Tedesco parti, Garcia arrivé, et Courtois de retour. Après 21 mois d’absence, marqués par des tensions avec l’ancien sélectionneur, le gardien du Réal Madrid retrouvait enfin les Diables Rouges la semaine dernière. Son come-back divise, tant l’attitude du portier n’a pas plu à tous. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’est pas déroulé au mieux.
En se retournant pour le troisième fois, jeudi 20 avril, sur un goal d’Illia Zabarnyi qui scellait la déroute des Diables rouges contre l’Ukraine, Thibaut Courtois s’est peut-être demandé s’il avait bien fait de revenir en équipe nationale. Beau joueur, il déclarait après le match que “parfois, c’est bien de prendre une défaite comme celle-là pour se réveiller dimanche.” L’avenir lui a donné raison… même s’il n’était pas sur le terrain pour la remontada à Genk, victime, selon l’Union belge, d’une surcharge musculaire. Bref, ce retour avec l’équipe nationale n’aura pas laissé un souvenir impérissable au gardien du Réal.
Deux ans plus tôt, le 17 juin 2023, Courtois disputait ce qui serait son dernier match avec la sélection avant longtemps. Déçu par le manque de considération de la fédération belge et par la décision de Domenico Tedesco d’attribuer le brassard de capitaine à Romelu Lukaku, le portier du Réal Madrid choisit de quitter le groupe deux jours plus tard. Une conférence de presse est immédiatement prévue et Domenico Tedesco ne fait pas dans la dentelle : “On avait décidé que Romelu serait capitaine contre l’Autriche et Thibaut contre l’Estonie. C’était OK. Après le match, il s’est senti offensé de cela. Je suis surpris et choqué. Une blessure ? Ça serait facile pour moi de dire qu’il est blessé. Mais ce serait un mensonge de ma part.” Dans la soirée, Thibaut Courtois lui répond et l’accuse d’avoir « fourni un compte rendu partiel et subjectif de leur conversation, les évaluations de l’entraîneur ne correspondaient pas à la réalité. »
Six mois plus tard, le gardien du Réal, qui est en train de se remettre d’une rupture des ligaments croisés, attaque Domenico Tedesco et annonce qu’il ne participera pas à l’Euro 2024 en Allemagne : “Si j’ai de la chance, je pourrai rejouer en mai. Mais je ne serai jamais prêt à 100% pour un grand tournoi. Je ne vais pas y aller pour être dans le but à 80%, alors que nous avons d’autres bons gardiens. Le match contre l’Autriche était mon 102e avec les Diables Rouges, et un hommage était prévu pour ma centième sélection. Quand il a dit que Romelu était capitaine contre l’Autriche et que j’étais capitaine contre l’Estonie, quelque chose s’est brisé en moi.”
Enfin, en mars, soit trois mois avant le début du tournoi continental, le gardien formé à Genk en remet une couche : “Il n’y a rien de neuf de mon côté, aucune nouvelle information. Je pense avoir tout fait, j’ai tout essayé. Mais la dernière info que j’ai reçue, c’est celle qu’il a communiquée dans les médias.” Ambiance chez les Diables à l’aube de l’Euro allemand !
Une personnalité controversée mise en cause
Dans les mois qui suivent, le cas Courtois divise dans le vestiaire et auprès des supporters. Après l’épisode du brassard, le portier s’est véritablement mis le pays et sa propre sélection à dos, provoquant un tollé médiatique. Une polémique que l’équipe nationale aurait volontiers évitée à l’aube d’un Euro 2024, qui résonne encore comme un véritable échec sportif.
Si le comportement de Courtois n’a eu qu’un impact minime sur la prestation des Diables en Allemagne, il aura été un grand acteur du le licenciement du technicien de Stuttgart quelques mois plus tard. Finalement de retour, le grand portier s’est expliqué en conférence de presse lors de ce rassemblement du mois de mars : “Sans doute que j’aurais pu agir différemment par rapport aux joueurs de la sélection ou aux supporters. Parfois, je réagis fortement. Cela fait partie de mon caractère et il ne va pas changer”.
Un caractère intraitable irrite certains observateurs. Pourtant, comme le souligne Kévin Sauvage, journaliste sportif pour Sudinfo, c’est ce qui fait la marque des grands champions : “Je ne pense pas que Thibaut Courtois soit différent d’un Michel Preud’homme ou d’un Jean Marie Pfaff, deux anciens gardiens nationaux. Eux aussi avaient un caractère bien trempé.” Kévin Sauvage renchérit : “Un vestiaire c’est comme une entreprise, on est pas obligé d’être amis avec tout le monde. Les joueurs, qui sont sélectionnés aujourd’hui, si on leur dit que Courtois va les aider à remporter la coupe du monde 2026, ils signent forcément des deux mains.”
