Quand la piste s’enflamme au rythme des souvenirs
Photo : Charlotte Simon
Chaque année, la commune de Floreffe réunit une centaine de seniors pour une après-midi festive. Entre musique, danse et retrouvailles, ce rendez-vous intergénérationnel célèbre la convivialité et fait renaître des souvenirs précieux.
Un parfum de nostalgie flotte sur la salle communale « La Floriffolienne ». Il est 15h, et la voix entraînante de Joe Dassin résonne, accompagnant le service de tarte et de café. « Et la mélancolie au soleil d’Émilie devenait joie de vivre », entend-on. Les tasses fumantes passent de main en main, tandis que les tartes disparaissent rapidement des assiettes. Ce rendez-vous annuel fait la part belle à la musique et aux retrouvailles entre voisins. Entre une valse et un slow, les sourires s’échangent avec tendresse. Les regards se perdent dans des éclats de rire ou des soupirs nostalgiques, et, au rythme de la musique, les souvenirs refont surface, portés par la douceur des pas et la chaleur de ces retrouvailles.
Dehors, sous un ciel d’automne, un petit groupe s’est formé : on fume, on discute, et les rires fusent avec la même intensité qu’à l’intérieur, comme si l’air frais n’avait pas de prise sur la chaleur des échanges. « Ce que j’aime ici, c’est retrouver des gens du village, danser et papoter », confie Chantal, une habituée de ces goûters dansant.
Le mot revient souvent : convivialité. Et c’est bien ce qui règne dans cette salle où le DJ, Manu, avec ses cheveux noirs ébouriffés et ses lunettes rectangulaires, jongle habilement avec des morceaux qui traversent les époques. « Ici, je peux sortir mes vinyles, mes 45 tours. Ils rappellent des souvenirs aux participants », explique-t-il. De la valse au rock, en passant par le tango, il y en a pour tous les goûts. Cependant, ce qui remporte toujours le plus de succès, ce sont les chansons françaises des années 70. « Il ne faut pas leur mettre de la musique d’après-guerre, ce qu’ils veulent, c’est du Claude François ! », précise-t-il avec un sourire.
« Je ne suis pas venu avant parce que je ne voulais pas être vieux trop tôt ».
Charles, habitué des goûters dansants
Quand la danse mène à la tarte
Les couples se forment sur la piste de danse, certains glissant avec aisance, portés par la mélodie comme si leurs corps se souvenaient instinctivement des rythmes d’antan. D’autres, moins assurés, avancent avec précaution, leurs pieds marquant des pas plus hésitants. Leurs mouvements, bien que moins précis, sont empreints de la même envie de savourer le moment, de revivre l’éclat des bals d’autrefois. L’un des moments forts de l’après-midi survient lorsque résonne La salsa du démon. Les paroles fusent, reprises en chœur : « Quand j’vois un gosse, j’lui fous une claque… Quand j’vois une vieille, j’lui pique son sac », chantent-ils avec malice, avant que chacun ne se dédouane en riant du ton décalé des paroles.
Pour certains, danser est un véritable effort. On aperçoit des couples de seniors, visiblement fatigués et le visage légèrement rougi après avoir enchaîné plusieurs tours de piste. Ils quittent la piste, tout essoufflés, parfois se tenant le dos. « Je pourrai bien prendre des médocs demain », lance une dame en riant. Le DJ ne peut s’empêcher de commenter : « Il y en a qui sont inarrêtables ».
Entre deux danses, l’odeur de la tarte fraîchement servie attire les participants vers les tables. Trois parts par personne, rien que ça ! Entre deux bouchées, Charles se laisse aller à quelques confidences. « Je ne suis pas venu avant parce que je ne voulais pas être vieux trop tôt ». Il est assis à une table, un sourire large illuminant son visage. En savourant chaque bouchée, il ferme les yeux un instant, laissant échapper un soupir de satisfaction, avant de replonger dans la conversation animée avec ses voisins.
« Nous prenons de l’âge, nous sommes heureux, c’est tout ».
Yvon, participant
Le service est assuré par des bénévoles toujours souriants. Ceux-ci sont le cœur battant de l’événement. Parmi eux, Simon, un jeune homme de 15 ans, s’active avec enthousiasme. Il est là parce qu’il n’a pas école aujourd’hui. « Je m’amuse bien », s’exclame-t-il en riant, emballant le surplus de tarte pour que les invités puissent repartir avec un petit goût de la fête. Café et mousseux sont également au rendez-vous. Tout est prévu pour que chacun se sente à l’aise, sans oublier les détails qui comptent.
Une sortie pour briser la solitude
Pour beaucoup, ces événements sont une bouffée d’air frais. « J’aime bien venir ici pour papoter, revoir des gens qu’on ne voit plus », confie Chantal. C’est l’occasion de sortir de la solitude et de renouer des liens. Anne-Marie, la soixantaine, rayonne de joie sur la piste de danse, se laissant emporter par la musique avec enthousiasme. Pour elle, c’est aussi une question de passion. « J’aime bien danser », confie-t-elle simplement. « Je viens à chaque fois. » Et elle n’est pas la seule. Beaucoup de ces participants sont des habitués, revenant année après année pour retrouver l’ambiance chaleureuse de ces après-midis dansants.
Fabienne, l’une des organisatrices, est une femme dynamique, avec un sourire chaleureux qui inspire confiance. Toujours en mouvement, elle supervise les activités avec un regard attentif. “Cela permet de sortir les personnes âgées de leur solitude. Cela leur permet aussi de retrouver des gens qu’ils ont connus il y a un petit temps, qu’ils croisent rarement. » Un rendez-vous à ne pas manquer pour ces aînés qui, le temps d’une après-midi, laissent de côté les tracas du quotidien. « Nous prenons de l’âge, nous sommes heureux, c’est tout », résume Yvon, son visage, marqué par le temps, s’illuminant d’un sourire bienveillant.
L’événement n’a pourtant pas toujours séduit. Elyanne, élégante et souriante, est venue avec son mari, qui a enfin accepté de participer à l’événement. « Il disait que c’était pour les vieux ! Mais maintenant qu’il a 72 ans, il a enfin accepté. » Elle échange des regards complices avec lui, heureuse de partager ce moment ensemble. Une fois sur place, les réticences s’envolent et l’après-midi se termine toujours de manière conviviale : les amis se disent au revoir en wallon, se promettant de se retrouver à la prochaine occasion.