Informer n'est pas un crime

Le combat du comité Free Assange continue

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Photos : M'Mah Bangoura

Le combat du comité Free Assange continue

Photos : M’Mah Bangoura

Cela fait quatre ans et demi que le Comité Free Assange se donne rendez-vous chaque lundi à la Place de la Monnaie à Bruxelles. Son but : faire libérer Julian Assange.

Lundi 23 octobre, 16h50. La Place de la Monnaie est vide. Pour cause, il pleut. Pour l’instant, un seul bénévole du Comité Assange répond à l’appel : Thierry Delforge, instituteur retraité. Il est à l’avance. Vêtu d’un K-Way jaune complètement trempé, il brandit deux pancartes. Sur la première, on peut lire “#FreeSpeech”, “#Liberté d’Expression” et « Hands Off Assange », « Ne touchez pas à Assange ». Celle qu’il tient sous son bras laisse entrevoir : “UK Don’t Extradite”, “Royaume-Uni, ne l’extradez pas”.

Depuis son arrestation en 2019 par les autorités britanniques pour n’avoir pas respecté les conditions de sa liberté provisoire, le lanceur d’alerte australien Julian Assange est détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni dans des conditions telles qu’il ne serait plus que l’ombre de lui-même, selon Amnesty International. Les États-Unis ont émis une demande d’extradition à l’encontre du fondateur de Wikileaks pour un ensemble de chefs d’accusation dont, notamment, le piratage informatique et l’espionnage. En effet, Wikileaks est responsable d’avoir divulgué des centaines de milliers de documents confidentiels de l’armée américaine, mettant en exergue les vices de l’une des plus vieilles démocraties au monde. Si le Royaume-Uni venait à livrer Assange aux États-Unis, ce dernier écoperait d’une peine d’au moins 180 ans de prison.

Dire la vérité c’est pas un crime !

17h04. On aperçoit une dizaine de bénévoles au loin, à l’abri de la pluie. Ils viennent et partent au compte de goutte. “Il y en a qui n’ont pas encore fini le boulot. C’est pour ça qu’on n’est pas encore tous là”, réplique un des bénévoles. Ils sont une majorité de femmes, pour la plupart des retraité.e.s, un ancien professeur d’histoire, une ancienne infirmière, etc. Certains sont encore dans la vie active, parmi lesquels un sociologue, une traductrice et une infirmière.

Aujourd’hui, en raison des intempéries, ils ont choisi la bouche de métro De Brouckère pour leur rassemblement. C’est l’heure de pointe et celle-ci est bondée. Ils se passent les pancartes, portent leur K-WAY jaune et c’est parti : “Free Julian Assange. Liberté pour Julian Assange. Dire la vérité c’est pas un crime. Dire la vérité c’est pas un crime”, crie Enrique, le sociologue. Pendant ce temps, entre les rapides va-et-vient des passants, ses compères se placent devant les escalators et tendent des tracts aux usagés. Certains sont interpellés pour une brève discussion sur la situation d’Assange, d’autres prennent le temps de signer la pétition. D’autres encore, trop pressés ou simplement par manque d’intérêt, choisissent d’esquiver les bénévoles.

Une bénévole est à terre sur ses genoux. Entourée de ses confrères, elle brandit trois pancartes. Une accrochée au cou qui dit : “Drop the charges”, “Abandonnez les charges” et une autre : “Bring Assange Home”, “Ramenez Assange à la maison”. À de multiples reprises, elle scande : “Free, Free, Free Assange ; Libérez, libérez, Libérez Assange”. Les bénévoles répètent après elle, en chœur.

Pourquoi la situation d’Assange inquiète ?

Quand on leur demande pourquoi ils s’insurgent contre la potentielle extradition d’Assange vers les États-Unis et en quoi cette cause leur tient autant à cœur, les bénévoles répondent : “La situation d’Assange est une menace pour la liberté d’informer et une menace pour notre droit à nous, citoyens, d’être informés correctement.”

Cela fait maintenant quatre ans et demi que le Comité Free Assange Belgium se donne rendez-vous tous les lundis à 17 heures, à la Place de la Monnaie et tous les premiers lundis du mois devant l’ambassade du Royaume-Uni.

Leur initiative commence un 10 janvier 2019, lors de la projection du reportage ARTE, “Les Vérités de Julian Assange” pendant le festival du Cinéma d’ATTAC. Les rassemblements ont d’abord lieu devant l’ambassade du Royaume-Uni, ensuite devant celle des États-Unis puis finalement à la Place de la Monnaie, jugée plus propice à la sensibilisation à la cause car plus fréquentée. “Je ne pense pas que ça leur fait vraiment quelque chose aux gens de l’ambassade de voir quelques personnes devant leur bâtiment, mais à la Place de la Monnaie, à 20 personnes, on distribue entre 600 à 1000 tracts chaque lundi et on discute avec des personnes qui ne connaissaient pas l’histoire d’Assange”, détaille Marie-France Deprez, porte-parole du comité.

L’information doit être dérangeante

Sur les tracts distribués aux passants, on peut lire les phrases suivantes : “Julian Assange ne doit pas être extradé !”, “Julian Assange doit être libéré !”. Ces propos sont accompagnés de plusieurs hyperliens qui permettent de signer les pétitions en ligne. “L’information doit être dérangeante, c’est comme ça que les gens peuvent comprendre et réfléchir par eux-même. Assange a fait ce travail, explique Annie, ancienne réalisatrice à la RTBF. Les bénévoles insistent : Assange n’a rien fait de mal. Il ne devrait pas être détenu.

19h20, les passants se font de plus en plus rares devant la bouche de métro et les exclamations diminuent. Petit à petit, les bénévoles remballent leurs installations. Bilan de la soirée : 500 tracts distribués et 33 signatures pour les pétitions. C’est un peu moins que la moyenne, mais une victoire malgré tout, au vu du mauvais temps.

Lundi prochain, quelle que soit la météo, ils seront là. Même heure, même place, mêmes revendications.

Enrique, sociologue et bénévole pour le Comité Free Assange.

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