Les devoirs discriminent les enfants les plus démunis

Directeur de la maison d’accueil « L’Étape » à Tournai, Quentin Ervyn est en contact avec des enfants en situation de pauvreté. Il plaide pour plus d'aides sociales pour les parents et pour la fin des devoirs d'école.

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Photo : Rémy Ravaux

Directeur de la maison d’accueil « L’Étape » à Tournai, Quentin Ervyn est en contact avec des enfants en situation de pauvreté. Il plaide pour plus d’aides sociales pour les parents et pour la fin des devoirs d’école.

Photo : Rémy Ravaux

La maison d’accueil L’Étape existe depuis plus de 40 ans. Conçue comme un lieu-tampon pour se réinsérer dans la société, elle accueille aujourd’hui des familles qui sont sans logement, des personnes ayant vécu l’errance, qui sortent de prison ou d’hôpital psychiatrique. L’objectif est de les accompagner, de leur permettre de retrouver une stabilité.

Les personnes accueillies à l’Etape viennent rarement seules. Il y a beaucoup d’enfants ici…

Exactement. Et malheureusement, ces enfants n’ont pas la même chance que les autres. Que ce soit à l’école, dans leur construction personnelle ou dans leur manière d’être avec les autres, rien n’est simple. Ils se retrouvent, en plus, avec un parent qui est en situation de précarité. À l’âge adulte, ce sera de nouveau la même chose pour eux. 

Votre constat est dramatique…

C’est la stricte vérité ! Aucun d’eux n’aura une belle maison, une belle voiture, une situation familiale stable. La société ne met rien en place pour que cela arrive. 

Que se passe-t-il après pour eux ? 

Ils reviennent chez nous. Et ce n’est pas un constat d’échec, loin de là ! Nous le vivons plutôt comme une marque de reconnaissance et de confiance. Ce que nous avons fait quand ils étaient enfants, ils l’ont tellement gardé en tête qu’à l’âge adulte, ils reviennent frapper à l’Étape.

Peut-on dire que c’est impossible de sortir de cette pauvreté infantile ? 

Il faut déjà savoir que même une personne qui reçoit une aide du CPAS vit sous le seuil de pauvreté, et pas qu’un peu ! L’État belge a décidé que c’était normal. Tant qu’on continuera ainsi, comment ces gens peuvent-ils s’en sortir ?

Vous pointez aussi un autre problème, le système scolaire… 

Oui. On continue à donner aux enfants des devoirs après l’école. Quand on a une maison avec un bureau dans sa chambre et que notre maman s’installe à côté de nous pour les faire, c’est plus facile de réussir. Mais quand un enfant se retrouve face à la violence d’un parent ou à des changements intempestifs de logement, comment voulez-vous qu’il se débrouille ? Ces enfants-là n’ont ni lieu pour faire leurs devoirs, ni parents pour s’en occuper. Ils se retrouveront dans des écoles avec tous ceux qui ont flanché dans le système scolaire. Tant qu’on envoie les enfants précarisés dans des « écoles poubelles », on ne pourra rien changer.

À vous entendre, on est tous un peu responsable de cette situation… 

C’est surtout que ça me fait rire quand j’entends des gens se plaindre que les personnes précarisées n’arrivent pas à s’en sortir ! Qu’est-ce qu’on met en place pour les aider à être au-dessus du seuil de pauvreté ? Arrêtez de dire que les gens doivent se débrouiller seuls. Donnez-leur un moyen de s’en sortir ! Il faudrait se mettre à leur place et essayer de vivre avec ce qu’on leur donne. Vous allez voir ce que c’est…

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