Les Brigades de solidarité populaire : "seul le peuple sauve le peuple"

Depuis le premier confinement, des militants se sont emparés des problèmes de précarité engendrés par la crise sanitaire. Organisés en Brigades de solidarité populaire, ils apportent aide alimentaire et accès aux biens de première nécessité.

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Action de la Brigade de solidarité de Namur - Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Depuis le premier confinement, des militants se sont emparés des problèmes de précarité engendrés par la crise sanitaire. Organisés en Brigades de solidarité populaire, ils apportent aide alimentaire et accès aux biens de première nécessité.

Action de la Brigade de solidarité de Namur – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

C’est l’heure de midi sur la place Léopold à Namur lorsque je retrouve un groupe de jeunes qui s’activent : on déplie une table de camping, on amène une grosse casserole de soupe, des bols, des cuillères, du pain… La soupe populaire est prête. Derrière, des cartons et des valises sont déposés sur le banc. On y trouve chaussettes, pulls, slips, gants, écharpes, kits de protections menstruelles ou hygiéniques, …

Biens de première nécessité
Distribution de kits hygiéniques – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Action de la Brigade solidarité populaire Namur
Action de la Brigade de solidarité populaire Namur – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Ce qui se met en place ici, c’est l’action d’une Brigade de Solidarité Populaire (BSP). Ces brigades sont apparues en Italie pendant le premier confinement, pour répondre à un besoin urgent d’accès à de la nourriture et à des biens de première nécessité. Le constat de ces citoyens est simple : la crise du Covid-19 a exposé les dysfonctionnements du système néo-libéral et l’incapacité des gouvernements à protéger leurs populations, alors que des millions de personnes plongeaient dans une précarité extrême. L’urgence sociale étant là, il fallait agir tout de suite en faisant preuve de solidarité. Leur mantras : « seul le peuple sauve le peuple ». En Italie, en France ou en Equateur, des milliers de personnes se sont organisées pour s’entraider, en proposant des distributions de colis alimentaires et sanitaires, mais également en mettant en place des aides administratives et des soutiens scolaires. 54 brigades sont actuellement actives dans le monde, dont 7 en Belgique.

Revenons à Namur, où, très vite, les premiers habitués arrivent. Un bénéficiaire lance « Tchikita » sur son enceinte et les bols se remplissent, se vident, on discute, le velouté butternut plait et fond à vue d’œil. Sans-abris, sans-papiers, toxicomanes, ou simplement des personnes qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois viennent ici pour trouver un peu de chaleur autour d’un bol de soupe, et peuvent se procurer gratuitement des biens de première nécessité s’ils en ont besoin. « Ici, on aide tout le monde. On ne regarde pas qui c’est, ce qu’ils font… » m’explique Laetitia, membre de la BSP Namur.

La soupe a bien plu !
La soupe a bien plu – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Giuseppe, un autre membre, me raconte comment ils ont commencé : « On a lancé BSP avec des copains militants, venant surtout des Jeunes Organisés Combatifs (JOC, anciennement « jeunesse ouvrière chrétienne »). On voulait soutenir Odile, une militante de 70 ans qu’on connait qui avait commencé à faire des soupes populaires en voyant que les gens étaient dans le besoin ». Tous les biens, alimentaires ou non, viennent de donations, restes de magasins de proximité ou de grandes surfaces. « De la nourriture et des biens gratuits, il y en a plein ! Tout ce qu’il manque, c’est des volontaires et des organisations pour les récolter, puis les distribuer ». Alors qu’ils sont en pleine action de solidarité, un fourgon débarque. Cinq policiers en sortent et commencent à contrôler. Deux procès-verbaux seront dressés pour consommation d’alcool sur la voie publique. « C’est toujours comme ça », me dit Laetitia. « À chaque action, ils viennent pour nous intimider. Ils sont super désagréables avec nous. Alors que tout ce qu’on fait, c’est être solidaire envers les plus démunis ».

Contrôle de police, action à Namur
Contrôle de police durant l’action à Namur – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Rangement de l'action à Namur
Pour le rangement, tout le monde aide – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Le lendemain, c’est la brigade de Saint-Gilles qui s’active. Ici, l’équipe est plus nombreuse et expérimentée, forts de leur expérience qui a commencé lors du premier confinement. À la fin de l’été, ils fournissaient des colis alimentaires à plus de 200 familles du quartier, au rythme de 50 par semaine. Les militants précisent que leur but de n’est pas de verser dans la charité, mais bien d’être un mouvement populaire, en accord avec les idées politiques des BSP. « On veut casser la relation aidé/aidant, et créer une vraie expérience de solidarité égalitaire. C’est moins facile et ça prend du temps, mais le résultat est magnifique », me confie un membre de la Brigade. À l’avant, des tables et des chaises ont été disposées, on sert du café et des gâteaux. Le but est de sortir des gens de la solitude du confinement et de la précarité, de créer du relationnel, de leur permettre de s’exprimer, écrire en grand ou crier fort ce qu’ils n’osaient pas dire. Sur un grand tableau, chacun peut écrire ce qu’il veut : « Sans solidarité, pas d’avenir. Merci de donner de l’espoir », « La honte doit changer de camp », …

Préparation des colis au DK, à Saint-Gilles
Préparation des colis au DK, à Saint-Gilles – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Préparation des colis alimentaires
Préparation des colis alimentaires – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Colis alimentaires
Colis alimentaires – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Chaises et tables au DK à Saint-Gilles
Espace de discussion pour créer du lien social au DK – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Finalement, je termine par me rendre un soir à la nouvelle brigade d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. C’est tout récemment que des militants du coin ont voulu se rallier pour agir concrètement face à l’urgence sociale, et répondre ensemble au-delà des divergences politiques. C’est là qu’a germé l’idée de rejoindre les brigades de solidarité populaire, pour rassembler ceux qui veulent agir, faire partie d’un mouvement international doté d’une réelle identité politique. Violette, membre de la Brigade, est très claire : « On est sous des Etats différents, mais tous soumis au même système capitaliste. On a le même problème, donc on a besoin de la même solution : la solidarité populaire. Les Brigades répondent à un besoin universel ».

Table remplie de vivres à Louvain-la-Neuve
Des vivres, il y en a à Louvain-la-Neuve – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Affiche d'information pour les distributions de nourriture et biens
Des affiches sont collées dans la ville pour informer les bénéficiaires potentiels – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)
Lieu de distribution de soupe et biens à Louvain-la-Neuve
Lieu de distribution de soupe et biens à Louvain-la-Neuve – Photo : Noé Zimmer (CC BY NC ND)

Malheureusement, ces brigades n’ont qu’un impact local et plutôt réduit. Il n’y a pas partout des personnes qui ont le temps et la disponibilité pour s’investir comme cela. La demande d’aide alimentaire a explosée de 5% à 30% dans la population belge, et nombreux sont ceux qui attendent une réponse structurelle et cohérente de la part de l’État.

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