Covid-19 : La pandémie dans le rétro

Ce mardi 1er mars, l'IHECS accueille en son sein la conférence-débats "Covid-19 : Avant, pendant, après", pour questionner la pandémie mondiale et sa gestion. C'est l'occasion de faire le bilan sur deux années de crise sanitaire et d'organiser un débat contradictoire, avec des experts aux points de vue variés.

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Photos : CC BY

Ce mardi 1er mars, l’IHECS accueille en son sein la conférence-débats « Covid-19 : Avant, pendant, après« , pour questionner la pandémie mondiale et sa gestion. C’est l’occasion de faire le bilan sur deux années de crise sanitaire et d’organiser un débat contradictoire, avec des experts aux points de vue variés.

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Au programme de cette conférence-débat : un bilan sur l’épidémie, les aspects juridiques autour de la vaccination, la prise en charge médicale, mais aussi des questions importantes, souvent oubliées, telles que le RGPD et les conséquences psycho-sociales de la crise sanitaire.

Le colloque débute avec les mots de Jean-François Raskin (administrateur général de l’IHECS) et Olivier Servais. L’anthropologue de l’UCLouvain souligne l’opposition permanente entre controverse et consensus autour de la pandémie. Ces derniers jours, l’actualité s’est tournée vers de nouveaux sujets, au détriment de la crise sanitaire, pourtant encore bien présente.

Quelles sont les leçons à tirer de la crise ?

Yves Van Laethem (infectiologue, CHU St-Pierre), entre dans le vif du sujet en interrogeant les autres intervenants sur leur bilan de la pandémie. Leurs réponses sont précises, nourries par leur expérience. Nathan Clumeck (professeur émérite de médecine et des maladies infectieuses à l’ULB), parle de “l’erreur de l’OMS”: la réalité sur la transmission du virus a été totalement sous-estimée par l’organisation. Bernard Rentier (virologue à ULiège), ajoute que ce déni qui venait de “très haut”; toutes les cartes étaient dans les mains des gouvernements. Béatrice Swennen, (médecin de santé publique et chercheuse à l’ULB), ajoute que le but des experts, aujourd’hui, est de rebondir et de créer de meilleures conditions pour gérer les pandémies dans le futur. Parce qu’il y aura d’autres pandémies. 

Les scientifiques insistent : un rassemblement d’experts de divers horizons et points de vue, comme le colloque d’aujourd’hui, aurait dû avoir lieu au début de la pandémie. Ceci aurait sans-doute permis de parvenir à un consensus entre spécialistes de différentes disciplines et d’éviter les prises de position extrêmes. Et pour terminer sur le vaccin, les scientifiques présents ne partagent pas tous la même opinion, mais s’accordent : se questionner sur le sujet ne fait pas nous des “antivax”.

CST et démocratie, une alliance difficile 

C’est indéniable, le Covid Safe Ticket affecte les libertés individuelles. En effet, précise Frédéric Bouhon (Professeur  à la Faculté de droit, de sciences politiques et de criminologie de l’ULiège), « les droits humains ne sont pas absolus.” Leur restriction est universellement soumise à trois conditions : la légalité, la légitimité et la proportionnalité. C’est ce troisième aspect que les intervenants questionnent. 

De gauche à droite : Arnaud Jansen (avocat au barreau de Bruxelles), Nicolas Thirion (professeur ordinaire à la Faculté de droit, ULiège), David Doat (maître de conférences en philosophie à l’Université Catholique de Lille) et
Frédéric Bouhon (professeur à la Faculté de droit, ULiège)

Juridiquement et éthiquement, le CST est considéré comme une mesure immodérée. Selon Arnaud Jansen (avocat au barreau de Bruxelles), les droits des patients n’ont pas été respectés. Pour lui, les centres de vaccinations ont enlevé l’acte de prescription médicale des médecins et le CST n’est autre qu’une vaccination obligatoire déguisée, puisque le but n’est ni clair, ni légal, ni proportionné et n’empêche pas la contamination. Avec la mise en place du CST, la Belgique dérogerait ainsi à dix droits fondamentaux. Notons qu’une décision de justice va dans son sens, puisque le Tribunal de première instance de Namur vient d’invalider le CST wallon pour atteinte aux droits et libertés fondamentaux.

Selon Nicolas Thirion (professeur ordinaire à la Faculté de droit, de sciences politiques et de criminologie à ULiège), notre pays, déjà considéré comme une démocratie défaillante par The Economist, s’éloigne de plus en plus d’un État de droit. Et de regretter que ces questions éthiques n’aient été que peu débattues sur la place publique.

Manquements dans la prise en charge médicale et politique

L’explosion de la pandémie dans notre pays a soulevé des questions d’ordre plus général à propos de la gestion des hôpitaux. Frédéric Caruso (médecin anesthésiste) dénonce : les problèmes datent d’avant la crise. Déjà à ce moment, des thérapies étaient repoussées, voire annulées et cela s’est bien entendu amplifié à l’arrivée du covid-19. 

Yves Coppieters : « La pandémie a renforcé les inégalités sociales »

Yves Coppieters confirme : la peur du virus a dissuadé la population de se rendre à l’hôpital, même en cas de graves symptômes. L’expert est formel : le retour à la normale dans les hôpitaux dépend de la mise en place d’une stratégie efficace. 

Le covid n’est pas une maladie extraterrestre !

Elisabeth Paul (ULB et Uliège)

Selon Elisabeth Paul (spécialiste en politique et systèmes de santé), « le covid-19 n’est pas une maladie extraterrestre« . Plus de cohérence aurait été souhaitable dans les décisions politiques la concernant. La spécialiste ajoute : “on n’est pas là pour lutter contre l’épidémie de façon militaire.

Conséquences psycho-sociales de la pandémie 

Anne-Marie Etienne (Psychologue clinicienne à l’ULiège) entame le dernier panel sur les conséquences psycho-sociales de la pandémie. La perte de contrôle et le doute ont engendré une réelle anxiété dans la population. C’est, comme elle l’appelle, “un lit privilégié pour les troubles de l’anxiété”. 

“Certaines personnes ont trouvé leur paradis dans le confinement”

Olivier Servais (UCLouvain)

Malgré tout, certains patients se portent merveilleusement bien durant le confinement, ayant eux-même eu besoin d’isolement pour gérer leur anxiété. “Certaines personnes ont trouvé leur paradis dans le confinement” constate Olivier Servais (anthropologue à l’UCLouvain). Un paradis trouvé… tant que les personnes étaient connectées et qu’elles n’avaient aucun problème de connexion.

Au contraire, les grands-extravertis n’ont pas du tout bien vécu cette période. Aujourd’hui, un tiers des personnes se rendant chez un.e psychologue n’en avait jamais consulté auparavant. “Si vous hésitez sur votre état, peut-être que ce sont des difficultés passagères, mais il ne faut pas négliger le risque que cela soit plus profond, le risque de craquer.” C’est sur ce message qu’Anne-Marie Etienne tient à refermer cet échange.

Retrouvez la conférence sur le compte Youtube de l’IHECS

Compte rendu réalisé par
Pauline De Briey, Audrey Cador, Loriana Candela, Jamila Saïda M’Rabet, Amizée Lambin

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