Sur les terrils, ça frotte entre promeneurs et motocross

Des années que ça dure : le terril Saint-Antoine est le théâtre de conflits récurrents. Ils opposent riverains et promeneurs d’un côté, et adeptes de motocross de l’autre. Les engins motorisés n’y ont légalement pas leur place, mais leurs pilotes peuvent compter sur une surveillance minimale de la commune de Boussu.

par

Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)

Des années que ça dure : le terril Saint-Antoine est le théâtre de conflits récurrents. Ils opposent riverains et promeneurs d’un côté, et adeptes de motocross de l’autre. Les engins motorisés n’y ont légalement pas leur place, mais leurs pilotes peuvent compter sur une surveillance minimale de la commune de Boussu.

Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)

Vendredi, à l’heure de pointe matinale. Pour un piéton, il semble falloir une éternité avant que s’interrompe provisoirement le flux de voitures sur la Route de Quiévrain. Après la berline bleue, il y a moyen de traverser. On continue vers le sud-est. Boussu encombre les champs monotones de ses dernières maisons. La densité urbaine diminue pour un temps, et le terril Saint-Antoine se dessine en gris foncé sur ciel gris clair. Chaque hectomètre parcouru en sa direction dévoile quelques détails de plus, jusqu’à réaliser à quel point le monticule est vaste et arboré. Résultat d’une intense activité minière qui a duré plus d’un siècle, le lieu paraît désert ce matin. Par la route ou par le Ravel ? Pas une fois sans que le choix de l’entrée ne donne lieu à une discussion hésitante. Un chevreuil détale. La scène a été brève, mais on a bien fait de choisir le Ravel.

Les derniers champs de Boussu laisseront place au terril, puis à Dour.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)

Une fois sur le terril, un dédale de sentiers embarrasse une nouvelle fois de plusieurs choix. Un jeune garçon se paie quelques descentes à VTT, cartable sur le dos. Son sourire gêné signifie peut-être qu’il devrait déjà s’asseoir en classe. Il disparaît. Un coureur et un faucon achèvent la courte liste des rencontres de cette matinée grise et froide.

Pas beaucoup plus de monde le samedi : le retour de l’hiver décourage certainement ceux qui hésitent à s’exposer au vent toujours plus piquant quand on monte là-haut. Depuis plusieurs jours, il vient du nord-est, pour ne rien arranger.

Dérapages

Le dimanche est plus animé. Benoît s’y promène avec son braque, rencontre un cycliste, deux coureurs. Et ça commence. Des moteurs bourdonnent au loin, chargés de basses fréquences. Toutes ces traces ne viennent quand même pas de nulle part. S’illustre alors le phénomène devenu banal sur Saint-Antoine, celui d’une cohabitation impossible entre deux mondes. C’est du moins ce que constate Benoît, usé, las et découragé. L’évidence est là : le terril offre un écosystème tout à fait particulier et abrite des espèces rares. Pour qui n’y est pas sensible, il s’arpente au minimum comme un vaste espace qui donne un panorama très large sur les environs et rompt avec la densité urbaine qui étouffe la majeure partie du Borinage. Quand on est dessus, on est ailleurs. Mais alors, des engins bruyants, polluants et dangereux pour les usagers faibles y ont-ils leur place ? « Ça fait des mois que je ne suis plus venu ici. Avant, on s’y rendait quasi chaque semaine avec le Patro. Pour promener le chien, c’est vraiment un espace rêvé. Mais je ne viens plus, irrité d’avance à l’idée de me sentir entouré d’un cortège de motocross. » Une cycliste abonde : « Je me fais frôler à toute vitesse à chaque fois que je viens. On sent bien qu’il y a du conflit. Ils ne se gênent carrément pas pour rouler sur le Ravel, en faisant bien sentir qu’on les ennuie. »

Je ne viens plus au terril, irrité d’avance à l’idée de me sentir entouré d’un cortège de motocross.

Benoît Doison, Boussutois

La commune de Boussu est frileuse

Benoît trouve inconcevable que la commune laisse cet endroit « partir à rien ». Il a envoyé il y a peu une lettre au Bourgmestre. Il y demande de considérer le terril comme un lieu à surveiller, à entretenir, en régulant ce loisir motorisé qu’il n’est pas légal de pratiquer à cet endroit. La réponse paraît encourageante : la commune compte cadrer la fréquentation en recréant chemins, mares, roselières et accès organisé. En contrepartie, un grand weekend de démonstration d’engins de chantiers occuperait le terril une fois tous les deux ans.

Depuis lors, un grand salon de machines à ciel ouvert a bien eu lieu. On constate aussi que certaines mares et chemins ont été remaniés. Mais au quotidien, rien n’a changé. Pour Benoît, le problème est ancré dans un désintérêt total des échevins pour ces questions d’espaces de promenade et d’environnement en général. « Jamais un élu ne monte jusqu’ici, et ce qu’il se passe sur Saint-Antoine est en réalité le cadet de leurs soucis. Ils auront mieux à gagner en paradant au marché de Noël dans quelques jours. »

Nous n’avons pas d’espace pour le motocross

Comment est-ce vécu par les adeptes de ce loisir controversé ? Pour eux, rien n’est mis en place pour pratiquer leur passion légalement. Ils se disent alors contraints d’investir les terrils pour disposer d’un terrain de jeu adapté. « On n’a aucun endroit pour rouler. Faut pas s’étonner si on vient ici. Pour les vélos, tu as tous les Ravel que tu veux, mais pour nous, rien. Alors on est obligés d’aller là où il reste encore du terrain où on ne nous dira rien. »

Les deux visions semblent inconciliables. Le dialogue se heurte systématiquement à une incompatibilité qui œuvre dès la base du raisonnement. Devant ce fossé, c’est aux motards que Benoît en veut le moins. « Les vrais coupables, ce sont les autorités, qui manquent à leur devoir de gestion de l’espace public. Tant qu’on ne sentira aucune surveillance saine, aucun entretien sur ce terril, il restera un carrefour dangereux et décourageant pour les promeneurs. » Et la région de gâcher un de ses rares sites « naturels ».

À défaut d’avoir les Pyrénées, le Borinage comprend une mosaïque de plus de cent terrils.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
Le lieu est reconnu comme site à haut intérêt biologique.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
Ce ne sont pas les énormes pierres censées bloquer les entrées qui freineront les amateurs de descentes.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
S’il fait 5°C à Boussu, on a l’impression de -3°C ici, au sommet.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
C’est à deux pas de cette plaine qu’est né le festival de Dour en 1989.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
Quand il n’accueille pas d’événement sportif, le terril demeure un bon terrain d’entraînement.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
Le terril doit son existence à l’intense activité minière qui a commencé au milieu du 18ème siècle. Elle employait 4760 travailleurs à son pic.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
« Toujours pas croisé de représentant communal… »
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)
Les puits miniers ont fermé en 1961. Une ré-exploitation par Ryan Europe négociée en 1988 s’est vue très contestée. 2012 marque l’arrêt définitif de toute activité.
Photo : Gaëtan Spinhayer (CC BY ND)

Nouveau sur Mammouth

Bigh : cultiver l'espoir d'une économie locale
Maraîchage bobo ou logements sociaux ?
4 ans après l’arrivée du virus, qui sont ceux que l’on appelle covid long ? 
Mon Fils, Xavier et moi