Photo : Emile Herman
« S’adapter pour protéger les habitats naturels et les écosystèmes. » C’est l’un des objectifs poursuivis par la Belgique à la COP26. La bétonisation croissante du pays menace pourtant cette déclaration de bonne intention. A Gand, des étudiants occupent actuellement un bois, que l’université UGent veut raser pour construire de nouveaux kots.
Sven* est étudiant en psychologie à l’université de Gand. Depuis le 16 octobre, il a rejoint le mouvement « SterreBos Blijft ». Avec une quinzaine d’étudiants, il occupe le bois De Sterre que les autorités de l’UGent ont décidé de condamner, au profit d’un projet immobilier.
En ce début de soirée, il s’affaire à transporter des palettes qui serviront à agrandir le campement. « Cette forêt est dans les journaux depuis un certain temps maintenant. Il y a eu des protestations, beaucoup de gens ne voulaient pas qu’elle disparaisse, mais apparemment, cela n’a pas vraiment aidé. La déforestation était toujours à l’ordre du jour… C’est alors que nous avons commencé à nous organiser », nous confie-t-il après avoir déplacé les matériaux sur plusieurs mètres. Cette nuit, il occupera à nouveau les lieux. Il s’endormira dans son hamac, suspendu dans une cabane dans les arbres.
Une pétition à plus de 10.000 signatures
Si l’occupation étudiante attire aujourd’hui la curiosité des médias flamands, ce sont les riverains qui, dès le mois de septembre, ont réagi à la menace de bétonisation du bois. Amy et Tine habitent à quelques pâtés de maisons de la zone verte. Au cours des mois de confinement liés au coronavirus, elles se sont progressivement attachées au lieu. Celui-ci leur a offert la possibilité de se promener et de profiter d’une bouffée d’air frais.
Lorsqu’elles ont appris que le petit bois allait être rasé, elles n’ont pas hésité à se faire entendre. Elles ont commencé à récolter des signatures. « La pétition a été signée plus de 10 000 fois en une semaine. Donc c’était super. Et les médias l’ont vu, ils sont venus nous voir, ils voulaient plus d’informations à ce sujet… Grâce à cela, les organisations environnementales ont fait appel (de la décision de raser le bois, ndlr) ». En peu de temps, le cri du cœur des riveraines a donc raisonné et s’est amplifié. Elles sont parvenues à rallier des alliés de poids à leur cause, à l’image de l’agence gouvernementale « Natuur en Bos » qui s’est finalement opposée au projet de l’université.
La crise du logement en duel avec la crise climatique
La crise du logement est une réalité à Gand. Comme le souligne une étude publiée en mai 2021, les prix s’envolent sur le marché de l’immobilier. Rien que pour la rentrée de septembre, plus de 500 étudiants, dont 350 flamands et 150 internationaux, étaient toujours sur liste d’attente. Un déséquilibre se creuse, l’offre n’étant plus capable de répondre à la demande.
Julien Marbaix, étudiant en dernière année d’informatique, est porte-parole du conseil étudiant de l’UGent. En tant qu’ancien résident des logements universitaires gantois, il défend ces infrastructures qui constituent parfois la seule option financièrement viable pour certains étudiants. « C’est dommage que l’on doive couper les arbres. On comprend pourquoi il y a la polémique. Mais il y a une telle nécessité de logements étudiants que c’est nécessaire de construire le bâtiment ». Gwen, qui habite en face du bois condamné, a deux enfants qui rentreront bientôt à l’université. Elle est consciente du problème que Julien dénonce. Sa famille y sera peut-être exposée à l’avenir.
Malgré tout, elle regrette amèrement le dilemme cornélien qui l’oblige aujourd’hui à choisir entre les enjeux sociaux et environnementaux. « Je trouve ça un peu polarisant de mettre les deux crises en face l’une de l’autre. Je ne comprends pas cette logique. Il faut trouver des solutions pour les deux ». Mais à ce jeu des alternatives, les avis sont à nouveau divisés.
Quel plan B proposer ?
Avant de monter dans son arbre, d’éteindre la lampe torche et d’aller se coucher, Sven s’assure de terminer la discussion sur une note constructive. Même si ce n’est pas le rôle des étudiants de proposer des solutions, il souligne que « dans la ville, beaucoup de bâtiments appartenant au gouvernement sont vides. Et il y a aussi une alternative ici sur le campus lui-même. L’un des bâtiments est vide ».
De son côté, l’université est catégorique. Par écrit, elle souligne qu’«elle n’est autorisée à construire que sur son propre terrain ». Elle considère aussi que la disponibilité des transports et la proximité font du campus De Sterre le choix idéal. A défaut de présenter un plan B, UGent s’en tient donc à des mesures compensatoires. Elle s’est par exemple engagée à replanter des arbres dans deux communes en dehors de Gand. Cette solution est cependant jugée insuffisante par Amy et Tine qui, dans leur pétition, estiment que « la nouvelle forêt ne pourra offrir la même qualité de forêt à la zone environnante qu’après ±50 ans ».
Sans possibilité d’alternative, il faudra donc trancher. La balle est à présent dans le camp du gouvernement flamand et de la ministre de l’environnement Zuhal Demir.
*Pour préserver l’anonymat de cet intervenant, son nom a été modifié










