Tous en scène : un théâtre de marionnettes familial

A Uccle, le théâtre du Ratinet propose des spectacles de marionnettes depuis des décennies. Activité dépassée ou en plein essor ? Coup de projecteur sur ce qui se passe en coulisse.

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Photo : Delphine Grote

A Uccle, le théâtre du Ratinet propose des spectacles de marionnettes depuis des décennies. Activité dépassée ou en plein essor ? Coup de projecteur sur ce qui se passe en coulisse.

Photo : Delphine Grote

 En 1975, après un passage au théâtre de Toon, Anne Mauffroy et Claude Valère ont décidé d’ouvrir leur propre théâtre enfantin à la Ferme Rose à Uccle. Ils souhaitaient créer de nouvelles marionnettes et de nouvelles aventures. De cette histoire est né le théâtre du Ratinet. Lors du décès de son compagnon, Anne a décidé de laisser le théâtre dans la famille, en confiant les rênes de l’activité à sa nièce, Nathalie de Roeck, actuelle directrice du Ratinet.

La salle est calme, les lumières douces, et dans les coulisses, Margaux, la fille de la directrice,  opère les changements de décors. Toutes les deux semaines, un nouveau spectacle est joué au Ratinet. Au programme pour le week-end, deux histoires : Zouzou le dragon avant l’entracte et Coco et l’œuf pour clore l’après-midi. 

En attendant le spectacle, au fond d’une petite pièce, Zouzou et Coco, les marionnettes, attendent sagement, rangées dans des sachets de conservation, eux-mêmes déposés dans de grandes malles, afin qu’elles ne s’abîment pas. Elles sont nombreuses, environ une quarantaine. 

Mais Margaux, ce ne sont pas tant les marionnettes qui l’intéressent. C’est tout l’aspect technique qu’il y a derrière. Changer les décors, se charger de la bande son, s’occuper de l’éclairage, voilà ce que Margaux aime. 

Le tout sous le regard de Nathalie, sa mère, mais aussi directrice du théâtre du Ratinet. Ce théâtre est d’abord une affaire de famille. Nathalie aurait bien voulu que sa fille reprenne son rôle de marionnettiste, mais il fallait quelqu’un à la régie. Tant qu’à faire, autant que ça soit sa fille. Ça leur permet, à toutes les deux, de travailler ensemble. Trois fois par semaine, quand Margaux n’a pas cours. Elle est encore étudiante dans une école pour régisseurs à côté. Cela ne s’invente pas !

Une fois les derniers réglages terminés, la jeune femme replonge cette salle dans l’obscurité la plus complète, en attendant les enfants qui arriveront bientôt pour le prochain spectacle.

Que le show commence !

« Vous avez réservé ? Ça fait 20€ pour vous deux ». C’est Jean-Michel, le second marionnettiste, qui s’occupe des tickets d’entrée. Léonie, sa fille, se tient à côté de lui, marionnette à la main. La relève est-elle assurée ? Peut- être. Dehors, il pleut. Autant le dire : la météo est en leur faveur. En effet, de nombreuses familles se bousculent déjà aux portes du théâtre afin d’éviter cette météo pluvieuse. Des habitués pour la plupart. Comme cette grand-mère qui venait déjà à l’époque avec ses enfants et qui revient désormais avec sa petite fille. Mais il y a aussi de nouveaux venus pour qui cette visite au Ratinet est une grande première. 
Quoi qu’il en soit, il règne dans ce théâtre une ambiance familiale. Comme si tout le monde se connaissait déjà. Il faut dire que les présences de Nathalie, Margaux et Jean Michel apportent une proximité entre l’équipe et le public. Ce lien leur tient à cœur, car sans eux, le spectacle n’existe pas. 

Parents, enfants… Chacun place ses vêtements sur le porte-manteaux avant de s’installer à sa place dans la salle. Déjà sonne le dernier rappel. La représentation va bientôt commencer alors que des retardataires cherchent encore leur place. L’équipe, elle, est déjà prête pour le spectacle. Peu, les lumières laissent place à l’obscurité et de nombreux « chuuuuut » se font entendre.

Mais voilà qu’un enfant pleure par peur du noir. Il sera vite rassuré dès l’apparition des lumières avec le lever de rideau. Le spectacle débute. Dans la salle, les rires, les cris, les remarques pour aider Ratinet à trouver le dragon fusent de tous les côtés. Les adultes ne sont pas laissés en reste, les références à la vie quotidienne que seuls eux peuvent comprendre laissent esquisser des rires de complicité avec les acteurs. Certains sont même venus sans enfant, juste pour profiter du spectacle. Nathalie confie que c’est rare, mais que cela arrive de temps en temps. 

À l’entracte, l’ambiance est toujours aussi détendue. Certains enfants se sentent inspirés à faire un dessin racontant l’histoire qu’ils viennent de voir, d’autres sont fascinés par les jouets présents sur place. Nathalie accepte même qu’un petit enfant, sur le point de fondre en larmes, prenne un camion en plastique dans la salle de spectacle. De quoi le distraire avant l’arrivée de Coco sur scène.  

