être un problème”.
Des bâtiments neufs… mais à quel prix ?
Depuis 2023, année de retraite du dernier médecin lincentois, la commune espère retrouver une nouvelle personne pour le remplacer. Or, il n’y a pas de candidat. Le CPAS de la commune a fait appel aux services du Centre hospitalier chrétien (CHC) pour pourvoir Lincent de deux nouveaux cabinets.

Pour ce faire, l’hôpital a avancé la somme de 90 000 euros que les autorités locales se sont engagées à rembourser sur les sept prochaines années.
“Nous avons une population qui augmente, il faut pouvoir offrir une médecine de proximité à tout le monde”
Marie-Anne Paque présidente du CPAS de Lincent
Selon Marie-Anne Paque, présidente du CPAS (Les Engagés), la difficulté réside aussi dans la communication et dans la manière de faire connaître le projet. La commune n’a pourtant économisé ni son temps ni ses peines pour faire circuler l’information : communiqués et articles de presse, petites annonces sur les sites immobiliers et même un appel relayé par l’Université de Liège (ULiège), transmis aux étudiants fraîchement diplômés de la faculté de médecine. Un professeur de l’Université n’aura pas manqué de souhaiter ironiquement à la présidente du CPAS, bon courage à la commune de Lincent, étant parfaitement conscient de la difficulté de trouver de nouveaux médecins.

Comment expliquer le désert médical ?
Selon l’Agence wallonne pour une Vie de Qualité (AVIQ), un désert médical consiste à avoir moins de 90 médecins pour 100 000 habitants, ce qui fait un médecin pour 1111 patients.
Une réalité qui inquiète aussi bien les patients que les professionnels de santé.
Le docteur Xavier Bleser, président de la Société de Médecine de Waremme (ville située à 22 kilomètres à l’Est de Lincent) et Environs, explique que pour résoudre cette problématique, il faudrait rendre le métier plus attrayant, notamment en privilégiant la formation de médecins généralistes par rapport aux spécialistes.

De plus, les médecins craignent les déserts médicaux : pour un jeune diplômé, se lancer seul dans ce désert (que ce soit à Lincent ou ailleurs) se traduirait par une surcharge de travail. C’est ce que veut dire le Docteur Bleser lorsqu’il affirme qu’arriver seul à Lincent, pour un médecin, revient à “mourir”. Pour éviter cette situation, il faudrait s’y installer à plusieurs en vue de diviser la charge de travail. C’est ce qui a été le cas à Berloz.
“Pour un médecin, aller à Lincent tout seul, c’est pour aller mourir”
Docteur Xavier Bleser
Une voie sans issue ?
En effet, non loin de Lincent, une autre commune a été confrontée à un manque de médecins avant de sortir de l’impasse. Berloz, en quelques mois, en a vu débarquer quatre. En arrivant environ au même moment, ces généralistes ont pu éviter le surplus de patients et se les répartir plus ou moins équitablement. Le Bourgmestre Alain Happaerts (Les Engagés) parle d’un coup de chance d’avoir vu arriver ces médecins simultanément.
La commune lincentoise a, de son côté, pu intéresser un kiné ainsi qu’un psychothérapeute. Marie-Anne Paque précise que “les priorités de Lincent, voire l’urgence, sont bien dans la recherche d’un généraliste sans pour autant fermer la porte à ces autres domaines dans le futur. Mais, ce que l’on n’a plus chez nous, ce sont des médecins généralistes”.
Reste maintenant à savoir si des locaux et du matériel tout récent feront pencher la balance et sauront convaincre.
L’inauguration des cabinets médicaux prévue le 17 octobre prochain permettra-t-elle d’entrevoir une lueur d’espoir et voir enfin arriver les généralistes tant attendus à Lincent ? Ce qui est sûr c’est que pour l’instant les cabinets ouvriront à vide pour une salle d’attente qui n’attend qu’à être remplie.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un atelier de journalisme politique, en partenariat avec le quotidien L’Avenir. Il a été également publié sur le site de L’Avenir.