Suspension de peine pour cause COVID ?

Jeudi 15 octobre, la plus grande librairie de Bruxelles « Filigranes » recevait la juge d’instruction belge Anne Gruwez pour présenter son livre « Tais-toi ». L’occasion pour elle de répondre à une question brûlante : faut-il désengorger les prisons ?

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Photos : Candice Bussoli (CC BY NC ND)

Jeudi 15 octobre, la plus grande librairie de Bruxelles « Filigranes » recevait la juge d’instruction belge Anne Gruwez pour présenter son livre « Tais-toi ». L’occasion pour elle de répondre à une question brûlante : faut-il désengorger les prisons ?

Photos : Candice Bussoli (CC BY NC ND)

La première vague du COVID-19 du printemps dernier a remis sur le tapis le problème de surpopulation dans le milieu carcéral. En effet, la forte concentration des détenus dans les prisons rendait le risque de contamination plus accru. En avril 2020, le ministre de la Justice de l’époque, Koen Geens, décidait de faire entrer en vigueur une nouvelle mesure par le biais des pouvoirs spéciaux : l’interruption de l’exécution de la peine aux détenus. L’objectif ? Endiguer la propagation du coronavirus. 

Ce « congé » ne s’adressait pas aux prisonniers incarcérés pour terrorisme, aux peines de plus de dix ans et aux délits de mœurs. Alors que nous sommes dans la seconde vague de l’épidémie, faut-il prendre de nouvelles mesures similaires pour limiter la prolifération du virus dans les établissements pénitentiaires ?

Hypothèse dans laquelle il faut croire que le coronavirus rend les détenus inoffensifs

C’est la question que Marc Filipson, le CEO de Filigranes, a posée à la célèbre juge Anne Gruwez le jeudi 15 octobre lors de sa visite dans la librairie pour la présentation de son livre, comble pour l’occasion. Alors, faut-il vider ou non les prisons ? Pour l’héroïne du documentaire « ni juge, ni soumise », c’est « idiot ». La raison ? « Je ne vois pas pourquoi un effet du hasard comme le coronavirus ferait que l’on vide les prisons de gens qu’on a estimé suffisamment dangereux pour les y placer. ». Elle n’hésite pas à rajouter : « c’est une hypothèse dans laquelle il faut croire que le coronavirus les rend inoffensifs. » La salle rit aux éclats.

La frontière entre être derrière ou devant les barreaux est parfois floue. Accorder un « congé » à des détenus ne signifie pas pour autant qu’ils sont libérés. Dans la suite de l’entretien au micro du fondateur de Filigranes, Anne Gruwez s’est livrée sur le danger de cette confusion : « Cela n’a pas de sens, je ne vois pas pourquoi il y aurait une recondamnation lorsqu’il y a eu une resociabilisation et un redressement de la part de la personne. » S’il y a liberté et bonne conduite, pourquoi emprisonner à nouveau ? 

Je crois que l’emprisonnement met un coup d’arrêt au mauvais chemin

La magistrate, qui ne prétend pas détenir la vérité absolue, revient sur la forme de détention qu’elle juge efficace. Elle doit être immédiate, mais surtout, elle ne doit pas être trop longue, car « après six mois d’emprisonnement, l’humain est habitué à l’univers carcéral et ne sait plus se diriger quand il en sort ». Anne Gruwez précise tout de même : « Je ne suis pas contre l’emprisonnement, je crois que l’emprisonnement immédiat met un coup d’arrêt au mauvais chemin, à la mauvaise action, à la saloperie qui a été commise. » Le passage en cellule doit être imminent. 

Dans l’hypothèse où l’on vide les prisons à cause du coronavirus, je dis qu’on commence à inoculer les détenus et qu’on les confine à la maison

Celle qui « aime la justice » a marqué le public venu spécialement pour la voir. Avec son franc-parler légendaire et son humour corrosif, Anne Gruwez qui est contre la libération des détenus en période de pandémie n’hésite pas à ajouter : « dans l’hypothèse où l’on vide les prisons à cause du coronavirus, je dis qu’on commence à inoculer les détenus et qu’on les confine à la maison. » Cette phrase, significative du tempérament excentrique de la juge, a amusé la salle et l’hôte de la soirée. « Elle l’a dit », clôture Marc Filipson en aparté avec les spectateurs. 

« Tais-toi » de Anne Gruwez, paru aux éditions Racine

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