Pendant ce temps, Margaux et Jean-Michel s’occupent du « bar ». Chocolat, jus de fruit ou petit plaisir sucré, une bonne partie du public y passe. La cloche retentit à nouveau, le spectacle reprend. Dans les coulisses, aucun stress. Simplement un duo mère-fille et un duo père-fille, tous deux détendus. L’histoire qu’ils s’apprêtent à interpréter est connue par cœur. Tout est prêt. Enfin, Margaux lève le rideau. 

Les voilà tous partis pour une nouvelle histoire. C’est l’histoire de Coco et de l’œuf. Coco a perdu son œuf. Ratinet vient à sa rescousse pour le retrouver. Il faut déplacer tout le décor, et les enfants aident bien sûr les héros. « Sous la plante ! »« Il est làààà ! », « Ouhouh ! » Grâce à leurs indications, Ratinet et Coco finissent par retrouver l’œuf, ou plutôt le petit poussin qui s’y trouvait. La fille de Nathalie fait bien plus que le travail de régie. Elle change les feuilles de dialogue, prépare les personnages, fait des bruitages, change les lumières et la piste audio. Il lui est même arrivé de faire pleurer un dragon ou de faire voler un papillon. Mais bon, les marionnettes, très peu pour elle : « ça fait trop mal aux bras », confie-t-elle. 

À peine fini, que c’est déjà reparti

Après une heure de spectacle, retentissent les applaudissements. Ils sont nourris ! Il y a aussi quelques murmures qui s’élèvent qui font comprendre que le public a passé un bon moment. Timéo a même envie de rester. Le voilà qui se cache entre les bancs de la salle pour ne pas partir, ce qui ne ravit pas vraiment ses parents. Après de derniers échanges entre l’équipe et les spectateurs, la salle retrouve son calme. L’équipe, quant à elle, discute et partage un verre pour débriefer le spectacle du jour. 

« Aucune représentation n’est comme les autres. C’est le public qui apporte cette différence », raconte Nathalie. Ce dimanche-là, tant les enfants que leurs parents ont rendu la prestation plus vivante qu’elle ne l’est en temps normal. «Tu as entendu comme un enfant a crié pour aider Ratinet ? », ajoute Nathalie. « Et ce bébé qui rigolait tout le long ? »,renchérit Jean-Michel. Chacun y va de sa propre remarque pour refaire revivre la pièce une fois encore. Même si, à peine un spectacle terminé, il est déjà temps de parler du prochain.

Pour cette fois, ce sera sans Margaux qui a cours mercredi. Nathalie devra contacter un ancien régisseur. “Ce ne sera pas compliqué de trouver quelqu’un”, explique la directrice. Et pour cause, ces quinze dernières années,  plusieurs régisseurs se sont succédés. Dans l’agenda, il y a aussi un spectacle prévu dans une école. 

Tout cela se règle dans la convivialité, et même dans un esprit de famille. Le théâtre du Ratinet est un héritage de famille :  c’est la tante de Nathalie et son compagnon qui l’ont fondé. S’il était évident pour eux que leur nièce récupère l’établissement, l’évidence a été moins grande pour Nathalie. Mais n’ayant pas de projet de vie à cette époque, elle a accepté. Un choix qu’elle n’a jamais regretté…

Ferme rose à Uccle
La Ferme Rose est un lieu culturel Ucclois qui accueille le théâtre du Ratinet et qui loue ses autres espaces pour des évènements privés.
Cette pancarte se trouve à l’entrée du théâtre.

stockage marionnettes.
Pour leur conservation, les marionnettes sont placées dans de grands sachets. Ceux-ci sont stockés dans de grandes malles qui se trouvent, elles-mêmes, dans une pièce au fond la salle de spectacle.
Remplacement de décors.
Margaux enlève le décor du spectacle d’Halloween. Pour le prochaine spectacle, il faut changer les marionnettes, les scriptes, les lumières, etc.

Coulisses du théâtre.
Vue des coulisses.
L'équipe du théâtre.
L’équipe (Jean Michel, Margaux et Nathalie) attendent les spectateurs et discutent de la représentation d’hier.

Public sur les bancs.
Les spectateurs prennent place sur les bancs.
file pour les tickets.
Les derniers spectateurs prennent leurs tickets.
Marionnettiste en action.
Jean Michel interprète le rôle de Coco.
Régisseuse en coulisse.
Margaux s’occupe de changer les scriptes pendant l’entracte.


Le spectacle de Zouzou vu des coulisses.
Margaux aide Jean Michel et Nathalie en détachant les feuilles de dialogue pour qu’il n’y ait pas de blancs.
Famille complète.
Photo de « famille ». Nathalie, directrice de l’établissement et mère de Margaux. Jean Michel, second marionnettiste et père de Léonie.

Delphine Grote

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