Dans la vallée de la Vesdre, une commune veut se repeupler
Crédit photos: Océane Vermeiren et Louise de Vuyst
Suite aux inondations de 2021, un peu moins de 500 habitants sur les 8.300 que comptait Trooz ont dû quitter la commune et ne sont pas revenus. Le départ de ses riverains fait, aujourd’hui, partie des enjeux des élections communales qui se dérouleront le 13 octobre prochain.
Un tronc d’arbre au milieu d’une salle à manger, une maison peinte de boue et des vitres cassées. C’est devant ce tableau que la commune de Trooz se réveille chaque matin. Une commune qui peine à retrouver son charme et qui vit avec un creux laissé par le départ d’une partie de la population après les inondations de juillet 2021.
« Moi, c’est la maison qui m’a jeté dehors »
Quand Cécile retourne sur place, ce sont les bruits assourdissants des alarmes et les odeurs nauséabondes qui la replongent dans la soirée de ce mercredi d’été 2021. « C’était la guerre« , nous confie-t-elle. Plongées dans le noir, Cécile et sa famille observent les briques des maisons d’en face. Une manière de mesurer le niveau de l’eau ainsi qu’une occupation pendant de longues heures d’attente, piégés dans leur maison.
Des voitures sur les toits et des militaires qui s’activent. Ces scènes qui semblent sorties d’un film de guerre, Cécile a décidé de s’en défaire. Pour elle, le traumatisme des inondations est encore trop présent. « Avant, quand je rentrais dans ma maison, c’était mon cocon, je me sentais en sécurité« , nous raconte-t-elle. Aujourd’hui, c’est une tout autre réalité, qui l’a poussée à déménager.
Cécile n’est pas la seule à avoir dû quitter la commune, et à ne plus vouloir revenir. La commune a fait face à de nombreux départs d’habitants. La vallée entière sous les eaux, beaucoup de maisons n’étaient plus habitables. À Trooz, pas moins de 2.000 maisons sur les 4.000 de l’entité ont été touchées. « Personne n’aurait su gérer une telle crise, que voulez-vous faire dans une telle situation« , nous explique Cécile. Pourtant, aujourd’hui, l’impact des inondations est un véritable enjeu dans la campagne des élections communales.
Comment repeupler Trooz ?
Entre 2021 et 2022, la commune a perdu plus de 500 habitants, mais su la population a légèrement remonté en 2024, repassant la barre des 8000 personnes. Il faut retourner à 2011 pour avoir de tels chiffres de la population à Trooz.
Le bourgmestre de Trooz, Fabien Beltran (PS), présente de nombreux projets sur sa table. Nouveau stade de foot, pôles touristiques ou encore rénovations d’écoles, les ambitions sont grandes. Des subsides sont indispensables et le bourgmestre en est conscient.
C’est au travers d’appels à projet qu’il espère mettre en œuvre tous les plans de reconstruction. Selon lui, la faible dette de la commune peut également permettre de plus larges investissements. Le bourgmestre nous livre les grosses dépenses déjà faites. « Une année normale, on dépense 1 million d’euros. Ici, en trois ans, on en a dépensé 15 millions« , nous explique Fabien Beltran, « on a déjà fait plein de choses, mais ça prend du temps« .
Une gestion de crise d’ampleur, qu’Olivier Debor (MR) n’hésite pas à remettre en cause. « Ils sont partis dans un trip un peu mégalomane avec des projets pharaoniques« , nous explique le candidat de l’opposition, « avec tous ces nouveaux bâtiments, on pourra bientôt faire les JO« . Le parti espère surfer sur la vague bleue de juin 2024 pour atteindre ses objectifs : mettre ces grands projets à l’arrêt et reprendre la gestion à zéro. Il souhaite redéfinir les priorités de construction.
De nombreux quartiers nécessitent encore des travaux, comme le quartier de la Brouck, un quartier ouvrier qui a été fortement impacté et abandonné. Plus loin dans la vallée, un lotissement de logements sociaux se prépare à être remplacé par des zones non-habitables, dites zones tampons. Une autre mesure de prévention est celle des bassins d’orage. Olivier Debor (MR) encourage l’investissement dans ce projet, mais ce dernier laisse le bourgmestre un peu plus sceptique. Ces bassins pourraient en effet réceptionner des plus petites quantités d’eau, mais n’auraient pas supporté l’ampleur des inondations connues en 2021.
Sur les hauteurs, le nombre d’habitants continue d’augmenter, mais la vallée peine à se remplir. Pour le bourgmestre, Trooz est une ville vivante pour toutes les générations. Il met en avant de nombreux clubs de sports, des plaines de jeux dans chaque quartier et des activités pour les personnes âgées. De quoi s’y retrouver pour toute la communauté.
Néanmoins, Olivier Debor soulève qu’il faut rendre le centre plus sexy. Il pointe les nombreux commerces abandonnés, sur le bord des routes, un night shop délabré et quatre maisons de suite inhabitées. Selon lui, faciliter les permis d’urbanisme pour le changement d’affectation des bâtiments mixtes est une nécessité.
Venir habiter à Trooz a un coût, car à présent, tous les bâtiments doivent être hydrauliquement neutre, ce qui fait augmenter les prix dans le domaine de la construction. Les partis politiques de la ville veulent inciter les riverains à s’occuper de leurs habitations endommagées, car cela permettrait d’attirer de nouveaux habitants. Même si les tentatives de rendre la commune attrayante sont présentes, au vu des recherches scientifiques, Trooz ne restera pas à l’abri de nouvelles inondations. La revitalisation de cette commune sinistrée formera un enjeu de taille pour la prochaine législature, au-delà du résultat électoral.
Cet article a été co-publié avec le journal L’Avenir