Le déclic du numérique dans l'enseignement

Antoine Cariat est le fondateur d’Easyllabus, une start-up créée il y a deux ans, sur base d’une frustration personnelle : ne pas pouvoir apprendre autrement. Sa solution ? Une société qui propose des synthèses de cours sous forme de podcasts. L'entreprise compte aujourd’hui 14.000 inscrits, sept universités ou hautes-écoles, et une dizaine de facultés.

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Easyllabus

Antoine Cariat est le fondateur d’Easyllabus, une start-up créée il y a deux ans, sur base d’une frustration personnelle : ne pas pouvoir apprendre autrement. Sa solution ? Une société qui propose des synthèses de cours sous forme de podcasts. L’entreprise compte aujourd’hui 14.000 inscrits, sept universités ou hautes-écoles, et une dizaine de facultés.

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Antoine Cariat, vous tirez ça d’une expérience personnelle. Quel est l’avantage d’apprendre avec un support audio ?

Premièrement, on peut l’écouter partout et tout le temps, qu’on soit dans les transports en commun, en train de faire ses courses ou du sport. L’audio, a contrario de la vidéo, ne nécessite pas une concentration extrême sur l’écran. Il faut cependant penser à ne pas surcharger son mental en ne pensant qu’au travail. Pendant le COVID par exemple, les étudiants qui passaient toute la journée devant leurs cours, n’écoutaient pas ou peu de podcasts en plus. Deuxièmement, des études scientifiques ont prouvé qu’on retient deux à trois fois plus ce qu’on écoute, à condition d’écouter activement.

Le podcast est-il appelé à s’implanter durablement dans la vie des étudiants ?

Il faut savoir que le podcast existe depuis plus de quinze ans mais il est « tendance » depuis quelques années car c’est un contenu facile à consommer, « To the go ». Même si on est dans l’ère de la vidéo, je pense aussi qu’il y a une tendance avec l’audio qui permet de se concentrer sur le contenu. J’aimerais quand même préciser que nous essayons de nous détacher du terme « podcast » qui renferme plutôt une dimension de rediffusions d’émissions ou d’interviews. Pour notre activité, nous préférons le terme « capsules audios éducatives ».

Pour ou contre un pc pour tous les étudiants à la place du crayon et papier ?

Philippe Van Ophem, un de nos investisseurs, a mis une tablette dans les mains de chaque étudiant dès le secondaire et je trouve ça assez intéressant dans le sens où très jeunes, ils vont avoir un ordinateur entre les mains. J’ai également vu des études se demandant si c’était encore intéressant de savoir écrire, et je me suis demandé : « quand est-ce que j’écris dans ma journée ? ». Même si je suis quelqu’un qui utilise encore pas mal le Bic et le papier. Je pense qu’il devrait toujours y avoir les deux, même si à un moment donné l’ordinateur va probablement prendre le dessus. Cependant, j’ai l’impression qu’on digitalise parfois des choses qui ne nécessitent pas de l’être. Pour moi, il faut que le numérique soit au profit de l’apprentissage et de l’éducation au lieu de simplement « numériser pour numériser » .

Le numérique creuse-t-il les inégalités dans l’enseignement ?

Honnêtement, je ne pense pas. Tout d’abord, le matériel informatique est devenu plutôt bon marché. Ensuite, l’achat de matériel informatique n’est pas lié aux classes sociales, on observe généralement que des classes considérées comme pauvres achètent aussi les dernières technologies. Cependant, il y a moins de personnes de référence dans les milieux défavorisés, qui peuvent donc aider dans l’informatique. Le souci serait de rendre le numérique obligatoire et donc d’obliger les élèves à acheter du matériel et de l’utiliser, alors que certains sont plus susceptibles de ne pas savoir résoudre leurs soucis. Certes, le numérique creuse les inégalités, mais pas autant qu’on ne le croit.

Est-ce que, selon vous, la mise en place de l’enseignement à distance pour le supérieur a joué un rôle d’accélération pour le numérique dans l’apprentissage ?

En réalité, la pandémie a joué le rôle de déclic et a mis l’humain face au mur. Les universités et hautes-écoles se sont rendu compte qu’elles n’étaient pas du tout à jour au niveau informatique, et ceci même pour des établissements qui pensaient l’être. Les établissements ont ainsi découvert le distanciel, qu’il faudrait désormais envisager sans bug car un ou deux jours par semaine à la maison permettraient de gagner du temps. Ceci sans pour autant forcer le distanciel, sinon ça deviendrait « inhumain » à cause du manque de contact réel.

« C’est triste à dire,
mais ce qu’il veut,
c’est juste réussir son
examen »

Antoine Cariat

Est-ce envisageable de généraliser le podcast comme réel moyen d’apprentissage pour découvrir la matière (et non uniquement en dehors des cours pour l’étude) ?

Utiliser le podcast comme source d’apprentissage réel dépend de l’objectif de l’étudiant. C’est triste à dire, mais ce qu’il veut, c’est juste réussir son examen. Dans certains cas, on a l’impression que l’étudiant accorde peu d’importance à l’apprentissage des cours. Et en écoutant sept à huit podcasts sans aller aux cours, il peut potentiellement le réussir. Le podcast, c’est uniquement un moyen de diffusion, un canal de transmission. Mais si l’objectif de l’étudiant est d’acquérir des connaissances, le podcast ne suffit pas. L’étudiant qui veut apprendre va devoir aller aux cours, relire ses notes, et écouter le podcast en plus s’il le souhaite. Pour apprendre, il faut le vouloir et faire un effort, et à ce niveau-là, le podcast est un moyen supplémentaire, pas une manière d’apprendre en tant que telle.

Que faudrait-il réellement mettre en application ?

Je dirais qu’il faut mettre le numérique et l’audio à profit de l’éducation, plutôt que de mettre du numérique sans pour autant savoir l’utiliser. Car en Belgique, nous sommes doués pour faire d’importantes annonces dans les médias sans pour autant que ça ait une réelle utilité. Cependant, ce n’est pas à l’Etat de le faire car le côté innovation se trouve pour l’instant au niveau des entreprises. Officialiser le podcast en passant par l’Etat rendrait le processus plus lent et formatrait les élèves. On gagnerait en réduction d’inégalité mais on perdrait en originalité. Il faut donc laisser les entreprises développer le numérique.

Ecrit par Manon Maes & Edwin de Hertogh

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