Les crédits hypothécaires sur 40 ans 

Une bouffée d’air pour les jeunes ou un pari risqué ?

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Une bouffée d’air pour les jeunes ou un pari risqué ?

Acheter un bien immobilier devient un rêve de plus en plus difficile à concrétiser pour les jeunes Belges. Face à la hausse des prix, l’accès à la propriété s’éloigne. Les crédits hypothécaires sur 40 ans, récemment proposés par certains assureurs comme le groupe P&V, apparaissent comme une nouvelle solution. Une aide bienvenue ou un piège financier à long terme ?

Louis fait partie de ces jeunes qui rêvent d’acheter plutôt que de louer. Employé en CDI, il paie actuellement 1 000 euros de loyer par mois, une somme qu’il préférait investir dans son propre logement.

« Je suis allé voir deux banques différentes. Elles trouvaient mon projet réaliste, mais on me demandait un garant et un acompte beaucoup plus conséquent que ce que j’avais. »Louis avait pourtant un apport d’environ 10 %, ce qui correspond aux recommandations habituelles. Mais sa jeunesse et sa situation en solo ont refroidi les institutions.

Louis, 20 ans : « Je me suis senti peu pris au sérieux »

Un contexte immobilier tendu

Selon le baromètre des notaires 2025, le prix moyen d’une maison en Belgique atteint désormais 346 648 euros, soit une hausse de 5 % par rapport à 2024. La tendance est encore plus marquée en Wallonie, où les prix bondissent de 13 % pour atteindre 270 627 euros en moyenne. À Bruxelles, le prix moyen d’une maison dépasse les 576 000 euros, un niveau quasi inatteignable pour un primo-acquéreur isolé. En parallèle, les taux d’intérêt des crédits hypothécaires se stabilisent autour de 3 à 3,5 %, ce qui pèse lourd sur le budget des jeunes ménages.

Face à ces conditions, Louis il a mis son projet en pause. Pour lui, un crédit de 25 ans aurait été la solution idéale.

Selon Ilhan Celiker, courtier en crédits hypothécaires au sein de l’entreprise Cygo, le principal frein à l’achat pour les jeunes ne réside pas dans les prix élevés, mais dans les exigences des banques elles-mêmes.

Pour lui, le problème, ce sont souvent les demandes de garanties. Quand on est jeune, on n’a pas encore de patrimoine, pas toujours un contrat fixe, et peu de fonds propres. Or, les banques cherchent avant tout des clients solvables. 

Résultat : sans apport conséquent, souvent entre 10 000 et 30 000 euros, beaucoup de primo-acquéreurs voient leur dossier refusé.

Un nouveau produit sur le marché belge. 

Le groupe d’assureur coopératif P&V propose des crédits hypothécaires sur 40 ans avec des mensuels moins élevés. 

Pour Sarah De Wulf, responsable de communication chez le Groupe P&V, « l’accès à la propriété devient de plus en plus difficile, surtout pour les jeunes. Les prix sont élevés, les conditions de crédit strictes. Le crédit à 40 ans est une réponse à cette situation. » Le Groupe P&V est le seul acteur belge à proposer ce type de durée, dit-elle.

Les banques n’en proposent pas car elles sont pénalisées par les règles de Bâle III lorsqu’elles octroient des crédits très longs. Celles-ci fixent des règles internationales pour que les banques gardent assez de fonds et de liquidités afin de rester stables 

En tant qu’assureur, le Groupe P&V est soumis à d’autres règles, ce qui leur permet d’accorder un prêt sur 40 ans. Dès lors, les crédits au-delà de 30 ans sont un franc succès. Chez le Groupe P&V, ils concernent 74% des crédits octroyés en 2025.

Des mois plus légers, pour un coût total plus élevé

L’argument phare du crédit sur 40 ans est clair : des mensualités plus basses.
Pour un emprunt de 250 000 euros, la différence entre 20 et 40 ans atteint près de 500 euros par mois. Un écart qui peut permettre à de jeunes acheteurs de souffler un peu, voire de dégager une capacité d’épargne.

« Certains clients pourraient emprunter sur une durée plus courte, mais ils choisissent le 40 ans pour plus de confort », explique Sarah De Wulf. « D’autres n’ont simplement pas le choix : sans cette formule, ils ne pourraient pas acheter du tout. »

Mais ce confort a un prix car sur 40 ans, le total des intérêts payés est nettement supérieur. En moyenne, l’acheteur paie plus cher son bien à long terme, même si le taux est légèrement plus bas. 

Chez le Groupe P&V, pour un emprunt de 250 000 euros, la mensualité varie fortement selon la durée :

  • 20 ans : 1 423 € / mois à un taux moyen de 3,34%
  • 30 ans : 1 103 € / mois à un taux moyen de 3,41%
  • 40 ans : 934 € / mois à un taux moyen de 3,32%

(Les taux sont différents car il s’agit de taux moyens calculés sur tous les crédits déjà octroyés cette année pour la durée concernée).

Le calcul des mensualités fait d’après un simulateur de prêt hypothécaire, nous permet de constater qu’en allongeant de 20 à 40 ans, cela permet de gagner 489 euros par mois, mais de payer finalement 106 800 euros d’intérêts supplémentaires au total.
Autrement dit : le bien revient à près de 448 000 euros avec un crédit sur 40 ans. Comparé à environ 341 000 euros avec un crédit sur 20 ans.

C’est le paradoxe du prêt longue durée : plus accessible chaque mois, mais plus coûteux sur la vie entière.

Les risques : une flexibilité réduite et un engagement de toute une vie

Ilhan Celiker souligne que ces prêts ultra-long terme peuvent fragiliser tant l’emprunteur que la banque ou l’assureur qui le propose. Un crédit sur 40 ans réduit la capacité de rebondir en cas de changement de situation personnelle (séparation, déménagement, perte d’emploi, etc.).

Louis, lui, l’a bien compris : « Dans 25 ans, j’aurai 45 ans, ce qui me laisserait encore la possibilité de racheter ou d’investir dans autre chose. Sur 40 ans, ce serait me bloquer pour la moitié de ma vie. »

Les banques et assureurs ne sont pas à l’abri non plus : si les taux ou l’inflation évoluent défavorablement, la valeur de leurs garanties peut diminuer, ce qui accroît le risque pour eux.

Pour Anne Vansweevelt, économiste à Louvain la Neuve, « l’avantage, c’est de permettre aux jeunes de pouvoir avoir accès à une maison, avoir un bien. Et l’inconvénient, c’est d’être sur un prêt pendant toute sa vie et en espérant que la personne vive déjà jusqu’à la fin du prêt. Sinon, c’est presque un héritage négatif qu’on donne aux générations futures. »

Une solution de transition ?

Pour le Groupe P&V, le crédit sur 40 ans n’est pas une solution miracle, mais un outil supplémentaire pour répondre à la crise du logement.

« Il faut bien sûr évaluer chaque dossier. Le but n’est pas de compromettre la stabilité financière des emprunteurs », insiste Sarah De Wulf. « Mais pour certains, c’est la seule manière d’acquérir un bien plutôt que de louer toute leur vie. »

Louis, lui, reste prudent. En attendant d’avoir un apport plus solide, il continue de louer. « C’est un peu dommage de mettre mon argent dans un loyer, mais au moins, je garde ma liberté. »

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