Le vestiaire des Diables regorge d’autres égos, tels que ceux de Kevin De Bruyne ou de Romelu Lukaku, qui ont eux aussi leur mot à dire. Mais à la différence de ces derniers, Courtois se montre parfois plus individualiste, comme le souligne Grégory Bayet, chef d’édition du pôle sport au sein du Groupe Rossel : “Il a déjà montré par le passé des attitudes plus égocentriques. Je me souviens, après l’Euro 2016 et l’élimination face au Pays de Galles, il s’en était vite pris à Marc Wilmots et sa tactique. Chez Courtois, on a senti que c’était vite la faute du groupe, celle des autres mais rarement la sienne.” Cependant, le journaliste précise : “Sans cette mentalité, il n’aurait pas eu sa carrière actuelle.”
Des supporters sportivement heureux, mais humainement déçus
Le retour du portier du Réal de Madrid divise au sein même des supporters. Fabien De Ro, président des “The Flying Devils” et supporter des Diables rouges depuis des dizaines d’années, se dit content d’un point de vue sportif, mais ne voulait pas mettre la charrue avant les bœufs, à l’aube de la double confrontation décisive face à l’Ukraine : “Désormais, Courtois est là, mais on verra ce que l’avenir nous dira.” Le supporter espère toutefois que l’impact de Courtois va augmenter les performances des Diables, notamment par son expérience, son niveau de jeu actuel et son rôle dans l’accompagnement des jeunes.
Danny Lorge, le vice-président du club “Diables des collines” et organisateur des différents déplacements, a lui aussi un avis assez mitigé : “D’un côté, c’est le meilleur gardien du monde, donc c’est positif pour la qualité du football. D’un autre côté, après ce qu’il a fait, je ne pense pas que cela soit bénéfique pour le groupe.” Contrairement à Fabien De Ro, il pense que la présence de Courtois n’élèvera pas significativement le niveau de la sélection : “ Certes, il a son expérience derrière lui, mais je ne pense pas que c’est lui qui va faire une grande différence sur le terrain. Sinon on aurait déjà gagné la Coupe du Monde en 2018.” Il ajoute même qu’humainement “ce n’est pas une bonne chose pour le groupe”. Danny précise toutefois que les clés de cette affaire se trouvent dans les mains du nouveau sélectionneur, Rudi Garcia.
Un autre point sur lequel les deux supporters se rejoignent complètement est le comportement du portier aux 102 sélections par rapport à l’ancien sélectionneur Domenico Tedesco. “Son comportement était déplorable envers Tedesco. Même s’il n’a pas fait que des bons choix, il faut respecter l’homme et l’entraîneur qu’il est.”, dit Fabien. De son côté, Danny remet le caractère fort du portier en doute : “Quand on a un problème avec l’entraîneur, on se bat pour lui montrer qu’il a tort et on discute avec lui. On ne pleure pas et on ne prend pas le premier avion pour retourner à la maison.”
Entre enthousiasme et colère envers le gardien de 32 ans, les supporters des Diables rouges se chiffonnent sur ce “cas Courtois”. Fraîchement arrivé depuis le 24 janvier dernier, Rudi Garcia possède une grande confiance envers le gardien belge et veut au plus vite enterrer toute cette saga. Supporter des Red Devils depuis des dizaines d’années, Danny Lorge veut voir l’avenir de façon positive mais aussi réaliste : “Est-ce qu’on peut pardonner ? Quelque part tout le monde mérite une deuxième chance. Maintenant, c’est à lui de montrer qu’il veut gagner et aller dans le même sens que nous.” Le peuple belge attend donc d’être reconquis par le gardien qui avait fait vibrer toute une nation lors de l’épopée russe en 2018.
Retour gagnant… en tribunes
Sans surprise, le jeudi 20 mars sur le coup de 19h45, les supporters des Diables ont pu apprécier le choix de Rudi Garcia de titulariser le géant belge dans les cages belges. Mais malgré quelques grands arrêts, le portier n’a pas pu éviter la déroute belge à Murcie contre des Ukrainiens très efficaces. Souffrant, selon l’Union belge, d’une surcharge musculaire, il n’a pas été aligné dimanche dernier lors d’un match retour dans lequel les Belges se sont largement imposés (3-0). Certains observateurs auront pu tout de même remarquer la présence du portier belge en tribune, venu saluer l’incroyable performance de ses coéquipiers.
Un des enseignements du retour de Courtois lors de ce rassemblement de mars est que l’équipe belge a besoin de ses leaders si elle veut accomplir de grandes choses dans le futur. Des joueurs comme Kevin de Bruyne, Lukaku et même Courtois ont démontré que l’apport “des anciens” est nécessaire pour guider au mieux la future génération des Diables. Qu’on l’aime ou non, c’est peut-être ce caractère qui a fait de Courtois l’un des meilleurs gardiens du monde et de l’histoire des Diables rouges.