Editions de L’Avenie
Depuis 2022, seule la banque ING se manifeste dans la mise en œuvre du plan Oxygène, mis en place par la Région wallonne afin de relancer économiquement les communes wallonnes surendettées. Sur les 350 millions d’euros réclamés par les communes en 2024, 82 millions sont proposés par la banque, excluant la totalité des grandes villes wallonnes.
Voilà maintenant 3 ans qu’un plan d’aide global régional intitulé Oxygène, est mis en place afin de soutenir financièrement les communes wallonnes en difficulté. Il consiste à autoriser les communes à contracter annuellement un emprunt afin d’équilibrer leurs budgets, et ne concerne que les dépenses ordinaires à la différence des subsides pour des projets accordés par la Région ou le CRAC (Centre Régional d’Aide aux Communes). La Région wallonne intervient quant à elle à hauteur de 15% afin de rembourser les intérêts du prêt.
« C’était déjà un signal d’alerte »
Or, depuis son lancement en 2022, seule ING répond à l’appel, avec chaque année des conditions de plus en plus restrictives. La première année, la banque a accordé un prêt de 302 millions d’euros aux 34 communes qui en avaient fait la demande, sur un crédit de 30 ans. « C’était déjà un signal d’alerte », explique Katlyn Van Ovemeire, conseillère experte en finances publiques locales à l’Union des Villes et Communes de Wallonie. Mais pour ING, 30 ans, c’était trop long. Le crédit fut alors baissé à 20 ans pour l’année suivante.
En 2023, les prêts ne concernaient déjà plus que 28 communes, pour un total de 277 millions d’euros, excluant Liège et Charleroi, premier signe de méfiance envers la gestion économique de ces deux villes qui représentent à elles seules 60% de la dette communale wallonne.
« On est dans le flou total »
Cette année, les 7 grandes villes wallonnes se sont vu refuser un emprunt, dont Verviers, à sa grande surprise : « Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où on est dans le flou total, notamment sur la capacité de la Région wallonne à financer seule cet emprunt », confie Alexandre Loffet, échevin des finances (PS) de la ville de Verviers.
Selon Sylvain Jonckheere, porte-parole d’ING, la réduction de l’investissement de la banque orange a été réfléchie « en tenant compte des éléments financiers propres à chaque ville et commune mais aussi de notre exposition déjà existante sur celles-ci ».
À l’approche des élections de ce dimanche, l’annonce d’ING est venue jouer les trouble-fêtes dans cette période électorale. Certains, comme le bourgmestre namurois Maxime Prévot imputent Liège et Charleroi, les deux villes wallonnes à l’endettement le plus conséquent. Pour d’autres, comme Pascale Nouls (cheffe de file Liste Athoise), la responsabilité du PS, au pouvoir depuis plusieurs années dans les communes concernées, est également engagée. Mais selon l’Échevin verviétois, la situation économique des communes est causée en partie par des décisions fédérales : « Les villes ont toute une série de problèmes liés à des dépenses qui devraient être payées par d’autres niveaux de pouvoir, essentiellement le fédéral : les pensions, le CPAS, ou encore les zones de secours et de police. Le plan Oxygène crée donc une dette d’assainissement avec des prêts pour équilibrer nos budgets chaque année qu’on va devoir rembourser sur le temps, plutôt que de vraies solutions. Cet endettement est particulièrement marqué dans les grandes villes, puisqu’elles doivent contribuer aux revenus d’intégration du CPAS à hauteur de 30% ».
En plus de cette contribution au CPAS, le jeune échevin dénonce également le fédéral qui ne remplirait pas ses obligations de financement envers les zones de secours, et l’une des mesures phares de la probable coalition fédérale Arizona (Engagés, MR, N-VA, CD&V et Vooruit), la limitation des allocations chômages, qui augmenterait le nombre de bénéficiaires des CPAS.
Interrogé à ce sujet, François Desquesnes, Vice-ministre-président de la Région wallonne et ministre des Pouvoirs Locaux, veille à ce que cette mesure ne plombe pas les budgets communaux : « Nous avons écrit au négociateur à ce sujet, assure-t-il. De crainte que cela fasse augmenter les bénéficiaires du CPAS, et que donc la charge financière revienne aux communes, nous voulons que le coût de cette proposition soit pris en compte par le preneur de décision, donc le fédéral ».
« La Région Wallonne n’est pas un Mister Cash »
Pour le ministre, il est compliqué pour la Région d’intervenir plus que les 15% qu’elle propose afin de rembourser les intérêts du prêt : « La Région wallonne n’est pas un Mister Cash. La situation est difficile pour tout le monde, la Région étant elle-même en déficit. Il ne suffit pas de dire « nous sommes en déficit, aidez-nous », car ce déficit est lié au fonctionnement communal, dont nous ne sommes pas responsables », explique-t-il.
Malgré la baisse significative du montant obtenu ces deux dernières années, François Desquesnes compte poursuivre le plan Oxygène jusqu’à la fin de sa mise en place, en 2026 : « Pour l’exercice 2024, nous allons faire en sorte de trouver les financements nécessaires. Nous comptons également veiller à ce que le plan de gestion (NDLR : l’une des contreparties du plan Oxygène est l’acceptation des communes participantes d’un plan de gestion qui donne les grandes lignes de leur redressement économique) des communes soit respecté. Pour remettre nos communes sur les rails, il faut travailler sur tous les leviers. Je ne parle pas forcément de rajouter des taxes, mais de s’assurer à ce que les communes perçoivent correctement toutes les recettes ». S’il précise que le marché public du plan de 2024 est toujours en cours, rien ne permet d’assurer que les communes concernées recevront bel et bien l’argent réclamé.