"J’aime considérer les squatteurs comme des urbanistes"

Thomas Dawance est architecte et sociologue de formation. Il est impliqué dans le mouvement des squats depuis le début des années 2000. Il a lui-même squatté pendant huit ans, entre 2000 et 2008, dans des squats historiques de la capitale, tels que le 123 et le Tagawa. Rencontre.

par

Photos : Salomé Lauwerijs

Thomas Dawance est architecte et sociologue de formation. Il est impliqué dans le mouvement des squats depuis le début des années 2000. Il a lui-même squatté pendant huit ans, entre 2000 et 2008, dans des squats historiques de la capitale, tels que le 123 et le Tagawa. Rencontre.

Photos : Salomé Lauwerijs

Squatter, c’est s’héberger ou c’est revendiquer ?

C’est un peu des deux. En s’hébergeant de façon illégale, on dénonce en même temps les injustices du néolibéralisme. Il y a des gens à la rue et des bâtiments vides. Les prix de l’immobilier grimpent. L’Etat produit de moins en moins de logements sociaux… J’aime considérer les squatteurs comme des urbanistes, qui, dans une logique de recycler l’existant, permettent de répondre aux besoins des gens en ville. Mais pas seulement à leurs besoins matériels, comme avoir un toit au-dessus de leur tête. Egalement à leurs besoins idéologiques.

Quels sont justement les idéaux qui sont présents au sein de ces microcosmes ?

On y retrouve souvent des idées égalitaires, inspirées du socialisme historique. Il y a également une volonté d’explorer les enjeux de décroissance, de circuit court, d’économie de la débrouille. On y retrouve aussi des dimensions féministes.

Il y a une volonté de sortir des cadres normatifs imposés par notre société. Ces cadres qui maintiennent les divisions de classes, les injustices. Le squat, au contraire, permet les rencontres et la création de solidarité entre des milieux qui normalement s’ignorent voire s’opposent. On retrouve en effet dans les squats des personnes issues de toutes les classes sociales. Des sans-papiers, des sans-abris, des personnes appartenant à la classe moyenne et même à la petite bourgeoisie.

Comment se passe cette vie en communauté en pratique, surtout dans des squats qui regroupent plus d’une soixantaine de personnes ?

Les squats deviennent à ce moment-là une réelle microsociété. On doit alors réinventer une microadministration, faire des PV, tenir des comptes, veiller à ce que tout le monde contribue… Tout cela peut être vécu comme de grosses contraintes. Mais c’est quand ces besoins apparaissent que naissent les idées les plus intéressantes.

Il faut alors se poser la question de comment ne pas reproduire les mêmes erreurs, les mêmes injustices que celles qui caractérisent notre société…

Exact. Comment faire autrement ? Comment éviter de stigmatiser, d’exclure, de créer des règles qui laissent sur le côté ceux qui ont le moins de moyens ? Selon moi, il faut trouver des moyens de gouverner, de s’organiser, qui impliquent tout le monde. Il faut recréer un lieu de parole, un lieu d’échange, un lieu de décision. Cela peut être très intéressant pour toute une série de gens qui n’ont jamais été consultés sur aucun de leurs choix. Cela permet de redonner une place à chacun et de donner du sens à cette microsociété. Le squat est une espèce de laboratoire d’expérimentation sociétale en soi.

Portrait de Thomas Dawance
Portrait de Thomas Dawance. Photo : Salomé (CC BY NC ND).

Nouveau sur Mammouth

« Sales gouines ! »
Éloquence : la parole aux jeunes
Trouver un kot à Bruxelles, mission impossible ?
Est-ce vraiment utile de voter aux européennes ?